Une lueur d’espoir en Chine : la contre-culture du « s’allonger à plat »

Par Anders Corr
5 juillet 2021 17:24 Mis à jour: 5 juillet 2021 17:24

Après le 1er juillet – le jour du 100e anniversaire du Parti communiste chinois (PCC) et du 24e anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine ainsi que le jour marqué par une attaque au couteau d’un policier à Hong Kong -, les Hongkongais et le monde entier ont besoin d’un peu d’énergie positive. Cette attaque a suscité un débat sur la manière dont les habitants de Hong Kong devraient répondre à la répression croissante de la Chine communiste dans leur ville. Après avoir pris part à ce débat, je pense que certains Hongkongais ont besoin d’être un peu plus inspirés par la manière non violente de résister.

Cette inspiration pourrait provenir du mouvement « s’allonger à plat » qui se propage en Chine. Comme les citoyens chinois font face au PCC depuis plus longtemps que les Hongkongais, ce qu’ils ont mis en œuvre pourrait constituer une partie (mais pas la totalité) d’une réponse collective à la politique des hauts responsables de Pékin. Le « s’allonger à plat » semble être la plus grande menace interne pour le PCC ces jours-ci, il pourrait avoir un grand effet dans d’autres autocraties également, et il mérite donc un moment de notre attention.

Luo Huazhong, le « maître du s’allonger à plat », a lancé ce mouvement en postant une photo de lui-même, couché à plat dans son modeste lit dans la province du Sichuan – une photo qu’il a accompagnée d’une idée révolutionnaire pour la Chine. Luo veut échapper à la foire d’empoigne basée sur la culture du travail acharné et il estime que « s’allonger à plat est une justice ». Il a traité son action d’un « mouvement sophistique », en référence au philosophe grec Diogène, qui vivait dans un tonneau et mendiait sa nourriture, tout en faisant, dit-on, un pied de nez à Alexandre le Grand.

Le mouvement était donc explicitement politique et philosophique dès le départ, ce qui explique probablement sa popularité. D’autres jeunes Chinois ont rapidement suivi l’exemple de Luo Huazhong : 9000 personnes se sont jointes à ce mouvement en quelques semaines, donnant naissance à une contre-culture chinoise du tangping (躺平) qui s’accompagne aujourd’hui par des vidéos musicales, de la vente d’accessoires pour « s’allonger à plat » et de nombreuses photos de chats et de phoques qui sont – vous l’avez deviné – couchés à plat.

Les partisans du tangping se rebellent en évitant tout ce qui demande beaucoup de temps ou d’argent, notamment le mariage, les enfants et l’achat d’une maison. Ils vivent chez leurs parents et préfèrent le vélo à la voiture. Ils refusent les heures supplémentaires au travail ou quittent carrément leur emploi. Ils sont contre le système « 996 » – une abréviation signifiant travailler de 9 heures à 21 heures, six jours par semaine – une pratique courante en Chine.

Le tangping est un bon moyen de résister au PCC dans une société où tout autre type de résistance est difficile, voire impossible. Chaque yuan que ses partisans ne gagnent pas est un yuan que le régime ne peut pas taxer. Moins le régime a d’argent, moins il peut dépenser pour l’armée et les répressions.

Selon l’article de Lily Kuo publié dans le Washington Post, « certains comparent [les partisans du tangping] à la « Beat Generation » née dans les années 1950 aux États-Unis. D’autres qualifient leur comportement de forme de résistance non violente ou ‘d’émancipation idéologique’ vis-à-vis du consumérisme. Les partisans du mouvement dépeignent leur comportement comme un rejet de la lutte et de l’effort sans fin ». Un « allongé à plat », cité dans le journal, a expliqué que son attitude manifeste « nos exigences vis-à-vis de la société. Nous voulons que le système soit meilleur et que les travailleurs soient mieux protégés ».

Les critiques chinois de l’État-parti chinois qualifient les « allongés à plat » de personnages « honteux » et « défaitistes ». Le régime se rend compte que ce mouvement représente une forme subtile de résistance, censurant toute mention de ce mouvement et fermant ses groupes de médias sociaux. Si le mouvement prend de l’ampleur, ses leaders seront sans doute arrêtés. Comme ils ne se soucient pas de leur emploi, menacer de les licencier ne servira pas à grand-chose.

Qui aurait cru que s’allonger pouvait être aussi révolutionnaire ?

Le tangping est un exemple novateur de résistance non violente – cette « arme des faibles », comme l’a formulé James Scott, professeur à l’université Yale. C’est une forme chinoise du type de résistance décrit en détail par des théoriciens de la non-violence comme Mohandas Gandhi, Martin Luther King et Gene Sharp. Ces auteurs, ainsi que les commentaires des « allongés à plat », devraient être une lecture obligatoire pour tous ceux qui vivent aujourd’hui sous une dictature.

Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (à paraître en 2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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