Incendie de Lubrizol à Rouen : pourquoi l’usine chimique a pu stocker plus, malgré de nombreux manquements

Par Epoch Times avec AFP
4 octobre 2019 06:11 Mis à jour: 4 octobre 2019 11:02

5 253 tonnes de produits chimiques brûlés. Malgré nombre de dysfonctionnements depuis 2013, l’usine a été autorisée en 2019 à augmenter la quantité de produits polluants stockés. L’eurodéputé EELV Yannick Jadot voit « une forme de complicité de l’État ».

« Cette entreprise qui a été prise en flagrant délit en 2013, 2015, 2017 d’insuffisances, de pollution, de manquements à la sécurité, le préfet lui a donné l’autorisation de stocker plus de produits dangereux », a déploré mardi l’eurodéputé d’ Europe Écologie Les Verts (EELV) Yannick Jadot, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre les quelque 1 800 personnes (selon la police) qui ont manifesté à Rouen au cri de « Lubrizol coupable, l’État complice ».

Yannick Jadot voit lui aussi « une forme de complicité de l’État ».

L’entreprise sous le contrôle du milliardaire américain Warren Buffett a effectivement eu en 2019, via deux arrêtés, le feu vert de la préfecture pour augmenter ses capacités de stockage de produits « dangereux pour le milieu aquatique », sans évaluation environnementale préalable. Depuis la loi ESSOC (État au service d’une société de confiance) du 10 août 2018, celle-ci n’est en effet plus obligatoire. C’est au préfet de décider si elle est nécessaire.

Cette entreprise « sérieuse » était alors aux normes, répond l’État

L’assouplissement de la législation « a permis au préfet de dispenser Lubrizol de toute étude préalable. C’est quand même un problème », a estimé mercredi l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage, interrogée par France Bleu Normandie Seine-maritime/Eure.

Pierre-André Durand, le préfet de Normandie a affirmé mardi ne « pas » regretter « du tout » ces décisions. Car selon lui « il n’y a aucune relation » avec l’incendie du 26 septembre.

L’arrêté de juin portant sur 240 conteneurs « concernait un stockage de produits finis et de matières premières qui n’a pas été mis en service », a précisé M. Durand.

Une série d’insuffisances dans la maîtrise des risques

« Ces 240 conteneurs ne modifiaient pas substantiellement la nature du site et des risques associés. Une évaluation environnementale n’aurait pas apporté de connaissance supplémentaire par rapport à ce qu’on savait déjà », a ajouté Patrick Berg, le directeur régional de l’environnement (Dreal Normandie).

« On est allé 39 fois depuis 2013 sur ce site », a-t-il ajouté jeudi. En janvier 2013 une fuite de gaz sur le site de Lubrizol avait provoqué un nuage nauséabond qui s’était répandu jusqu’en Ile-de-France et en Angleterre. L’entreprise a été condamnée en 2014 à 4 000 euros d’amende dans cette affaire. Le parquet avait pointé une série d’insuffisances dans la maîtrise des risques.

Deux ans après la fuite de mercaptan en 2013, en septembre 2015, quelque 2 000 litres d’huile minérale se sont déversés dans le réseau d’évacuation des eaux pluviales après un « incident d’exploitation ».

Quant au second arrêté, qui date de janvier 2019, pour une augmentation demandée de 1 598 tonnes, « ça ne correspond pas à une modification physique de l’installation », a argumenté M. Berg jeudi.

Le tout n’a « aucun rapport » avec les 1 000 fûts, dont 160 de « composés préoccupants » endommagés le 26 septembre et toujours sur site, selon M Berg.

Lubrizol, qui affirme que l’incendie a vraisemblablement commencé à l’extérieur du site, « est une maison sérieuse. Ils ne sont pas amusé à faire des choses contraires à la réglementation », a ajouté le directeur de la Dreal interrogé sur des informations du site actu-environnement affirmant que la société avait augmenté ses capacités avant feu vert.

Au-delà, l’usine Seveso seuil haut, où travaillent 400 salariés de Lubrizol et 200 salariés d’entreprises sous-traitantes, « est aux normes, telles qu’on l’a vue en 2019 », a souligné le préfet. « Elle ne l’a pas toujours été », a-t-il concédé.

Puis « en 2017 à l’occasion d’une inspection, des manquements avaient été constatés et donc une mise en demeure avait été émise » concernant notamment le système de détection incendie, selon M. Durand. La préfecture a indiqué à l’AFP ne pouvoir communiquer la mise en demeure. Mais en 2018 l’usine était à nouveau conforme, selon M. Berg.

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