Les origines communistes du groupe extrémiste Antifa
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Des militants antifascistes brandissent des drapeaux arborant l’inscription « Action Antifasciste Paris-Banlieue » et tiennent des banderoles lors d’une manifestation organisée pour commémorer le deuxième anniversaire de la mort de Clément Méric, un jeune militant d’extrême gauche décédé lors d’une bagarre avec des skinheads d’extrême droite le 5 juin 2013.
Le groupe extrémiste anarcho-communiste Antifa fait la une de l’actualité depuis l’annonce du Président Donald Trump de vouloir le désigner comme organisation terroriste.
L’organisation était initialement intégrée aux opérations de façade de l’Union soviétique, visant à instaurer une dictature communiste en Allemagne, et elle s’efforçait alors d’étiqueter tous les partis rivaux de « fascistes ».
On peut retracer l’histoire de cette organisation jusqu’à la « stratégie du front uni » de l’Internationale communiste (Komintern) de l’Union soviétique, lors du Troisième Congrès mondial tenu à Moscou en juin et juillet 1921, selon le [livret] allemand « 80 ans d’Action Antifasciste » de Bernd Langer, publié par l’Association pour la promotion de la culture antifasciste. Bernd Langer est un ancien membre de l’Autonome Antifa, jusqu’alors l’une des plus grandes organisations Antifa d’Allemagne, dissoute en 2004.
L’Union soviétique fut l’une des dictatures les plus violentes de l’histoire, responsable d’environ 20 millions de morts, selon « Le Livre noir du communisme » publié par Harvard University Press. Le régime soviétique n’a été dépassé dans l’ampleur des crimes que par le Parti communiste chinois sous Mao Zedong, qui aurait fait quelque 65 millions de victimes.
La stratégie du front uni visait à fédérer des organisations de gauche pour provoquer une révolution communiste. Les Soviétiques pensaient qu’après la révolution russe de 1917, la prochaine étape du communisme serait l’Allemagne, qui abritait alors le deuxième parti communiste mondial, le KPD (Parti communiste d’Allemagne).
C’est lors du Quatrième Congrès mondial du Komintern, en 1922, que la manœuvre s’est clarifiée. Moscou lança le slogan « Aux masses » pour sa stratégie de front uni et chercha à réunir, sous une même bannière idéologique placée sous son contrôle, l’ensemble des partis communistes et ouvriers en Allemagne.
« Le ‘front uni’ n’impliquait donc pas une coopération équitable entre les différents groupes, mais bien la domination du mouvement ouvrier par les communistes », écrit M. Langer.
Benito Mussolini, marxiste et socialiste exclu du Parti socialiste italien en 1914 pour son engagement en faveur de la Première Guerre mondiale, fonda ensuite le mouvement fasciste comme propre parti politique. Il accéda au pouvoir à la suite de la « Marche sur Rome » d’octobre 1922.
En Allemagne, Adolf Hitler prit la tête du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (parti nazi) en 1921, et tenta un coup d’État en 1923.
Le KPD décida d’utiliser la bannière de l’antifascisme pour structurer un mouvement. M. Langer relève pourtant que pour le KPD, les notions de « fascisme » et « antifascisme » étaient « indifférenciées » et que le mot « fascisme » servait principalement de rhétorique pour justifier leur opposition agressive.
Les systèmes communistes aussi bien que fascistes reposaient tous deux sur le collectivisme et une économie planifiée par l’État. Dans les deux cas, l’individu était placé sous le contrôle étroit d’un pouvoir central fort ; les deux régimes étant responsables d’atrocités et de crimes de masse.
Le rapport annuel 2016 du Bureau fédéral de protection de la Constitution (BfV), les services de renseignement intérieur allemands, constate le même phénomène : du point de vue « extrémiste de gauche », le qualificatif de « fascisme » avancé par l’Antifa ne renvoie souvent pas au fascisme authentique, mais sert d’étiquette appliquée à « l’économie capitaliste ».
Alors que les extrémistes de gauche revendiquent lutter contre le « fascisme » en s’en prenant à d’autres groupes, le rapport souligne que le terme « fascisme » revêt un double sens au sein de l’idéologie d’extrême-gauche, suggérant en réalité un « combat contre le capitalisme ».
Ce point était déjà valide à l’origine, selon M. Langer. Pour les communistes allemands, « antifascisme » signifiait essentiellement « anticapitalisme ». Il précise que ces termes n’étaient que des « concepts de lutte » s’inscrivant dans un « vocabulaire politique ».
La description de l’Antifa sur le site du BfV notifie que l’organisation conserve aujourd’hui cette définition de base : le capitalisme est assimilé au « fascisme ».
