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Les sanctions « snapback » freineront-elles le programme nucléaire iranien ? Ce qu’en pensent les experts

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Le Conseil de sécurité des Nations unies tient une réunion sur l’Iran au siège de l’ONU le 19 septembre 2025 à New York

Photo: ANGELA WEISS/AFP via Getty Images.

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Durée de lecture: 15 Min.

Le rétablissement des sanctions contre l’Iran, réinstaurées le 27 septembre, a été initié par le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne au Conseil de sécurité des Nations unies, à la suite d’accusations selon lesquelles le pays du Moyen-Orient a violé un accord destiné à l’empêcher de se doter d’une ogive nucléaire.
Des doutes subsistent quant à la capacité de la réimposition des sanctions contre l’Iran — suspendues en 2015 à la suite du Plan d’action global commun — à freiner les ambitions nucléaires de Téhéran.
Olli Heinonen, ancien directeur général adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et chercheur distingué au Stimson Center, a déclaré à Epoch Times : « Il est trop tôt pour conclure que le programme de l’Iran a été détruit ».
« L’état des stocks d’uranium enrichi à 20 % et 60 % — qui peuvent être convertis en peu de temps en matière fissile apte à l’arme — n’est pas pleinement connu », a-t-il indiqué.
M. Heinonen a expliqué que la production iranienne de composants de centrifugeuses était dispersée sur plusieurs sites dans différentes régions du pays, et que les installations nucléaires de Natanz et de Fordow — fortement bombardées par Israël et les États-Unis — servaient principalement à assembler des centrifugeuses, et non à fabriquer les composants.
« Étant donné la capacité de l’Iran à produire des centrifugeuses en série, il est probable que des stocks substantiels de composants existent en dehors de Natanz et de Fordow », a-t-il poursuivi.

Une « infrastructure d’évasion » des sanctions

Un porte-parole de Dallas, société privée d’analyse et de renseignement qui a mis au jour des entreprises aidant la Russie à contourner les sanctions, a déclaré à Epoch Times par courriel : « Ce que nous apprennent nos enquêtes sur la Russie, c’est que les régimes autoritaires ne se contentent pas d’éluder les sanctions de façon réactive ; ils bâtissent en amont une infrastructure d’évasion, en solution de repli, y compris pendant les négociations ».
Le porte-parole, qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité, a affirmé que l’Iran avait déjà établi des réseaux d’approvisionnement en empruntant les mêmes routes d’Asie centrale que la Russie pour ses composants militaires.
« Téhéran a passé des mois à prépositionner des canaux financiers via les Émirats arabes unis et des banques chinoises, à diversifier les chaînes d’approvisionnement nucléaire via Hongkong, la Malaisie et la Turquie, et, point crucial, à sécuriser des voies alternatives d’acquisition technologique », a-t-il précisé.
« Surtout, l’Iran a tiré les leçons des erreurs commises par la Russie en 2022. Il a préétabli des systèmes de paiement alternatifs et des chaînes d’approvisionnement de secours via des banques chinoises et des réseaux crypto avant le snapback, et non après ».
M. Heinonen a indiqué que les sanctions réimposées au titre du mécanisme de snapback créeraient des obstacles supplémentaires si l’Iran devait importer de nouvelles matières premières comme l’aluminium à haute résistance ou des matériaux composites.
« On ne peut toutefois pas exclure la possibilité que l’Iran assemble, en relativement peu de temps, une petite installation d’enrichissement d’environ 1000 à 2000 centrifugeuses, comme il l’a fait fin 2002 à Natanz », a-t-il ajouté.
Le général de brigade Yossi Kuperwasser, ancien membre de l’équipe de négociation israélienne sur le nucléaire iranien, a déclaré à Epoch Times que la véritable question n’était pas de savoir si l’Iran pourrait survivre aux nouvelles sanctions onusiennes, mais si la population iranienne regarderait le régime et se demanderait pourquoi elle devrait subir des difficultés économiques parce qu’il refuse d’abandonner ses ambitions nucléaires.
M. Kuperwasser a affirmé que le mécontentement public était ce qui inquiétait réellement le régime de Téhéran.
« À l’heure actuelle, ils ne peuvent pas construire leur propre arme nucléaire, pour de nombreuses raisons », a déclaré M. Kuperwasser, aujourd’hui à la tête de l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité (JISS : Jerusalem Institute for Strategy and Security).
Selon lui, l’une des raisons est qu’une installation de conversion à Ispahan a été détruite par des bombardements aériens israéliens durant la Guerre de Douze Jours.
« Sans cela, il est impossible de construire une arme nucléaire », a-t-il assuré.

