Les lobbies à l’assaut de Londres

13 mars 2017 14:00 Mis à jour: 13 mars 2017 11:31

Birmingham – Le bras de fer entre le Royaume-Uni et les forces mondialistes pourrait s’intensifier avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Une confrontation directe avec le monde des affaires dont l’Union européenne l’a longtemps partiellement protégé.

Le gouvernement britannique va devoir mener de front la négociation d’une série d’accords commerciaux et sa plus grande réforme législative des cinquante dernières années. L’avenir de pans entiers de l’industrie britannique dépend de la qualité de ce travail de création de nouvelles règles et politiques commerciales pour succéder à celles de l’Union européenne. Dans le panier des nouvelles lois à adopter et à appliquer, rien moins que la réforme du système bancaire, le droit du travail, les règles financières et commerciales, les lois environnementales.

Beaucoup s’inquiètent, par exemple, de voir les grands lobbies agro-alimentaires agir pour alléger les contrôles et permettre les cultures OGM à grande échelle sur le sol britannique, ce dont les lois européennes protégeaient le Royaume-Uni jusqu’à maintenant. Le gouvernement du Premier ministre Theresa May balaie cependant d’un revers de la main ces inquiétudes et insiste sur le fait que la Grande-Bretagne est d’ores et déjà prête pour les échanges commerciaux avec le reste du monde.

L’opportunité du Brexit est, pour tous les grands groupes lobbyistes, l’équivalent d’une ruée vers l’or : création de départements entiers dédiés au Brexit, actions concertées auprès des associations, des think tanks, des entreprises… L’un des exemples saillants est celui de Teneo, un géant international du consulting dont les clients incluent McDonald’s, Coca-Cola, Nissan et Tesco. Teneo a maintenant une « unité de transition clientèle Brexit ». La firme emploie comme conseiller l’ancien ministre des Affaires étrangères britannique William Hague. Le monde des lobbyistes et des consultants s’attend donc à une importante inflation des demandes de prestations et à des résultats financiers en forte hausse.

« J’ai voté pour le maintien dans l’Union européenne et suis déçu que le Royaume-Uni quitte l’UE. Mais, professionnellement parlant, il est clair que les demandes pour bénéficier de nos services ne feront que croître », commente Olly Kendall, directeur opérationnel de Westminster Public Affairs, l’une des plus importantes firmes de lobbyistes du Royaume-Uni. Ces nouveaux clients voient les changements politiques comme une opportunité sans précédent pour faire avancer leur stratégie de développement, parfois bloquée depuis des années par les contraintes des règles européennes. « Le Brexit va être un moment unique qui modifiera l’environnement légal bien plus profondément que n’importe quel changement de gouvernement », s’enthousiasme Andy Sawford, un des principaux partners de la firme de lobby Connect Communications.

Absence de contrôle

Si, du côté Dr Jekyll, les actions de lobbying sont utiles et nécessaires pour alimenter les réflexions politiques et faire évoluer les cadres légaux, elles sont – du côté Mr Hyde – déplorablement incontrôlées au Royaume-Uni. L’association Transparency International indique que ce manque de transparence donne aux entreprises et à leurs groupements des leviers cachés d’influence. À la différence des États-Unis et du Canada, le Royaume-Uni ne s’est, par exemple, pas doté d’un registre de lobbyistes qui permettrait à leur travail de se faire, au moins, à visage découvert.

« La plus grande partie de ce que font les lobbyistes reste dans l’ombre », commente Steve Goodrich, chercheur à Transparency International. « Le secret entretenu autour des moyens utilisés par les lobbys fait qu’il n’y presque pas de données fiables pour savoir qui tente d’influencer le gouvernement, de quelle manière, et si certains bénéficient d’un meilleur accès que les autres aux responsables politiques. »

Autre sujet d’inquiétude au Royaume-Uni, les négociations à venir : durant les quarante dernières années, l’Union européenne a négocié, au nom de ses membres, des accords commerciaux majeurs, déportant progressivement cette compétence à Bruxelles et limitant la capacité des Britanniques à mener seuls des négociations d’ampleur.

Le ministère du Commerce international, créé à la hâte après les résultats du référendum de 2016, est un nouveau-né âgé d’à peine huit mois. Fin 2016, un rapport de la Chambre des Lords, la Chambre haute du Parlement britannique, s’est déjà inquiété de ce manque de préparation et d’expérience, faisant écho aux remarques d’experts du commerce international.

Le nouveau ministère a tenté de rassurer en annonçant qu’il allait recruter des négociateurs expérimentés venant d’Australie, de Nouvelle-Zélande et du Canada, sans pour antant pleinement rassurer.

« Peu importe ce que nous pensons du Brexit, le point central en a été la volonté de reprendre le contrôle. Mais il y a un danger bien réel, sans transparence des actions de lobbying, de ne pas du tout reprendre ce contrôle », explique Alexandra Runswick, directrice de Unlock Democracy, un lobby non commercial pour une démocratie participative au Royaume-Uni. Cette association, qui ne prend pas position sur le Brexit, note cependant que les liens entre d’anciens responsables politiques et les firmes de lobbying sont un point faible qui pourrait facilement être exploité. Par exemple, en juillet 2016, George Osborne a perdu son poste de chancelier de l’échiquier (équivalent du ministre des Finances). Moins de deux mois après, il a créé son entreprise de conseil dans le même domaine que ses précédentes fonctions, bien que ce soit interdit par la loi britannique. Sa sanction ? Une simple lettre de remontrances. Ces mouvements entre le secteur public et le secteur privé, appelés « tourniquets » en Angleterre, ne sont absolument pas maîtrisés d’après Transparency International qui qualifie les contrôles dans le secteur comme « sans dents ». Ces critiques sont cependant modérées par le fait que le Royaume-Uni fait partie des dix meilleurs du classement anti-corruption, et que ces faibles contrôles ne se traduisent pas nécessairement en actions répréhensibles. La culture locale et le bon niveau d’intégrité des hommes politiques et des chefs d’entreprise britanniques sont des éléments rassurants. Il faudra cependant voir dans les années à venir s’ils constitueront des digues suffisantes face à la puissance des lobbies internationaux.

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