Nagorny Karabakh: près de 5000 réfugiés déjà arrivés en Arménie

Par Vincent Solacroup
25 septembre 2023 16:20 Mis à jour: 25 septembre 2023 16:29

Près de 5000 réfugiés du Nagorny Karabakh sont jusqu’à présent arrivés en Arménie, tandis que le chef de l’État turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays joue un rôle majeur dans cette partie du Caucase, est arrivé lundi en Azerbaïdjan pour y rencontrer son Président Ilham Aliev.

Lundi toujours, l’afflux sur le sol arménien de réfugiés du Nagorny Karabakh se poursuit, avec d’immenses embouteillages signalés sur l’unique route reliant sa « capitale » Stepanakert à l’Arménie. « À la date du 25 septembre, à midi, 4850 personnes déplacées de force sont entrées en Arménie à partir du Nagorny Karabakh », a ainsi annoncé le gouvernement arménien.

« C’étaient des jours horribles »

Les premières arrivées d’habitants de cette enclave depuis la défaite des combattants séparatistes avaient eu lieu dimanche au poste-frontière arménien de Kornidzor. Dans la ville de Goris, plus à l’ouest, le centre humanitaire installé dans les locaux du théâtre municipal ne désemplit pas depuis dimanche soir, a constaté un journaliste de l’AFP.

Toute la nuit, des réfugiés se sont succédé pour se faire enregistrer, trouver une solution d’hébergement ou un transport vers d’autres régions d’Arménie. Anabel Ghoulassian, 41 ans, originaire du village de Rev (Chalva en azéri), vient d’arriver en minibus à Goris avec cinq de ses sept enfants – les deux autres sont à Erevan, la capitale arménienne – et son mari. Au début des combats, la semaine dernière, ils sont tous allés chercher protection dans la base russe de l’aéroport de Stepanakert. Mais ils s’en sont fait expulser après la première nuit et ont ensuite vécu dans un bâtiment abandonné sans toit. « C’étaient des jours horribles, on était simplement assis les uns à côté des autres. Riches ou pauvres, tous au même endroit », a-t-elle raconté.

(Photo ALAIN JOCARD/AFP via Getty Images)

Valentina Asrian, 54 ans, qui habitait dans la localité de Vank, s’est présentée avec ses petits-enfants, dont le dernier-né qu’elle tient dans ses bras. « Qui aurait pu croire que les Turcs (le nom donné aux Azéris par la population locale, ndlr) entreraient dans ce village arménien historique… », lance-t-elle. « Ils ont bombardé le village, il y a eu des blessés, le mari de ma sœur a été tué », ajoute Valentina, avant de confier : « Je n’ai pas de proches ici, nulle part où aller ».

« Nous devons éliminer les germes de l’animosité entre nous »

Les autorités du Nagorny Karabakh ont fait savoir dimanche que les civils laissés sans logement en raison des dernières violences seraient transférés en Arménie avec l’aide des soldats de maintien de la paix russes, présents sur place depuis la précédente guerre de l’automne 2020 (une autre beaucoup plus meurtrière avait eu lieu de 1988 à 1994).

L’Azerbaïdjan s’est pour sa part engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d’aller en Arménie. Beaucoup craignent que les Arméniens ne fuient massivement le Nagorny Karabakh, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise. Car outre l’angoisse qui règne parmi les quelque 120.000 habitants du Nagorny Karabakh, la situation humanitaire y demeure très tendue.

Côté azerbaïdjanais, dans les localités proches du Nagorny Karabakh, comme Terter et Beylagan, beaucoup de ceux qui ont dû par le passé quitter cette région veulent y résider à nouveau. « Bien sûr, je veux retourner au Karabakh, nous sommes fatigués de la guerre et de la peur », lâche Nazakat Valieva, 49 ans, une ancienne ouvrière qui a perdu son mari au cours du conflit.

(Photo ALAIN JOCARD/AFP via Getty Images)

Pour Azad Abbassov, un professeur d’école, les Arméniens et les Azéris pourraient vivre côte à côte, « nous devons éliminer les germes de l’animosité entre nous ». « Si les Arméniens quittent le Karabakh, ce n’est pas grave, s’ils restent, c’est très bien pour eux s’ils acceptent notre citoyenneté », commente Chemil Valiev, un commerçant de 40 ans à Gandja, la deuxième plus grande cité d’Azerbaïdjan, en présence d’une journaliste de l’AFP. Il s’apprête à monter dans un bus couvert d’une grande affiche montrant le visage juvénile d’un Azerbaïdjanais en uniforme, tué au combat pendant la guerre de 2020.

Des pertes qui continuent d’augmenter puisque l’Azerbaïdjan a déploré lundi la mort de deux de ses soldats la veille dans l’explosion d’une mine, tandis que, selon, les Arméniens 200 personnes ont péri dans les affrontements de la semaine dernière.

Des représentants de l’Azerbaïdjan participaient à une deuxième série de pourparlers de paix, après ceux de jeudi, avec les Arméniens du Nagorny Karabakh, en vue de « réintégrer » cette communauté, ont signalé les médias officiels azerbaïdjanais.

Une démonstration de force turque

Dans le même temps, des entretiens entre Recep Tayyip Erdogan et Ilham Aliev, doivent se dérouler dans le Nakhitchevan, une petite bande de terre frontalière de la Turquie nichée entre l’Arménie et l’Iran et rattachée à l’Azerbaïdjan au début des années 1920 mais sans continuité territoriale avec le reste de ce pays. Les deux hommes doivent en outre y inaugurer un nouveau gazoduc et un complexe militaire azerbaïdjanais.

Une démonstration de force turque contrastant avec le retrait apparent de la région de la Russie, même si celle-ci a fermement rejeté lundi les critiques du Premier ministre arménien Nikol Pachinian qui lui a implicitement reproché la veille à la télévision son manque de soutien.

Et ce après la victoire en moins de 24 heures mercredi de l’armée azerbaïdjanaise contre les troupes de la « république » autoproclamée du Nagorny Karabakh, une région en majorité peuplée d’Arméniens rattachée en 1921 à l’Azerbaïdjan par le pouvoir soviétique. « Nous sommes catégoriquement contre les tentatives de faire porter une responsabilité sur la partie russe et les forces russes de maintien de la paix (dans ce territoire, ndlr), qui font preuve d’héroïsme », a martelé lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, rejetant toute « reproche » sur des manquements supposés.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.