Des milliards « partis en fumée »

M. Kuperwasser a soutenu que l’Iran avait dépensé des milliards de dollars au fil des années pour son programme nucléaire, et que tout cela était « parti en fumée ».
« Recommencer aujourd’hui à bâtir un nouveau Natanz ou un nouvel Esfahan dépasse ses capacités financières. Ils ont peu d’argent et doivent le consacrer au maintien d’un niveau minimal d’activité économique », a déclaré M. Kuperwasser.
M. Heinonen a estimé que les durs à Téhéran, menés par le dirigeant iranien de 86 ans, Ali Khamenei, ne sont pas encore prêts à faire des concessions sur le programme nucléaire. « Certains responsables ont promu une approche ‘gagnant-gagnant’ dans laquelle Téhéran accepterait certaines contraintes nucléaires pour alléger les sanctions — d’une part pour atténuer l’impact sur une économie en difficulté, et d’autre part pour préserver des capacités nucléaires susceptibles d’être étendues ultérieurement », a-t-il expliqué.
Le 19 septembre, lors de la réunion annuelle des dirigeants mondiaux à l’ONU, une tentative a été faite pour reporter la réinstauration des sanctions.
Quatre pays — la Russie, la Chine, le Pakistan et l’Algérie — ont voté en faveur de la proposition, à cinq voix de la majorité requise de neuf ; la Guyane et la Corée du Sud se sont abstenues.
À 20 heures (ET) le 27 septembre, les sanctions, initialement adoptées par le Conseil de sécurité entre 2006 et 2010, ont été rétablies.
Elles constituent un ensemble mêlant des sanctions spécifiques, telles que la RCSNU 1737 (2006) — qui prévoit le gel d’avoirs et de fonds — et d’autres, plus vagues, comme la RCSNU 1696 (2006), qui appelle les États à « faire preuve de vigilance et à empêcher le transfert de tout article, matériel, bien et technologie susceptible de contribuer aux activités d’enrichissement et de retraitement de l’Iran ainsi qu’à ses programmes de missiles balistiques ».
Deux jours plus tard, l’Union européenne a à son tour réimposé des sanctions contre l’Iran.
Le 30 septembre, le Foreign Office britannique a sanctionné plusieurs individus, dont Ali Reza Khanchi, directeur du centre de recherche nucléaire de Téhéran de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, ainsi que Machine Sazi Arak, entité que le gouvernement britannique accuse d’« être responsable de, soutenir, promouvoir ou faciliter une activité nucléaire pertinente, à savoir la prolifération ou le développement d’armes nucléaires en Iran ou pour son usage ».

Le président américain Donald Trump répond aux questions dans l’East Room de la Maison-Blanche, le 12 juin 2025. (Chip Somodevilla/Getty Images)

Les États-Unis se sont retirés unilatéralement du Plan d’action global commun en mai 2018, sous la première administration du président américain Donald Trump, qui a alors déclaré : « L’Amérique ne sera pas prise en otage par un chantage nucléaire ».
Le 1er octobre, le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC : Office of Foreign Assets Control) du département du Trésor américain a désigné en vue de sanctions 21 entités et 17 individus qu’il estime impliqués dans « l’acquisition de biens et de technologies sensibles » pour l’Iran.
Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a affirmé que le soutien du régime iranien à des proxys terroristes et sa quête de l’arme nucléaire menaçaient la sécurité « du Moyen-Orient, des États-Unis et de nos alliés à travers le monde ».
« Sous la direction du président Trump, nous priverons le régime des armes qu’il utiliserait pour poursuivre ses objectifs malveillants », a-t-il ajouté.
L’Iran affirme de longue date que son programme nucléaire a des fins pacifiques.
« Nous n’avons pas de bombe nucléaire et nous n’en aurons pas, et nous ne prévoyons pas d’utiliser une arme nucléaire », a déclaré le mois dernier M. Khamenei. Le 10 avril, le média d’État PressTV a rapporté que le pays était devenu le deuxième au monde, après l’Allemagne, à produire commercialement du rhénium‑188, un isotope radioactif utilisé dans le traitement du cancer.
Le média précisait que l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (AEOI : Atomic Energy Organization of Iran) avait dévoilé la veille six avancées technologiques majeures, dont une crème dermatologique contenant du rhénium‑188 pour le traitement des cancers de la peau, ainsi que le gallium FAPI, « conçu pour détecter plus de 30 types de cancers », et le lutétium FAPI, qui « offre un traitement ciblé pour des cancers avancés ».
Le site de l’AEOI cite une déclaration de M. Khamenei selon laquelle : « La République islamique d’Iran considère l’usage d’armes nucléaires et chimiques comme un péché capital et impardonnable. Nous avons lancé le slogan ‘Moyen-Orient dénucléarisé’, et nous y demeurons attachés ».

