Les purges massives dans la province du Liaoning témoignent des objectifs politiques de Xi Jinping

21 septembre 2016 10:02 Mis à jour: 30 octobre 2016 13:57

 

Suite à une série d’enquêtes sur les délégués de l’Assemblée nationale populaire qui soudoyaient leurs électeurs, les autorités centrales du Parti communiste chinois (PCC) ont renvoyé près de la moitié des représentants du niveau national provenant de la province clé du Liaoning, au nord-est de la Chine. Ces mesures semblent faire partie de la nouvelle étape de la lutte de l’administration de Xi Jinping dans le but de maintenir et consolider son pouvoir.

Le renvoi de 45 des 102 délégués à l’Assemblée nationale populaire (ANP) – la législature contrôlée par le PCC – représentant la province de l’industrie lourde sinistrée, a été annoncé le 13 septembre dernier, dans un rapport officiel. Ils sont accusés d’avoir soudoyé ceux qui les avaient élus à l’ANP.

Sur 619 législateurs provinciaux qui ont participé au vote, 523 sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin des délégués de l’ANP. Ce chiffre comprend 38 des 62 membres du Comité permanent de l’Assemblée populaire du niveau provincial, qui ont soit démissionné de leurs postes en disgrâce, soit ont été renvoyés, selon la prestigieuse publication économique chinoise Caijing.

Puisqu’un grand nombre de délégués de l’Assemblée du Liaoning ont démissionné ou ont été renvoyés, un « groupe préparatoire » spécial a été dépêché sur place pour assurer le fonctionnement continu de cette législature provinciale.

La purge de l’Assemblée populaire intervient seulement quelques semaines après la récente enquête et le renvoi des fonctionnaires qui occupaient des postes de direction dans l’administration provinciale du Liaoning, ainsi que de sa capitale Shenyang.

Les dessous-de-table payés par les délégués de l’ANP à leurs électeurs et en général, par les fonctionnaires qui soudoient ceux de qui dépend leur affectation, sont monnaie courante en Chine. Toutefois, l’affaire des délégués du Liaoning est le premier cas où l’ANP accuse ouvertement et punit ses propres délégués pour avoir soudoyé les électeurs.

Un poste à l’ANP offre aux « élus » la possibilité de s’enrichir ou d’acquérir diverses sortes de faveurs, ainsi les délégués, plein d’espoir, sont prêts à payer pour ces postes.

Plus tôt, deux cas similaires aux niveaux local ou municipal ont été rendus publics. Le premier a eu lieu en 2012-2013 dans une commune de la préfecture de Hengyang de la province du Hunan ; le second cas a été annoncé et résolu l’an passé par les autorités centrales – il s’agissait de la corruption à Nanchong dans la province du Sichuan, en 2011.

Bien que des accusations similaires pourraient vraisemblablement être largement portées au niveau provincial dans toute la Chine, la purge massive des délégués de l’ANP du Liaoning reste pour le moment un fait unique.

Comme beaucoup d’événements dans le cadre de la vaste campagne anti-corruption menées par le dirigeant chinois Xi Jinping depuis son accession au pouvoir en 2012, la purge dans le Liaoning semble être aussi une attaque contre l’influence persistante de Jiang Zemin, l’ancien chef du Parti, dont la faction reste toujours influente dans la politique du régime.

Liaoning, la plus peuplée des trois provinces qui forment la Mandchourie ou la Chine du Nord, est une étape tremplin vers la consolidation du pouvoir de Xi Jinping. Depuis des décennies, cette province servait de base à Jiang et ses alliés, où ils ont laissé un héritage déshonorant de la corruption, du déclin économique et des meurtres de masse clandestins.

Le « gang du Liaoning »

Les hauts fonctionnaires du Liaoning récemment démis de leurs fonctions auraient fermé les yeux sur la corruption parmi les délégués de l’Assemblée populaire.

En mars et avril 2016, la Commission centrale d’inspection de la discipline (CCID), l’organe anti-corruption du PCC, a mis en examen Wang Min, chef du Parti du Liaoning, ainsi que son adjoint et le secrétaire du Parti de Shenyang, capitale du Liaoning. Aux alentours du mois d’août dernier, tous les trois ont été exclus du Parti communiste et renvoyés de leurs postes.

Selon China Daily, le 10 août dernier, le CCID a accusé Wang « d’avoir échoué dans la surveillance adéquate des élections provinciales et d’être responsable de fraudes électorales graves, y compris de l’achat de votes ».

D’après un article écrit par le correspondant de la Radio Free Asia (RFA) dans la ville de Dalian de la province du Liaoning, Wang Min a créé un environnement dans lequel les postes de délégué ou de membre de l’Assemblée populaire représentaient en fait une entreprise de vente de votes qui opérait avec des milliers ou des millions de yuans de pots-de-vin.

Wang Min et une autre personne ont été également accusés d’avoir violé les Règlements en huit points de Xi Jinping. Promulgués en décembre 2012, immédiatement après l’accession au pouvoir de Xi Jinping, ces règlements visent principalement la pratique de privilèges répandue parmi les fonctionnaires du PCC.

Le 26 août dernier, la CCID a annoncé dans un communiqué que Zheng Yuzhuo, secrétaire adjoint du Comité permanent de l’Assemblée populaire de la province du Liaoning, avait été placé sous enquête sous l’accusation de corruption et d’autres violations des règlements du Parti.

