Les pourparlers avec la Corée du Nord : « une farce », selon certains experts

14 janvier 2018 09:57 Mis à jour: 14 janvier 2018 10:01

Analyse de l’actualité

La surprenante décision de la part de Kim Jong-un d’accepter des pourparlers avec la Corée du Sud est soit un stratagème visant à gagner du temps, soit un besoin de retarder une éventuelle invasion américaine, sinon les deux, d’après certains experts.

On a fait grand cas de ce changement soudain d’opinion de Kim Jong-un d’accepter de discuter avec Séoul. Certains commentateurs crédibles qualifient cette décision d’une percée diplomatique. D’autres pensent que la participation de deux patineurs artistiques nord-coréens aux prochains Jeux olympiques d’hiver marque un tournant dans l’histoire de l’un des régimes les plus oppressifs au monde.

Plutôt sceptique, Rick Fisher, chercheur principal au Centre international d’évaluation et de stratégies, prévient que ce serait se tromper que d’espérer un changement significatif dans la péninsule coréenne.

Durant ce conflit, explique R. Fisher, le monde entier a déjà pris position contre la Corée du Nord, exceptés deux alliés – la Chine et la Russie – prêts à offrir un soutien crédible.

Des camions attendent dans la ville frontalière chinoise de Dandong, de la province du Liaoning Nord-Est, avant de traverser le Pont de l’Amitié menant à la ville nord-coréenne de Sinuiju le 5 septembre 2017. La Chine demeure la bouée de sauvetage économique de la Corée du Nord. (GREG BAKER/AFP/Getty Images)

Ayant nulle part vers où se tourner et avec une économie sous le joug de sanctions renforcées, le régime de Kim Jong-un fait face à une très sérieuse menace des forces militaires de la nouvelle administration américaine.

La Corée du Nord ne pouvant pas répondre à la menace par la force, elle tente alors une autre approche.

« En faisant bon ménage avec le Sud, le Nord espère affaiblir le consensus grossissant, mené par les États-Unis, en faveur d’une quelconque action visant le régime », a déclaré M. Fisher.

Le souvenir d’une guerre dévastatrice et la possibilité d’en avoir une autre suffisent à la Corée du Sud pour entretenir l’espoir que le Nord se veut sincère.

Toutefois Kim Jong-un a spécifiquement déclaré que ses missiles balistiques à armes nucléaires visent les États-Unis. Ainsi, il serait dangereux d’interpréter naïvement comme optimiste la récente position de Kim Jong-un à l’égard de sa voisine.

R. Fisher rappelle que « la Corée du Nord poursuivra ses efforts en vue de menacer le monde entier et en particulier les États-Unis, grâce à ses missiles nucléaires ».

L’ICBM Hwasong-15 de la Corée du Nord a atteint une altitude d’environ 4 475 km et a volé 950 km durant son vol de 53 minutes. le 29 novembre 2017. (REUTERS/KCNA)

L’ouverture diplomatique actuelle est en quelque sorte une retraite tactique, un moyen d’alléger la pression qui s’intensifie jusqu’à une dangereuse possibilité que la Corée du Nord ne veut vraiment pas affronter.

« Les Nord-Coréens veulent faire éclater la bulle d’un consensus international de plus en plus large, mené par les États-Unis, sur la nécessité d’une action militaire contre la Corée du Nord », affirme R. Fisher.

En ouvrant le dialogue, la Corée du Nord espère diluer ce consensus, analyse R. Fisher. Cela donne au régime le temps, la seule chose dont Kim a besoin, autant que l’argent.

En se basant sur d’autres rapports des services de renseignement, R. Fisher soutient que la Corée du Nord est à un an d’être en mesure d’exploiter pleinement ses programmes nucléaires et tirs de missiles. Elle pourrait se doter d’un ICBM nucléaire capable d’envoyer une ogive vers n’importe quelle cible dans le monde.

Le régime de Kim a également besoin de temps pour achever la construction d’un sous-marin de plus grande taille et mettre au point des missiles sous-marins qui pourront représenter une menace pour le Japon.

L’analyste Fisher n’est pas le seul à penser que les négociations ne porteront probablement aucun fruit.

Steven Mosher, président du Population Research Institute et auteur de la nouvelle publication, Bully of Asia: Why China’s Dream is the New Threat to World Order (L’intimidateur de l’Asie : pourquoi le rêve de la Chine est une nouvelle menace à l’ordre mondial), pense que la Corée du Nord gagne ou plutôt a soudoyé du temps.

