L’Italie se retire du projet chinois « la Ceinture et la Route »

Le projet n'a pas produit les résultats escomptés, selon la Première ministre Giorgia Meloni

Par Dorothy Li
14 décembre 2023 20:11 Mis à jour: 14 décembre 2023 20:11

L’Italie se retire de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » (BRI : Belt and Road Initiative), portant un coup majeur à l’ambitieux projet du régime communiste.

L’Italie est le seul membre du groupe des sept principales puissances économiques à avoir rejoint le projet de mille milliards de dollars, lancé il y a dix ans par le dirigeant chinois Xi Jinping pour étendre l’influence géopolitique du régime par des investissements dans les infrastructures.

La Première ministre Giorgia Meloni a confirmé l’abandon du projet chinois.

« Je pense que nous devrions… améliorer notre coopération avec la Chine sur le commerce, l’économie », a déclaré Mme Meloni aux journalistes dans ses premiers commentaires publics sur la question depuis que Rome a communiqué avec Pékin au sujet de la décision, selon Reuters.

« L’outil de la BRI … n’a pas produit les résultats escomptés », a-t-elle ajouté.

Le protocole d’accord sur la BRI entre Rome et Pékin était applicable jusqu’en mars 2024. L’Italie devait décider avant la fin de cette année si elle souhaitait mettre fin à l’accord. Dans le cas contraire, l’accord aurait été automatiquement renouvelé pour cinq ans de plus.

Des informations sont apparues mercredi annonçant que le gouvernement de Mme Meloni avait informé les autorités chinoises qu’il se retirait officiellement du pacte.

Selon le média local Corriere della Sera, une mise en demeure a été adressée à l’ambassade de Chine en Italie au début du mois, sans qu’aucune annonce officielle n’ait été faite.

Lors de sa conférence de presse jeudi, le ministère chinois des Affaires étrangères, interrogé sur le départ officiel de Rome du projet BRI, n’a ni démenti ni confirmé, mais a déclaré que le projet avait « un attrait énorme et une influence mondiale ».

Sans nommer l’Italie, le porte-parole du ministère, Wang Wenbin, a déclaré aux journalistes que le régime chinois « s’oppose fermement aux tentatives de salir et de saboter l’initiative « la Ceinture et la Route » ou de nourrir une confrontation en bloc et la division ».

Une grosse erreur

M. Xi a lancé la BRI, ou Initiative des Nouvelles Routes de la Soie, peu après son arrivée au pouvoir fin 2012. Depuis, le régime a distribué plus de 1000 milliards de dollars en prêts et autres fonds pour la construction de chemins de fer, de ports, de centrales électriques et d’autres infrastructures vitales de part et d’autre de l’Asie du Sud-Est, de l’Afrique et de l’Europe. La plupart de ces prêts ont été offerts à des pays à revenu faible ou intermédiaire.

En 2019, Giuseppe Conte, alors Premier ministre italien, a signé le mémorandum BRI lors de la visite de M. Xi à Rome, malgré l’opposition de Washington et de Bruxelles. L’accord a même fait l’objet de critiques au sein du gouvernement de coalition de M. Conte, les fonctionnaires craignant que les investissements chinois ne soient un « cheval de Troie » destiné à fragiliser gravement l’économie du pays.

M. Conte espérait que la participation au projet BRI augmenterait les échanges commerciaux avec la Chine et stimulerait l’économie italienne, qui était alors tombée en récession.

« Nous voulons avant tout rééquilibrer notre commerce extérieur vers la Chine, qui ne nous est pas favorable aujourd’hui. Nos exportations vers la Chine sont bien inférieures à celles d’autres pays européens », a déclaré M. Conte aux législateurs avant de signer l’accord avec M. Xi.

Contrairement aux attentes, les entreprises chinoises profitent toujours davantage du commerce bilatéral. Les exportations de l’Italie vers la Chine n’ont que légèrement augmenté, passant de 14 milliards de dollars en 2019 à 17,7 milliards de dollars en 2022, selon les données italiennes. Par contre, les exportations de la Chine vers l’Italie ont presque doublé, passant de 34,1 milliards de dollars à 61,9 milliards de dollars au cours de la même période.

Mme Meloni a vivement critiqué la décision du gouvernement d’adhérer au projet BRI lors de la campagne électorale de l’année dernière. Dans une interview accordée à l’agence de presse officielle taïwanaise CNA en septembre 2022, Mme Meloni a qualifié l’accord de M. Conte avec le régime de « grosse erreur ».

Depuis leur entrée en fonction en octobre dernier, Mme Meloni et son gouvernement de droite ont signalé à plusieurs reprises leur intention de quitter la BRI, estimant que les avantages n’étaient pas à la hauteur des attentes.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré mercredi que le programme d’infrastructures chinois n’était « pas l’une de (leurs) priorités ».

Le projet chinois « n’a pas eu les résultats escomptés et il s’avère que les pays qui n’y ont pas participé ont obtenu de meilleurs résultats », a déclaré M. Tajani, également vice-premier ministre italien, lors d’un événement organisé par l’agence de presse italienne Adnkronos à Rome. Il a ajouté que le retrait de la BRI ne nuirait pas aux relations avec la Chine.

Un scepticisme croissant

Il fut un temps où M. Xi acclamait la BRI comme le « projet du siècle ». Mais dix ans après sa création, la BRI continue d’être accueillie avec un scepticisme croissant en Occident.

Les critiques ont qualifié ce système de « diplomatie du piège de la dette », car il fait peser sur les petites nations des obligations insoutenables en matière de dette. Le Sri Lanka en est un exemple : en 2017, il a cédé les droits du port stratégique de Hambantota au régime chinois pour un bail de 99 ans, après que le gouvernement s’est trouvé dans l’incapacité de rembourser les prêts chinois massifs contractés.

Les dirigeants du G-7 ont dévoilé un programme mondial d’infrastructures qui se veut une réponse à la BRI controversée du régime.

Des analystes ont prévenu que la BRI faisait partie de tentatives du régime de remodeler l’ordre mondial.

Lors du forum, M. Xi a présenté son projet BRI comme une plateforme mondiale de coopération et de prospérité, célébrant le 10e anniversaire du projet à Pékin au début de l’année.

Le président russe Vladimir Poutine, l’un des nombreux invités de marque présents au forum, a fait l’éloge de la BRI pour le rôle qu’elle est supposée jouer dans la création d’un « monde plus juste et multipolaire ».

Il est intéressant de noter qu’un seul dirigeant d’un pays de l’Union européenne a assisté au forum BRI de cette année — le Premier ministre hongrois Viktor Orbán. En comparaison, la réunion de 2019 comptait sept chefs d’État ou de gouvernement de l’UE.

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