Purges militaires chinoises : une indication que la stabilité du leadership communiste est en train de s’effriter

Les enquêtes et les révocations d'officiers supérieurs considérés comme des alliés de Xi Jinping sont le signe d'une corruption omniprésente et de luttes politiques intestines ruineuses

Par Leo Timm
29 avril 2025 19:39 Mis à jour: 29 avril 2025 19:41

Bien qu’il ait acquis une autorité nominale de plus en plus grande sur les leviers du pouvoir en Chine communiste, le dirigeant chinois Xi Jinping semble être confronté à des défis insolubles et croissants à l’intérieur même du régime.

Au cours des dernières années et des derniers mois, plusieurs officiers supérieurs de l’Armée populaire de libération (APL) chinoise ont fait l’objet d’enquêtes pour corruption, ont été démis de leurs fonctions ou ont disparu de la scène publique.

Alors que le Parti communiste chinois (PCC) mène une campagne nationale de lutte contre la corruption depuis l’arrivée au pouvoir de Xi en 2013, les récentes mesures disciplinaires ont attiré l’attention, étant donné que les personnes visées ne sont pas des rivaux de faction du dirigeant chinois, mais ses proches lieutenants.

Ainsi, l’ancien ministre de la Défense Li Shangfu, qui avait perdu son poste en octobre 2023, a été exclu du PCC en juin dernier. L’amiral de l’APL Miao Hua a, quant à lui, fait l’objet d’une enquête en novembre dernier.

Les observateurs de la Chine sont désormais très attentifs aux signes concernant le sort du général He Weidong – le troisième officier le plus puissant du régime a disparu de la scène publique depuis la mi-mars.

Alors que la probabilité d’une chute politique du général augmente, son cas laisse présager de plus grandes turbulences pour d’autres membres de la direction de Xi, dans un contexte d’intrigues chaotiques entre factions et d’aggravation de la crise pour l’ensemble de la Chine.

Pékin « tourne le couteau vers l’intérieur »

He Weidong, vice-président de la commission militaire centrale du PCC, sert aux côtés de son collègue vice-président, le général Zhang Youxia, tandis que le chef de la commission, et donc de l’APL, est Xi Jinping lui-même.

Aperçu pour la dernière fois lors de la cérémonie de clôture du Congrès national du peuple le 11 mars, He Weidong a fait l’objet de rumeurs et de révélations d’insiders (= sources bien informées, ndlr) sur son arrestation et une enquête à son sujet présumées, par les autorités du PCC, comme l’ont rapporté le journaliste chinois indépendant Zhao Lanjian et le Washington Times.

Le général a brillé par son absence lors d’une conférence centrale cruciale de la direction du PCC qui s’est tenue les 8 et 9 avril, et avant cela, lors d’une cérémonie annuelle de l’APL à Pékin qui s’est tenue le 2 avril.

(De g. à dr.) Zhang Youxia, vice-président de la Commission militaire centrale, et He Weidong assistent à la cinquième session plénière de l’Assemblée populaire nationale à Pékin, en Chine, le 12 mars 2023. (Lintao Zhang/Getty Images)

Les cas antérieurs des officiers Li Shangfu et Miao Hua sont de mauvais augure pour le « disparu » He Weidong, qui a accédé à la vice-présidence de la Commission militaire centrale en 2022 lors du 20congrès national du PCC, où Xi a remporté un troisième mandat inédit à la tête du Parti.

En particulier après le 20congrès du parti, le PCC a mis en avant une rhétorique telle que « oser l’auto-révolution », « retourner le couteau vers l’intérieur » et « gratter le poison de l’os » pour décrire les efforts de la direction de Xi pour éradiquer la corruption et d’autres facteurs internes qui pourraient conduire au « suicide et à l’autodestruction » du Parti communiste.

L’armée chinoise, qui n’a pas mené de guerre depuis son éphémère invasion du Vietnam en 1979, est depuis longtemps gangrenée par les détournements de fonds, les pots-de-vin et les réseaux de mécénat illicites. À partir de 2016, Xi a mis en œuvre une restructuration à grande échelle de l’APL, tandis que la campagne de lutte contre la corruption a permis d’abattre les « grands tigres » – terme désignant les fonctionnaires puissants et corrompus – de l’armée, notamment les généraux Xu Caihou et Guo Boxiong.