Le 26 juin 2025, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, apparaît parmi ses partisans pour la première fois depuis la guerre Iran–Israël, à Téhéran. (Photo Office du Guide suprême d’Iran via Getty Images)

Le 28 septembre, le président du Parlement iranien, Mohammad Bagher Qalibaf, a déclaré que l’Iran « considère la restauration des résolutions de sanctions comme illégale, et la Russie et la Chine, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité, ont souligné dans des déclarations officielles qu’aucun pays n’a l’obligation juridique de respecter ces sanctions.
« L’Iran ne se considère pas non plus juridiquement tenu de respecter ces résolutions illégales, y compris la suspension de l’enrichissement d’uranium », a-t-il ajouté.
Interrogé sur la possibilité d’une application intégrale des sanctions contre l’Iran, compte tenu du soutien de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord, M. Heinonen a répondu : « Pour que le régime de sanctions soit efficace, il doit viser, entre autres, le commerce de l’Iran avec des partenaires majeurs tels que la Russie, l’Inde et la Chine. Cela inclut la réduction des exportations de l’Iran — en particulier le pétrole — et la restriction des importations d’équipements, de matériaux et de technologies essentiels pour le secteur pétrochimique, les forces armées et les programmes nucléaire et de missiles balistiques ».
M. Heinonen a précisé que la Russie avait récemment convenu avec l’Iran d’achever les centrales nucléaires Bouchehr‑2 et Bouchehr‑3, et de construire des petits réacteurs modulaires et des centrales de plus grande taille.
« Ces projets exigent non seulement des financements, mais aussi des importations technologiques dont la Russie elle-même manque dans certains domaines », a-t-il affirmé.

Un drapeau iranien à la centrale nucléaire de Bouchehr lors d’une cérémonie officielle lançant la construction d’un deuxième réacteur, le 10 novembre 2019. (Atta Kenare/AFP via Getty Images)

Les brèches des pays tiers

Le porte-parole de Dallas a déclaré que le véritable test serait de savoir si le Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux coordonneraient l’application avec des alliés asiatiques pour refermer les brèches des pays tiers.
« La Russie, par exemple, a réussi à se procurer des composants sanctionnés parce que des entreprises asiatiques sanctionnées par le Royaume‑Uni n’étaient pas simultanément inscrites sur liste noire par l’UE ou les États-Unis », a-t-il expliqué.
Le porte-parole a ajouté que la Russie avait maintenu sa production de défense malgré les sanctions, grâce à des intermédiaires techniques et à l’approvisionnement via des plaques tournantes comme Singapour, Dubaï et Istanbul.
« Les autorités occidentales devraient donc se concentrer sur les fournisseurs d’intrants militaires critiques — des puces avancées Nvidia aux composants électroniques clés — et exiger un contrôle renforcé », a-t-il recommandé.
M. Kuperwasser a estimé que l’Iran avait peu de chances de changer de cap sur son programme nucléaire avant la disparition de M. Khamenei.
« C’est lui qui tient les rênes, et lorsqu’il partira, ce pourrait être une opportunité pour quiconque souhaite voir un Iran différent de tenter sa chance », a déclaré M. Kuperwasser. « Mais pour l’instant, il semble que l’acteur le plus puissant dans ce jeu reste les Gardiens de la révolution », fidèles à M. Khamenei et à sa ligne dure sur le nucléaire.