« Du point de vue américain, les négociations passées avec la Corée du Nord n’ont rien accompli. Du point de vue nord-coréen, cependant, ils ont accompli exactement ce à quoi ils s’attendaient. Ils ont gagné du temps et plus d’un milliard de dollars en aide américaine de la part des administrations Clinton et Bush », a-t-il précisé.

Des soldats nord-coréens participent à la célébration de la déclaration du Nord, le 29 novembre 2017, date à laquelle la Corée du Nord a atteint le statut d’État nucléaire à part entière, sur la place Kim Il-Sung à Pyongyang, le 1er décembre 2017. (KIM WON-JIN/AFP/Getty Images)

Cet argent et ce temps sont essentiels pour les programmes actuels de missiles et d’armes nucléaires de la Corée du Nord, a martelé S. Mosher. Maintenant, le régime entre dans la phase où il peut harmoniser ces deux technologies. Elle n’a besoin que de temps, et peut-être d’argent, ce qui n’est possible ni par la force ni par d’autres provocations. Sans autre option, la Corée du Nord doit jouer la carte du dialogue.

Et aucun pays n’est aussi prêt et disposé à parler à la Corée du Nord que la Corée du Sud. Alors que le Japon et les États-Unis réclament tous deux une attitude sévère envers le régime de Kim, Séoul reste plus ouverte et plus optimiste.

« Les sanctions commencent à produire ses effets et Kim Jong-un tend la main au maillon le plus faible des alliances américano-japonaises et américano-sud-coréennes, à savoir la Corée du Sud », analyse S. Mosher.

Il rejoint R. Fisher sur le fait que la Corée du Sud est poussée par ses sympathies naturelles à l’égard des Nord-Coréens moyens, une population traumatisée par le régime actuel. Il y a aussi le souvenir d’une guerre dévastatrice et la probabilité très forte que l’artillerie nord-coréenne puisse faire des millions de morts en Corée du Sud.

Bien que ces sentiments puissent inciter la Corée du Sud à tout mettre en œuvre pour parvenir à une solution diplomatique, la Corée du Nord, elle, continuera à fabriquer avec ferveur des missiles et des armes nucléaires, estime S. Mosher.

Cette photo non datée, publiée, le 5 mai 2017, par l’Agence centrale de presse de Corée du Nord (KCNA), montre le chef nord-coréen Kim Jong-un (au centre) inspectant le détachement de défense sur l’îlot Jangjae. (AFP/Getty Images)

« La solution pour résoudre le dilemme nord-coréen ne se trouvera pas dans les négociations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, mais dans les pressions exercées par les États-Unis sur le « parrain » de la Corée du Nord, la Chine », a déclaré S. Mosher. « Tant que Kim Jong-un est convaincu qu’il bénéficie du soutien discret de Chine, il n’a aucune raison de changer son comportement. »

D’autant plus que Pyongyang a déjà mis au point des ICBM capables de transporter les ogives nucléaires miniaturisées.

S. Mosher estime que l’approche énergique du président Trump a donné à Kim Jong-un matière à réflexion et le faisant ralentir les essais de missiles nord-coréens.

Pour provoquer un changement qui soit durable, les États-Unis devraient rompre l’alliance Chine-Corée du Nord.

Force est cependant de reconnaître selon S. Mosher que la Corée du Nord a bénéficié « d’énormes pots-de-vin » de la part des anciennes administrations Bush et Clinton, pots-de-vin facilités par la Chine.

Toujours selon M. Fisher, pour un changement plus durable, les États-Unis doivent rompre l’alliance Chine-Corée du Nord. La Chine voit en la Corée du nord le parfait épouvantail, capable de distraire l’attention des États-Unis et d’affaiblir les ressources militaires américaines.

Soldats nord-coréens à la frontière de la Corée du Sud le 27 novembre 2017. (Filière coréenne/Getty Images)

Et si la guerre éclatait, les États-Unis utiliseraient une puissance militaire et financière considérable, l’affaiblissant et le rendant incapable de défendre ses alliés, à savoir Taïwan, en cas d’attaque de la Chine.

Ce qui mène R. Fisher à penser qu’une autre guerre de Corée pourrait accélérer le calendrier de la Chine pour conquérir Taïwan.

D’après lui, la meilleure solution dans ce problème serait de réintroduire des armes nucléaires tactiques en Asie, ce que l’administration Bush a retiré au cours des efforts antérieurs de négociations pour éloigner la Corée du Nord du développement des armes nucléaires.

Évidemment ces efforts ont essuyé un échec, les armes nucléaires tactiques au seuil de la porte de Kim Jong-un feraient beaucoup pour convaincre Kim et la Chine que la guerre n’est dans l’intérêt de personne.

Vidéo recommandée 

Comment la Corée du Nord a obtenu la technologie nucléaire

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