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L’offensive russe incite les pays européens à rétablir le service militaire

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Le président allemand Frank-Walter Steinmeier et son homologue portugais Marcelo Rebelo de Sousa ont passé en revue une garde d’honneur devant le palais présidentiel Bellevue à Berlin, le 12 septembre 2025

Photo: Tobias Schwarz/AFP via Getty Images.

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Durée de lecture: 10 Min.

L’Allemagne et la Croatie sont les derniers pays européens à rétablir une forme de service militaire, et selon des experts, la posture agressive de la Russie pousse d’autres nations à réintroduire une conscription. Le gouvernement allemand a adopté des plans le 27 août pour un nouveau système de service militaire volontaire, afin de renforcer les effectifs des forces armées et répondre aux exigences de l’OTAN.
Sept États membres de l’OTAN ont actuellement instauré le service militaire obligatoire pour les hommes : la Grèce, la Norvège, le Danemark, la Finlande, l’Estonie, la Lettonie et la Croatie, qui le réintroduit 17 ans après l’avoir suspendu.
La Suède a ce qu’on appelle le « service militaire obligatoire », tandis que deux pays européens non membres de l’OTAN, l’Autriche et Chypre, ont aussi une forme de service national, Chypre parce qu’elle a été envahie et partiellement occupée par la Turquie en 1974.
Torsten Schmidt, consultant en défense, a déclaré à Epoch Times qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant que l’Allemagne ne rétablisse le service militaire obligatoire, et indique que la France, le Royaume-Uni et plusieurs autres pays européens pourraient suivre.
Il précise que la menace russe ne montre aucun signe d’affaiblissement. Cependant, il ajoute que les données démographiques ne sont pas favorables aux gouvernements européens, avec une moyenne de 1,38 naissance vivante par femme dans l’Union européenne en 2023, et seulement 1,12 en Espagne.
Lors du salon industriel DSEI à Londres, le 10 septembre, M. Schmidt a expliqué : « Si l’on examine les chiffres, le nombre d’hommes âgés de 18 à 35 ans — la tranche idéale pour le recrutement — devrait baisser dans la plupart des pays européens au cours des 20 prochaines années, essentiellement à cause de la chute des taux de fécondité. »
« Plus le groupe de personnes où puiser est restreint, plus il devient difficile de recruter, car les candidats disposent de nombreuses options plus lucratives et moins risquées », ajoute-t-il.
Les taux de natalité ont ainsi nettement baissé dans l’Union européenne — aux Pays-Bas, passant de 3,12 en 1960 à 1,43 en 2023, et en Italie de 2,4 à 1,21 sur la même période.
Mais à mesure que la natalité recule, la menace russe, et dans une moindre mesure chinoise, se renforce.
Certains pays ont rétabli le service national des années après l’avoir supprimé — la Lettonie l’avait aboli en 2007, mais l’a réintroduit en 2023.
La menace russe plane partout
Tim Ripley, analyste et auteur de « Little Green Men : The Inside Story of Russia’s New Military Power » (Les petits hommes verts : l’histoire intime de la nouvelle puissance militaire de la Russie), confie à Epoch Times que la montée de la bellicosité de Moscou est à l’origine de ce revirement.
« La menace russe plane sur toutes les questions militaires en Europe », assure M. Ripley.
En mai 2024 — deux mois avant de perdre les élections générales — le Premier ministre britannique Rishi Sunak proposait le retour du service militaire, estimant que cela permettrait d’unifier la société dans un « monde de plus en plus incertain » et d’offrir aux jeunes « un sentiment partagé d’utilité ».
Des débats similaires ont aussi eu lieu en Italie, en France, en Pologne et au Portugal.
M. Ripley affirme que les pays européens n’envisagent pas de revenir au modèle de la guerre froide, où tous les jeunes de 18 ans étaient enrôlés et où l’armée de l’Allemagne de l’Ouest comptait 800.000 soldats.
L’Allemagne compte 85 millions d’habitants. « La tranche d’âge conscriptible est immense, mais il n’est pas question d’enrôler des centaines de milliers de personnes », souligne-t-il.
« La question cruciale, c’est le nombre de militaires réellement nécessaires », ajoute M. Ripley.
Berlin doit déterminer « combien d’hommes et de femmes » sont requis.
Le projet de loi — qui doit passer au Bundestag — préconise un service militaire volontaire, mais le gouvernement du chancelier Friedrich Merz a déclaré que si les objectifs de recrutement ne sont pas atteints, la conscription obligatoire pourrait être réinstaurée.
Les pays européens ne sont pas seuls à peiner à atteindre leurs objectifs de recrutement depuis plusieurs années : le Canada et l’Australie font face aux mêmes difficultés, et même les États-Unis ont tiré la sonnette d’alarme.
Le contexte a profondément évolué en soixante ans, entraînant une perte d’engouement pour la carrière militaire.
M. Ripley évoque une Europe occidentale vieillissante : « Et puis, le marché du travail est très compétitif. Dans beaucoup de ces pays, le métier de soldat est peu rémunéré et peu valorisé. La carrière militaire n’est plus prestigieuse. »
Selon lui, « dans les années 1950 et 1960, la mobilisation concernait toute une cohorte. Il s’agissait d’une mobilisation civile massive, et tous les jeunes de 18 ans étaient appelés sous les drapeaux. La situation est donc fondamentalement différente aujourd’hui. »
Le gouvernement allemand a affirmé avoir « adopté un modèle de service militaire attractif inspiré du système suédois, d’abord sur la base du volontariat ».
M. Ripley explique que le modèle suédois est si populaire qu’il y a plus de candidats volontaires que de places, ce qui crée une sélection pour l’accès aux forces armées régulières.
En Suède, selon la politique de défense totale, hommes et femmes sont « intégrés à la défense du pays et requis en cas de guerre ou de menace » dès 16 ans, jusqu’à 70 ans.

