Le plus grand scandale de la recherche scientifique en Chine

4 juin 2017 17:54 Mis à jour: 6 juin 2017 17:19

C’est un tsunami qui a secoué le monde de la recherche scientifique le mois dernier. L’un des plus grands groupe d’édition dans le secteur des Sciences, Technologies et Médecine au monde, Springer, a annoncé le retrait de 107 publications entre 2012 et 2015 dans le journal Tumor Biology pour cause de fraude à l’examen par les pairs.

Tous les documents sont liés à des instituts de recherche chinois. C’est le plus grand nombre d’écrits académiques professionnels retirés en une seule fois. En outre, plusieurs médias ont publié les noms, les départements et les institutions des 524 scientifiques chinois soupçonnés de tromperie, dont beaucoup sont de célèbres médecins universitaires ou issus d’institutions prestigieuses. Il s’agit bien d’une catastrophe internationale, qui pourrait endommager irrémédiablement la réputation d’intégrité académique des médecins chinois.

Face à cette vague d’opprobre, l’Association chinoise des sciences et de la technologie (CAST) a accusé le Groupe Springer Publishing d’avoir des « mécanismes de contrôle internes défaillants et des vérifications bâclées » et a publiquement demandé que Springer « prenne ses responsabilités ».

Cette critique est tout simplement inconcevable. Ne devrait-elle pas accuser les auteurs de la fraude, au lieu de condamner le groupe Springer de l’avoir exposée ? En faisant cette déclaration, n’est-ce pas l’institution elle-même qui passe pour une association de menteurs?

Suite à l’annonce du CAST, certains médecins chinois ont également fait entendre leur voix pour défendre leurs pairs, en utilisant des excuses comme : la fraude porte sur l’examen par les pairs et non sur le contenu ; la recherche scientifique et la technologie clinique ne sont pas forcément impliquées ; le système chinois pousse les médecins à la fraude ; les médecins sont innocents, et ainsi de suite. Ils ont également critiqué la publication du nom des auteurs, dénonçant une violation de la vie privée et des conséquences néfastes sur la relation médecin-patient, etc.

J’ai été choqué par ces déclarations. Qu’est-ce qui ne va pas dans la communauté scientifique chinoise et la profession médicale? Pourquoi tant de mauvaise foi et de tromperie ?

Pour répondre à cette question, il nous faut parler du système de promotion en Chine dans le milieu professionnel, ou « zhicheng ». Les médecins sont contraints de publier des documents de recherche pour être promus à des niveaux intermédiaires ou supérieurs. Plus le niveau est élevé, plus les exigences sont importantes.

Mais les chirurgiens en ont-ils le temps ? Il est fort probable que non. En moyenne, un médecin effectue deux à trois opérations quotidiennes, voire quatre en période de pointe. Les médecins travaillent habituellement six à sept heures par jour. Par conséquent, la plupart d’entre eux n’ont pas assez de force pour mener en parallèle des travaux de recherche, et encore moins pour publier des articles dans les grandes revues médicales.

Un sondage indique que 36,51 % des médecins chinois ont déclaré avoir du mal à remplir l’exigence en vue d’une promotion, et jusqu’à 25,88 % disent ne pas finir à temps. Écrire un document de recherche nécessite de relever de grands défis et engendre une énorme pression. P

lus de 30 % des médecins ont reconnu frauder lors du processus d’évaluation, et près de 40 % déclarent préférer frauder si la pression sur eux augmentait. Les sociétés de sondage en ont conclu que la promotion basée sur le nombre de publication revient à de la prostitution forcée. Sur la base de cette analyse, les médecins chinois qui commettent des fraudes sont en quelque sorte la conséquence de ce mauvais système. Pas étonnant que le CAST se soit senti accusé par le Groupe Springer, car il se trouve être le responsable de ce système.

Tout le monde déteste les mensonges, mais chaque pays possède un degré de connaissance et de tolérance aux mensonges différent. Lorsque les médecins chinois publient de faux articles, le CAST explique que les médias chinois n’y prêtent pas attention, et que le public chinois en général ne s’en soucie pas non plus. Au Japon, c’est bien différent. Examinons le plus célèbre cas de fraude scientifique au Japon, connu sous le nom de « Fraude Haruko Obokata ».

Le 29 janvier 2014, la jeune biologiste japonaise, le Dr. Haruko Obokata a publié deux articles dans la revue Nature, un des magazines de recherche le plus prestigieuse au monde. Elle a prétendu avoir découvert une manière beaucoup plus simple de créer des cellules souches, en utilisant une technique appelée la « stimulation de l’acquisition de la pluripotence ».

La découverte l’aurait placée comme candidate au prix Nobel. La nouvelle a immédiatement fait l’objet d’une attention considérable au Japon, car les scientifiques féminines célèbres sont rares. Mais l’enthousiasme a été de courte durée lorsque Paul Knoepfler, un scientifique américain de premier plan, a constaté que d’autres scientifiques étaient incapables de reproduire les résultats d’Obokata. Lorsque les résultats de la recherche ont été mis en doute, le public japonais a été choqué,  estimant que la chercheuse avait fait honte au Japon, et elle a donc été sévèrement critiquée.

Face à une telle pression médiatique, l’institution japonaise où Obokata travaillait, a rapidement mis en place une commission d’enquête. Le 1er avril 2014, l’Institut a conclu à une modification et une fabrication de données sur les travaux concernant les cellules APDS (acquisition de pluripotence déclenchée par stimulus).

Le mentor et le co-auteur des travaux de Mme Obokata, Yoshiki Sasai, s’est suicidé en août de la même année. Il a écrit dans un courrier électronique aux médias qu’il était « accablé par la disgrâce, et que la mort est une façon de demander pardon à la société ».

Au Japon, la fraude est considérée comme étant plus grave que d’être envoyée en prison. Toute la société semble critiquer un tel comportement, et les conséquences peuvent être aussi graves que la mort.

Nous ne connaissons pas le sort des 524 médecins chinois accusés de fraudes, mais je suppose que rien ne leur arrivera. La prochaine question est: la Chine réformera-t-elle le système actuel en supprimant l’exigence de publication scientifique assujettie à la promotion des médecins? Je dirais que c’est difficile. Tant que le système en Chine ne changera pas, il y aura de la fraude, des ennuis aux médecins et aux patients, et une absence de confiance dans la recherche médicale chinoise.

Tian You est un célèbre blogueur et commentateur de la société, l’économie et de la culture chinoises. Son blog compte plus de 2,4 millions de lecteurs. Il s’agit d’un extrait d’article issu du blog personnel de l’auteur.

Version anglaise : China Society A Writer Reflects on China’s Biggest Academic Scandal

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