Alors que des officiers tels que MM. Xu et Guo étaient liés à la faction de l’ancien chef du PCC Jiang Zemin, tristement célèbre pour son « règne de la corruption » dans les années 1990 et 2000, les malversations militaires restent graves sous Xi Jinping, sapant l’état de préparation de l’APL et sa capacité à mener des opérations de grande envergure, telles qu’une invasion de Taïwan.

Kung Shan-Son, expert en politique chinoise auprès de l’Institut taïwanais de recherche sur la Défense et la Sécurité nationales, a indiqué à Epoch Times, au moment de l’enquête sur Miao Hua, qu’en « commençant à purger ses proches », Xi se sert de la campagne anti-corruption « comme d’un outil pour resserrer son emprise » sur l’Armée populaire de libération.

Interrogé sur le sort de He Weidong lors d’une conférence de presse le 27 mars, un porte-parole du ministère chinois de la Défense a déclaré qu’il n’était « pas au courant » de l’existence d’une enquête sur le vice-président de la Commission militaire centrale, sans toutefois en nier la possibilité.

En novembre dernier, une question similaire avait été soulevée au sujet de l’amiral Dong Jun, qui avait remplacé Li Shangfu au poste de ministre de la Défense. Le ministère chinois de la Défense avait alors déclaré que les informations relatives à l’enquête de M. Dong étaient « purement fabriquées avec des intentions malveillantes ».

Le ministre chinois de la Défense, Dong Jun (au c.), arrive avec sa délégation pour une réunion avec le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lors du 21e sommet du dialogue Shangri-La à l’hôtel Shangri-La de Singapour, le 31 mai 2024. M. Dong a remplacé Li Shangfu, qui a perdu son poste en octobre 2023 et a été exclu du Parti communiste chinois en juin. (Roslan Rahman/AFP via Getty Images)

Xi a-t-il perdu le contrôle ?

Outre le fait que les récentes purges visant les confidents de Xi et les personnes qu’il a nommées sont liées à leurs activités de corruption présumées ou à d’autres « violations graves », selon les termes du PCC, les luttes intestines féroces au sein de l’élite du PCC pourraient paralyser l’autorité du dirigeant chinois, ce qui aurait pour effet d’armer l’appareil du régime contre Xi.

Selon le commentateur Wang Youqun, titulaire d’un doctorat en droit de l’université Renmin de Chine et rédacteur pour un membre important du Politburo du PCC, les purges de Li Shangfu et de Miao Hua – et probablement de He Weidong – pour corruption représentent l’érosion du pouvoir de Xi sur l’armée.

Dans une tribune publiée le 12 avril dans Epoch Times, M. Wang a écrit que Xi avait enfreint les normes du parti pour accélérer la promotion de He Weidong aux plus hauts rangs de l’APL, suggérant que la chute de ce dernier, si elle est vérifiée, pourrait ne pas être l’intention de Xi lui-même. Entre-temps, M. Wang note que des rumeurs circulent au sujet d’enquêtes qui seraient en cours sur plusieurs autres commandants militaires chinois et affirme que « l’autorité de Xi s’est érodée depuis la troisième session plénière [du Comité central du PCC] en juillet 2024 ».

M. Wang et d’autres, dont le commentateur de l’actualité Wang He (aucun lien de parenté), supposent que Zhang Youxia, l’autre vice-président de la Commission militaire centrale, pourrait avoir réussi à mettre sur la touche le leadership de Xi sur l’armée à la suite du troisième plénum.

Âgé de 72 ans, M. Zhang est l’un des rares militaires actifs de l’APL à avoir participé à des combats réels, puisqu’il a servi lors de la guerre sino-vietnamienne.

L’autorité de Xi s’est érodée depuis la troisième session plénière [du comité central du PCC] en juillet 2024.

Li Shangfu, l’ancien ministre chinois de la Défense, n’avait occupé son poste que pendant cinq mois avant de disparaître et d’être démis de ses fonctions. De même, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, a rempli ses fonctions pendant moins d’un an, de décembre 2022 à juillet 2023.

M. Qin, qui était auparavant ambassadeur de Chine à Washington, a disparu de la scène publique pendant des semaines avant l’annonce officielle de son licenciement, sur fond de spéculations selon lesquelles il aurait suscité l’ire des autorités du PCC pour avoir engendré un fils illégitime avec une journaliste de Hong Kong aux États-Unis.

Bien que M. Qin n’ait pas été ouvertement accusé d’un quelconque crime, sa destitution et son transfert à un poste de sinécure sont considérés comme un coup porté au prestige de Xi, étant donné qu’il a été promu souvent et rapidement après l’arrivée au pouvoir de Xi.