« Selon eux, l’État capitaliste produit le fascisme, ou à tout le moins le tolère. Dès lors, l’antifascisme ne s’attaque pas uniquement aux prétendus ou véritables extrémistes de droite, mais aussi systématiquement à l’État et à ses représentants, notamment les autorités de sécurité », précise-t-on.
M. Langer fait remarquer que, historiquement, en qualifiant les intérêts anticapitalistes du mouvement communiste d’« antifascisme », le KPD a pu utiliser cette rhétorique pour qualifier tous les autres partis politiques de fascistes. M. Langer déclare : « Selon cette logique, les autres partis opposés au KPD étaient fascistes, en particulier le SPD [Parti social-démocrate allemand]. »
Ainsi, de façon paradoxale aujourd’hui, le groupe que les « antifascistes » communistes ciblaient prioritairement sous leur nouvelle étiquette de « fascisme » était… les sociaux-démocrates.
Le 23 août 1923, le Politburo du Parti communiste de Russie tint une réunion secrète durant laquelle, selon M. Langer, « tous les hauts responsables se prononcèrent en faveur d’une insurrection armée en Allemagne ».
Le KPD fut en première ligne de cet appel, lançant le mouvement sous son slogan d’Action du Front Uni et désignant sa branche armée « antifasciste » sous le nom d’Antifaschistische Aktion (« Action antifasciste »), dénomination toujours utilisée par l’Antifa en Allemagne et à l’origine des organisations Antifa dans d’autres pays.
Le Congrès unitaire d’Antifa, tenu au Philharmonic Opera House à Berlin, le 10 juillet 1932. Le congrès était organisé par le Parti communiste d’Allemagne pour vaincre à la fois le Parti social-démocrate et le Parti nazi. Antifa qualifiait les deux formations de « fascistes », une étiquette politique apposée à tous les partis rivaux. (Domaine public)
À cette époque, Hitler et son Parti nazi commençaient à s’imposer sur la scène internationale, et le parti employait un groupe similaire à l’Antifaschistische Aktion pour la violence politique et l’intimidation, connus sous le nom de « chemises brunes » (brownshirts).
Antifaschistische Aktion, de son côté, attira aussi certains membres véritablement opposés à l’émergence du fascisme en Allemagne, parfois étrangers ou indifférents à ses liens avec l’Union soviétique.
Cependant, la violence orchestrée par l’Antifaschistische Aktion eut souvent l’effet inverse. Les tactiques d’intimidation et la violence perpétrées par le mouvement Antifa contre tous les systèmes concurrents ainsi que l’idéologie extrême associée poussèrent de nombreuses personnes à se rapprocher du fascisme.
« La rhétorique révolutionnaire violente des communistes, annonçant la destruction du capitalisme et la création d’une Allemagne soviétique, effrayait la classe moyenne qui ne pouvait ignorer ce qui était arrivé à ses homologues russes après 1918 », écrit Richard J. Evans dans « Le Troisième Reich en puissance ».
« Consternés par l’incapacité du gouvernement à résoudre la crise et terrorisés par la montée des communistes, ils finirent par délaisser les factions droitières traditionnelles et se tourner vers les nazis », observe-t-il.
M. Langer rappelle que le KPD, dès le départ, fut affilié au Komintern et que « quelques années suffirent pour qu’il devienne un parti stalinien », tant sur le plan idéologique que logistique, allant jusqu’à « dépendre financièrement du siège de Moscou ».
Les dirigeants du KPD, avec l’Antifa comme bras armé assurant la violence et l’intimidation contre les partis rivaux, passèrent alors sous la coupe de l’appareil soviétique. Beaucoup de dirigeants du KPD deviendraient par la suite des personnalités de la République démocratique allemande, notamment au sein de son tristement célèbre ministère pour la Sécurité de l’État, la Stasi.
Comme le note M. Langer, « l’antifascisme est davantage une stratégie qu’une idéologie ».
« Il a été mis en œuvre en Allemagne dans les années 1920 par le KPD », non pas comme un mouvement de résistance contre le fascisme émergent en Allemagne, mais « comme un concept de lutte anticapitaliste », écrit-il.
Une version de cet article a été publiée pour la première fois le 18 août 2017.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Joshua Philipp est un journaliste d'investigation primé et rédacteur senior d'Epoch Times New York. Il est un expert reconnu en matière de guerre sans restriction, de guerre hybride asymétrique, de subversion et de perspectives historiques sur les problèmes actuels. Ses plus de 10 années de recherche et d'enquêtes sur le Parti communiste chinois, la subversion et des sujets connexes lui donnent un aperçu unique de la menace mondiale et du paysage politique.