Le 25 août, China Daily, journal de langue anglaise géré par l’État, a signalé que Zeng Wei, secrétaire du Parti à Shenyang depuis 2008, avait été remplacé par Wang Menghui, qui occupait auparavant le poste du secrétaire du Parti à Xiamen, une ville dans le sud-est de la Chine. Le 2 septembre, le CCID a annoncé que Zeng avait été placé sous enquête. Zhang Yukun, président de la Banque Shengjing de Shenyang, a également été appréhendé, ainsi que d’autres associés de Zeng.

La purge des fonctionnaires du Liaoning s’est rapidement étendue à des postes moins importants, avant d’atteindre les délégués des législatures provinciales et nationale.

Ironie du sort, le patronage de Wang Min a obligé de nombreux délégués à lui prouver leur loyauté en déposant leurs passeports et en abandonnant ainsi la possibilité de fuir à l’étranger, a rapporté la RFA.

La corruption, la persécution et le factionnalisme

Selon la RFA, l’ancien chef du Parti du Liaoning Wang Min était le « petit frère » de Jiang Zemin et de Li Changchun, l’allié de Jiang dans le nord-est de la Chine.

En tant que dirigeant de la Chine à partir de 1989 jusqu’au début des années 2000, Jiang a établi un réseau officieux tentaculaire au sein du Parti, de l’État, de l’armée et de l’industrie. Ses alliés lui ont démontré leur loyauté personnelle en jouant un rôle actif dans la répression de la pratique spirituelle de Falun Gong, lancée par Jiang en 1999. En retour, ils ont obtenu une licence pour abuser de leur pouvoir à des fins personnelles.

Le moment choisi par Xi Jinping pour mettre l’accent sur les fonctionnaires du Liaoning est pertinent : la province a servi de terrain d’essai pour les plus abominables des acolytes de Jiang et de ses politiques. Elle a également plusieurs fois servi de pivot dans l’histoire chinoise, de la conquête mandchoue de la Chine à la création d’un État fantoche japonais lors de la Seconde Guerre mondiale et les batailles décisives où les armées communistes ont gagné l’initiative dans la guerre civile, ce qui a amené au pouvoir Mao Zedong.

Plusieurs membres du camp de Jiang – dont les plus éminents sont l’ancien prétendant au leadership Bo Xilai, le patron de la sécurité Zhou Yongkang et le haut gradé de l’armée le général Xu Caihou – sont accusés d’être personnellement responsables de la création de l’industrie de prélèvements d’organes sur les pratiquants de Falun Gong, une pratique lucrative qui, selon les enquêteurs, a atteint les proportions d’un génocide.

À Dalian, Bo Xilai a non seulemet établi la pratique de prélèvements d’organes mais, selon des chercheurs tels que Ethan Gutmann, il aurait aussi fourni des corps des pratiquants de Falun Gong assassinés pour la plastification et la démonstration dans des expositions anatomiques.

Le Falun Gong a été enseigné la première fois en 1992, dans la province voisine du Jilin. Il est devenu très populaire surtout en Chine du nord et à la fin des années 1990, les sources du Falun Gong estimaient qu’il y avait plus de 100 millions de pratiquants dans tout le pays. En 1999, une enquête officielle estimait à environ 70 millions le nombre de Chinois qui pratiquaient cette discipline.

En n’étant pas fidèle à Jiang ni à sa faction, Xi Jinping, qui est arrivé au pouvoir à la suite d’un compromis entre différentes cliques du Parti, a entrepris des efforts particuliers pour évincer les fonctionnaires du Parti, de l’État, les militaires et les industriels associés à Jiang Zemin, alors âgé de 90 ans.

Bo, Zhou et Xu étaient parmi les premiers et le plus importants des piliers de Jiang à s’écrouler lors de la campagne de Xi Jinping, alors que les récentes mesures entreprises dans le Liaoning semblent refléter le nettoyage du terrain des associés moins importants, envoyés dans la province pour servir les proches lieutenants de Jiang.

Le renvoi des délégués de l’Assemblée de la province concerne les élections qui ont eu lieu à la fin de 2012 et 2013, à l’époque où Xi prenait les rênes en tant que Secrétaire général du Parti communiste.

Après que Xi Jinping soit arrivé au pouvoir, il a aboli le système des camps de travaux forcés du régime, qui exploitait un grand nombre de pratiquants de Falun Gong et d’autres prisonniers de conscience. L’un ce ces camps, la tristement célèbre prison pour femmes de Masanjia dans le Liaoning, a reçu une attention particulière en 2013, lorsque le magazine Lens de Chine continentale a décrit les violences et les tortures qui y étaient pratiquées. Ce reportage de 20 000 caractères n’a été disponible que pendant deux jours, avant d’être retiré de la circulation et des commentaires publics.

Wang Min, récemment déchu, est un exemple de fonctionnaire resté fidèle à Jiang. Selon la RFA, Wang s’était étroitement associé avec Bo Xilai et son épouse Gu Kailai, lorsqu’il avait accédé au poste de secrétaire provincial. Deux semaines après la parution du reportage de Lens, Wang Min, qui avait joué lui-même un rôle actif dans la persécution du Falun Gong, a ouvert une enquête pour « prouver » qu’il n’y avait pas de pratiques abusives dans le camp de Masanjia.

En tenant compte de l’influence de Jiang qui continue à persister dans les structures du régime, il semble que l’administration de Xi Jinping a encore beaucoup de travail à faire.

Version anglaise : Mass Purge in China’s Liaoning Province Advances Xi Jinping’s Political Aims

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