Le ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, prononce un discours lors de la conférence de Moscou sur la Sécurité internationale à Kubinka, en Russie, le 15 août 2023. Li a été démis de ses fonctions en octobre 2023, après seulement cinq mois de mandat, et a été exclu du Parti communiste chinois en juin. (Alexander Nemenov/AFP via Getty Images)
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, assiste à une conférence de presse lors de la première session du 14e Congrès national du peuple au Centre des médias à Pékin, le 7 mars 2023. Qin, ancien ambassadeur aux États-Unis, a occupé le poste de ministre des Affaires étrangères pendant moins d’un an, de décembre 2022 à juillet 2023, avant de disparaître de la scène publique pendant les semaines qui ont précédé son limogeage. (Lintao Zhang/Getty Images)

Un échec inevitable

Selon Cao Shenkun, commentateur indépendant chinois établi à l’étranger, et Yuan Hongbing, dissident et juriste chinois vivant en Australie, la poursuite incessante de l’« auto-rectification » par le leadership de Xi a mis les nerfs de nombreux officiers de l’APL à vif, créant une atmosphère de terreur dans les rangs.

Citant ses contacts au sein de l’élite du PCC, M. Yuan a affirmé que, pendant sa détention, l’amiral de l’APL Miao Hua était devenu frénétique et avait passé des jours à rédiger à la main une longue liste d’officiers militaires et à détailler les infractions qu’ils auraient commises.

Plus de dix ans de lutte incessante contre la corruption, de contrôles de plus en plus autoritaires sur la société civile, d’intensification de l’endoctrinement idéologique communiste, de confinement « zéro Covid » pendant trois ans et d’autres politiques de gauche sous Xi semblent avoir fait des ravages non seulement sur les Chinois lambda, mais aussi sur les fonctionnaires du PCC, qui voient leurs intérêts et leur sécurité menacés.

Selon des commentateurs, la poursuite incessante de l’« auto-rectification » par le leadership de Xi a mis les nerfs de nombreux officiers de l’APL à vif, créant une atmosphère de terreur dans les rangs.

Début février, un article a commencé à circuler sur des sites Internet chinois à l’étranger, détaillant la présence d’une « vaste bureaucratie technocratique » qui en est venue à s’opposer et à saper le leadership de Xi.

Sans critiquer le Parti communiste ou son idéologie, l’article, intitulé « L’échec inévitable de Xi « , affirme que le régime est au bord de l’effondrement, du fait des politiques économiques ruineuses de Xi, et qu’il ne peut être sauvé que par son départ.

Selon l’article, prétendument rédigé par un fonctionnaire du bureau général du Comité central du PCC, les fonctionnaires de la « bureaucratie technocratique » travaillent à tous les niveaux de l’administration et ont été façonnés par la « réforme et l’ouverture » du PCC à partir de 1978, qui a vu la Chine adopter un certain nombre de principes du marché capitaliste.

Miao Hua (centre g.), directeur chinois du département des Affaires politiques de la Commission militaire centrale, est accueilli par Kim Su Gil, directeur nord-coréen du Bureau politique général de l’Armée populaire coréenne, à Pyongyang, le 14 octobre 2019. M. Miao a été placé sous enquête en novembre dernier. (Kim Won Jin/AFP via Getty Images)

Des individus mécontents au sein de ce système ont pris des mesures pour entraver la mise en œuvre de la gouvernance de Xi, dans certains cas en adoptant et en déformant ses propres doctrines pour obtenir des résultats contraires aux intentions du dirigeant, « en utilisant les mots de Xi pour s’opposer à Xi », indique l’article.

Il s’agit d’un « phénomène qui imprègne toutes les sphères de la politique, de l’économie, de la propagande et de la justice chinoises », peut-on lire dans l’article, qui ajoute que les « technocrates » sont si profondément enracinés que Xi ne sera jamais en mesure de les purger complètement.

Par conséquent, le règne de Xi Jinping est « voué à un échec inévitable ».

Le professeur Zhang Tianliang, qui enseigne à l’Académie des arts Fei Tian dans le nord de l’État de New York et anime une chaîne YouTube en chinois sur l’actualité, a affirmé que l’article reflétait l’existence d’un « État profond derrière Xi Jinping ».

Dans son émission, M. Zhang a déclaré début février que si Xi est conscient de sa position, il n’ose pas vraiment détruire « l’État profond » du PCC, de peur que cela n’entraîne la chute du régime tout entier.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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