Lorsque les dictatures sont dans le doute, elles traitent leurs citoyens de «terroristes»

Par Phil Gurski
17 juillet 2023 18:49 Mis à jour: 17 juillet 2023 18:49

Ah, le mot en « T » – terrorisme. Nous en sommes certainement obsédés ces derniers temps, probablement depuis les terribles événements du 11 septembre 2001.

Le phénomène du terrorisme n’a bien sûr pas fait son apparition sur la scène mondiale il y a deux décennies – la plupart des spécialistes datent le début de cette forme de violence idéologique au milieu du XIXe siècle – mais il fait l’objet de beaucoup plus d’attention qu’auparavant. Paradoxalement, le support même dans lequel vous lisez cet article, les médias, est en grande partie responsable de cette augmentation de l’exposition.

Hélas, nous ne sommes pas d’accord sur le sens même du mot. La plupart d’entre nous admettraient, j’imagine, que cette manifestation particulière de la violence diffère des types « ordinaires » en ce qu’elle est motivée par des idées, qu’elles soient politiques, religieuses ou autres. En revanche, une agression banale à l’arme blanche dans un train résulte généralement d’une dispute qui a mal tourné ou d’un individu souffrant de troubles mentaux.

Les codes pénaux peuvent aider à établir ces distinctions. Au Canada, par exemple, pour qu’une accusation de terrorisme soit portée, il doit exister un lien établi avec la religion, l’idéologie ou la politique (article 83.01 du code pénal canadien). Mais là encore, ces termes ne sont pas définis (qu’est-ce qu’une « idéologie » ?) et les définitions varient d’une juridiction à l’autre (environ 200 selon un universitaire). Il n’est pas non plus souvent facile d’établir la relation entre les idées et les actions extrêmes. Cela n’est pas très utile.

Pour ne rien arranger, certains gouvernements choisissent de jouer la carte du terrorisme pour qualifier à peu près n’importe quoi – ou n’importe qui – qu’ils considèrent comme indésirable. Au Rwanda, Paul Rusesabagina, présenté dans le film Hôtel Rwanda, comme un héros ayant sauvé des vies pendant le génocide rwandais, a été condamné à 25 ans de prison pour terrorisme par un tribunal en 2021. Le 11 juillet 2023, un ressortissant australo-vietnamien est rentré chez lui à Sydney après avoir été libéré de prison au Viêt Nam, où il purgeait une peine de 12 ans pour terrorisme en tant que membre d’un groupe pro-démocratique interdit.

En d’autres termes, dans certaines parties du monde, les autorités utilisent le marteau du terrorisme pour qualifier ceux qu’elles considèrent comme des opposants, ou ceux qui prônent des changements qui ne vont pas dans le sens du gouvernement en place. Peut-être ces responsables pensent-ils que l’horreur de voir des avions s’écraser sur des tours de bureaux en 2001 est encore présente dans l’esprit de la plupart des gens et que, par conséquent, ils peuvent s’en tirer en jouant la carte du terrorisme (qui, après tout, veut être perçu comme soutenant le terrorisme ?)

À la liste des gouvernements coupables de cette tactique, il faut ajouter la République populaire de Chine (RPC) – quelle surprise ! En décembre de l’année dernière, Kamile Wayit, 19 ans, étudiante en éducation préscolaire à l’Institut de technologie de Shangqiu, dans la province du Henan, a été arrêtée par des fonctionnaires du Xinjiang pour avoir partagé sur les médias sociaux une vidéo sur les manifestations de la « feuille blanche » qui avaient déferlé sur la Chine un mois plus tôt (manifestations au cours desquelles des citoyens ordinaires brandissaient des feuilles de papier blanc pour se plaindre des restrictions imposées par le Covid-19 et de l’absence de liberté d’expression). Elle a ensuite été condamnée à trois ans de prison pour « apologie de l’extrémisme » (c’est-à-dire du terrorisme).

En quoi le partage d’une vidéo liée à une manifestation publique relève-t-il du « terrorisme » ?

Ce n’est pas un secret d’État qu’il n’y a pas vraiment de place pour la dissidence ou l’opposition aux positions ou aux actions du gouvernement en Chine. Sous le régime communiste, le pays n’est pas une démocratie où de telles activités sont non seulement autorisées mais encouragées (tant qu’elles ne prônent pas ou n’utilisent pas la violence). Il est donc facile pour l’État de décider qui est un terroriste et qui ne l’est pas. Il est intéressant de noter que le président américain George Bush a proclamé, à peine une semaine après le 11 septembre, que « vous êtes soit avec nous, soit avec les terroristes ». (Il a pu s’en sortir compte tenu de l’énormité des pertes humaines causées par les terroristes d’Al-Qaïda).

Ce recours abusif à la législation antiterroriste pour réprimer toute forme de dissidence est bien entendu inacceptable (mais la Chine ne se soucie pas du tout de ce que pense le reste du monde). Ironiquement, le Xinjiang a toujours été le théâtre d’actes terroristes perpétrés par des extrémistes islamistes – un sujet que j’aborde assez longuement dans mon livre de 2017 intitulé « The Lesser Jihads (Les Petits Jihads) » – mais la Chine a choisi de dépeindre comme terroriste à peu près tous ceux qui ne respectent la ligne de conduite fixée dans cette partie du pays.

Étant donné la nature imprécise de ce qui constitue le terrorisme, nous ferions peut-être mieux de nous en passer dans nos tribunaux. Après tout, peu de pays disposaient d’une législation spécifique au terrorisme avant le 11 septembre (le Canada, par exemple, n’en avait pas) et il existe d’autres moyens de poursuivre cette forme de meurtre et de mutilation. Toutefois, ce jour est probablement très lointain, car les nations voient un avantage à infliger le mot « T » à qui bon leur semble.

Il suffit de demander au régime chinois.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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