Narcotrafic : une première en France, le parquet de Marseille crée une cellule anticorruption

Le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, pose dans son bureau à Marseille, le 20 juin 2025.
Photo: MIGUEL MEDINA/AFP via Getty Images
Le parquet de Marseille franchit un cap dans la lutte contre le crime organisé. Face aux tentatives d’infiltration massives des réseaux de narcotrafiquants disposant de « moyens illimités », une cellule anticorruption spécialisée vient de voir le jour.
Cette structure novatrice, la première du genre en France, vise à endiguer un phénomène qui menace l’intégrité de multiples institutions. Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, a dévoilé mardi cette initiative sans précédent. Intégrée à la section économique et financière, cette cellule adopte une approche transversale pour appréhender globalement les tentatives de corruption orchestrées par la criminalité organisée.
Vingt dossiers déjà sous enquête
Les chiffres témoignent de l’ampleur du problème : une vingtaine d’investigations sont actuellement en cours dans la juridiction marseillaise. Toutes concernent des cas avérés ou présumés de corruption en lien direct avec le trafic de stupéfiants.
L’affaire d’une greffière du tribunal judiciaire illustre cette réalité inquiétante. Cette dernière est suspectée d’avoir accédé illégalement à des fichiers confidentiels pour transmettre des informations sensibles à son compagnon, lui-même impliqué dans le narcotrafic. Bien qu’elle conteste partiellement les faits, elle a été incarcérée en avril avant d’être libérée sous contrôle judiciaire en attendant l’issue de l’enquête.
Personne n’est à l’abri de la corruption
« Tout le monde peut être impacté », martèle le procureur de la cité phocéenne, devenue l’épicentre du narcobanditisme français. La liste des professions ciblées est vertigineuse : magistrats, greffiers, forces de l’ordre, douaniers, personnel pénitentiaire et même directeurs d’établissements carcéraux. Aucun maillon de la chaîne judiciaire et sécuritaire n’est épargné par ces tentatives d’emprise.
Plus préoccupant encore, les élus locaux figurent désormais parmi les cibles potentielles. Avec les élections municipales prévues en mars prochain, Nicolas Bessone redoute que les responsables politiques ne « subissent les mêmes assauts » que les autres acteurs institutionnels.
Une menace électorale avérée
Cette inquiétude n’est pas sans fondement. Mi-septembre, Christian Charpy, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a lancé une alerte retentissante dans les colonnes du Monde. Il a évoqué « les risques d’ingérence liée au narcotrafic » susceptibles de polluer le scrutin municipal, notamment via des financements occultes en espèces ou en cryptomonnaies.
Une vision globale pour une menace systémique
L’originalité de cette cellule réside dans son approche décloisonnée. Plutôt que de traiter chaque cas isolément selon le secteur professionnel concerné, elle privilégie une vision d’ensemble. Cette méthode permet d’identifier les schémas récurrents, d’anticiper les stratégies criminelles et de coordonner les réponses judiciaires.
L’objectif affiché par le procureur est clair : « endiguer le phénomène et le faire reculer ». Dans une ville où le narcotrafic dispose de ressources considérables et multiplie les offensives pour infiltrer les institutions, cette cellule représente un outil stratégique indispensable.
Un combat de longue haleine
La création de cette structure témoigne d’une prise de conscience : la lutte contre le narcotrafic ne se limite plus à la seule répression des trafiquants. Elle exige désormais de protéger l’intégrité des institutions elles-mêmes, devenues des cibles privilégiées d’organisations criminelles aux capacités financières démesurées.
Marseille ouvre ainsi une nouvelle page dans le combat contre la criminalité organisée, avec l’espoir que cette initiative pionnière inspire d’autres juridictions confrontées aux mêmes défis.
Avec AFP

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