Une équipe médicale des forces suédoises lors d’une conférence à la base P7 à Revingehed, Suède, le 24 octobre 2024. (Johan Nilsson/TT News Agency/AFP via Getty Images)

Le service militaire n’est qu’une option : les Suédois peuvent aussi opter pour un service civil (pompier volontaire, secteur santé, maternelle), ou pour des activités essentielles en cas de menace, comme la cuisine, la construction ou la conduite de véhicules.
Dans les pays scandinaves, « le service militaire est très prisé, il ouvre la porte à des carrières prestigieuses et à des réseaux d’élite ; il est même valorisé sur le CV ».
Mais selon M. Ripley, convaincre la jeunesse d’autres pays européens que l’armée n’est pas synonyme de tâches anodines, mais permet d’acquérir des compétences telles que le pilotage de drones ou la cybersécurité, reste difficile.
M. Schmidt précise que la Russie connaît les mêmes difficultés démographiques, peinant à remplacer les effectifs perdus en Ukraine, malgré la conscription obligatoire et le recrutement de prisonniers.

Un homme devant le stand de Schiebel, fabricant autrichien de drones, lors du DSEI à Londres, le 10 septembre 2025. (Chris Summers/Epoch Times)

M. Schmidt estime que le rétablissement du service obligatoire ne sera pas populaire chez les jeunes, mais que les politiques peuvent compter sur les électeurs plus âgés, plus nombreux.
En France, en Allemagne et ailleurs, les sondages montrent que les personnes âgées sont favorables au retour du service national, ce qui pourrait séduire l’électorat, même si ces électeurs ne seraient jamais eux-mêmes concernés.
Une enquête IPSOS réalisée en mars pour Le Parisien révèle que 86 % des sondés soutiennent le retour du service national, mais 56 % seulement l’appuient sous forme obligatoire. Chez les plus de 60 ans, 63 % sont pour l’obligation, contre 41 % chez les moins de 35 ans.

Des visiteurs devant les stands DTC et Kgwerks lors du DSEI à Londres, le 10 septembre 2025. (Chris Summers/Epoch Times)

M. Schmidt conclut que le service national ne sera pas aussi contraignant que les jeunes le pensent : « L’avenir de la guerre, ce seront les drones, les satellites, les véhicules autonomes — les jeunes seront donc dans leur élément. Les compétences demandées seront très proches de celles du jeu vidéo. La plupart ne combattront pas dans les tranchées, mais commanderont à distance depuis des suites informatiques confortables, loin du champ de bataille. »