Logo Epoch Times

« Polluants éternels » : l’incinérateur d’Ivry dans la tourmente après une étude qui ravive les inquiétudes

top-article-image

Au loin un incinérateur à Paris le 21 avril 2025.

Photo: JOEL SAGET/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 5 Min.

Situé à la frontière entre Paris et Ivry-sur-Seine, le long du périphérique, l’incinérateur d’Ivry-Paris 13 traite annuellement 700 000 tonnes de déchets provenant de 14 communes franciliennes et 12 arrondissements parisiens.
Ce géant européen se retrouve aujourd’hui au centre d’une polémique environnementale majeure suite à la découverte de substances toxiques dans son périmètre.
Des PFAS détectés autour des écoles : l’alerte qui inquiète
Fin septembre, la fondation néerlandaise ToxicoWatch a publié des résultats alarmants. Mandatée par le collectif 3R (« réduire, réutiliser, recycler ») avec le soutien financier de l’ONG Zero Waste Europe, l’organisation a analysé les filtres d’aération de cinq écoles primaires situées à moins de 1,5 km de l’incinérateur.
Le verdict est sans appel : les filtres collectés entre octobre 2024 et février 2025 à Ivry-sur-Seine et Charenton-le-Pont révèlent des concentrations élevées de PFAS, ces « polluants éternels » qui ne se dégradent pas dans l’environnement. L’étude a également mesuré la présence de métaux lourds et d’autres polluants organiques persistants.
PFAS : des substances toxiques omniprésentes dans notre quotidien
Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ces composés fluorés sont présents dans d’innombrables produits de consommation courante : poêles antiadhésives, cosmétiques, textiles imperméables, emballages alimentaires. Leur dangerosité pour la santé humaine est aujourd’hui scientifiquement établie : augmentation du cholestérol, risques accrus de cancers, troubles de la fertilité et impacts sur le développement des fœtus.
Le lien avec l’incinérateur : une question qui divise
Pour Thierry Billard, chercheur au CNRS à Lyon et expert des composés fluorés, la conclusion de l’étude est « indéniable » : « Il y a des PFAS qui circulent dans l’atmosphère ». Mais peut-on formellement attribuer cette pollution à l’incinérateur ?
Amélie Boespflug, coprésidente du collectif 3R, reconnaît les limites de l’enquête : « Avec cette étude pilote réalisée avec des moyens limités, on ne peut pas l’affirmer de manière certaine. Elle visait principalement à donner des pistes pour des études complémentaires ». Elle ajoute néanmoins : « C’est justement parce qu’il y avait déjà des sources de pollution qu’il ne fallait pas en rajouter une de plus en reconstruisant l’incinérateur », en référence à la nouvelle unité prévue début 2026.
Un élément technique vient alimenter le débat : selon l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), dans une étude de février 2025, les températures de combustion des incinérateurs d’ordures ménagères « ne sont pas suffisantes pour garantir une minéralisation complète de tous les PFAS ».
Le Syctom contre-attaque et dénonce une « désinformation »
Le propriétaire de l’incinérateur, l’agence métropolitaine Syctom, rejette fermement les accusations. Il dénonce une « démarche de désinformation » utilisant « des protocoles d’analyse approximatifs » qui créent « un sentiment d’angoisse chez les riverains ».
Une défense que le collectif 3R qualifie de tactique classique : « C’est emblématique des méthodes employées pour discréditer les lanceurs d’alerte », rétorque Amélie Boespflug.
L’angoisse monte chez les riverains et les élus locaux
La publication de l’étude a ravivé les craintes des habitants face aux panaches de fumées blanchâtres qui s’échappent quotidiennement des cheminées de l’incinérateur.
Philippe Bouyssou, maire communiste d’Ivry-sur-Seine, témoigne : « J’ai été interpellé il y a deux jours par des salariés d’une entreprise installée à Ivry, inquiets de savoir si leur santé était exposée du fait de ces PFAS ».
À Charenton-le-Pont, même inquiétude. Hervé Gicquel, maire LR, exprime sa préoccupation : « Cela relance la préoccupation légitime de mes concitoyens sur les pollutions ambiantes et sur l’air qu’on fait respirer à nos enfants. S’il y a émergence de nouvelles formes de pollution, il faut que je sache de quoi il en retourne et surtout quel est l’environnement qui le dégage ».
Les deux communes ont officiellement saisi l’Agence régionale de santé (ARS)
Un combat de longue haleine contre les nuisances
Ce n’est pas la première alerte lancée par le collectif 3R concernant l’incinérateur d’Ivry. En avril dernier, une précédente étude de ToxicoWatch avait déjà révélé des niveaux préoccupants de métaux lourds et de dioxines dans des mousses prélevées aux alentours du site.
Plus marquant encore : en 2022, la même fondation avait découvert des dioxines dans les œufs de poulaillers domestiques de l’agglomération parisienne. Suite à cette découverte, l’ARS a émis une recommandation formelle de ne pas consommer les œufs issus de ces poulaillers.
Le débat sur l’avenir de l’incinération des déchets en région parisienne ne fait manifestement que commencer.
Avec AFP