Que représentent les étranges créatures marines dessinées sur les cartes médiévales?

Par April Holloway
27 décembre 2022 19:02 Mis à jour: 28 décembre 2022 07:23

Les représentations de serpents de mer, de sirènes et d’autres créatures mythiques sont longtemps apparues sur les cartes du Xe siècle à la Renaissance. Malgré leurs apparences fantastiques, et souvent envoûtantes, la plupart de ces créatures sont basées sur des rencontres réelles avec des animaux marins, ce qui démontre que la mythologie et le folklore sont issus de la réalité.

L’ouvrage de Chet Van Duzer intitulé « Sea Monsters on Medieval and Renaissance Maps » [Les monstres marins sur les cartes du Moyen Âge et de la Renaissance], publié par la British Library, retrace l’évolution de ces monstres marins. Les cartographes les plaçaient autrefois pour orner les régions inexplorées du globe et représenter les dangers possibles de la navigation maritime. Pour bien des chercheurs, les illustrateurs se divertissaient en dépeignant ces créatures mythiques, il s’agissait d’une licence créative.La plupart des créatures de l’océan, comme les baleines, les morses et les calamars, étaient rarement observées au Moyen Âge et à la Renaissance et étaient considérées comme des monstres. Les artistes n’avaient pas beaucoup de matériel à reproduire.

Ces merveilleuses créatures de la mer sont à la fois réelles et fictives. Il y a beaucoup à apprécier dans les deux cas.

« Les créatures sont purement fantastiques. Elles semblent toutes avoir été inventées », déclare M. Van Duzer, historien de la cartographie à la Bibliothèque du Congrès, lors de la présentation de son livre. « Mais, en réalité, beaucoup d’entre elles proviennent de ce qui était considéré, à l’époque, comme des sources scientifiques. » Il était tout à fait typique pour les encyclopédies de l’époque d’afficher des hybrides d’animaux chimériques, terrestres et aquatiques, et les cartographes se sont simplement permis une certaine poésie pour les représenter.

La Carta Marina d’Olaus Magnus de 1539

Le Kraken est un exemple qui montre comment une créature marine réelle a été transformée en une bête légendaire. Cette créature marine géante de la mythologie scandinave, mentionnée pour la première fois dans la saga islandaise du XIIIe siècle l’ « Örvar-Oddr », mesurait un kilomètre de long et attaquait les navires. Le Kraken était si énorme que son corps pouvait être confondu avec une île.

Le Kraken est également mentionné dans la première édition du Systema Naturae (1735), une classification taxinomique des organismes réalisée par le botaniste, médecin et zoologiste suédois Carolus Linnaeus. Il considérait le Kraken comme un céphalopode, désignant son nom scientifique microcosmus marinus.

Il semble qu’il ait également été représenté sur la carte de 1539 de l’ecclésiastique suédois Olaus Magnus, la Carta Marina. Chargée de riches illustrations, cette carte constitue la plus ancienne carte des pays nordiques avec des détails et des lieux nommés.

Les historiens et les scientifiques pensent que le mythique Kraken est un parent du calamar géant, qui peut atteindre 18 mètres de long et a rarement été vu par les humains, car il vit dans les parties les plus profondes de l’océan.

Bête rouge à moustache (en haut à dt.) de la Carta Marina d’Olaus Magnus (1539), une autre version  du Kraken.(Domaine public)
Créatures marines fantastiques de la Carta Marina d’Olaus Magnus (1539) (Domaine public)

Dans un autre exemple, une carte de Scandinavie datant de 1573 montre un « ichtyocentaure » jouant de la viole. Il s’agit d’une bête chimérique mi-humaine, mi-cheval et mi-poisson. Cette créature est traditionnellement une représentation du passage paisible des voiliers en haute mer.

Autre exemple encore, l’étrange représentation d’un « cochon de mer », que l’on retrouve sur la Carta Marina d’Olaus Magnus en 1539, était synonyme d’hérétiques qui avaient tendance à déformer la vérité et qui vivaient comme des porcs. D’après ladite carte, cette créature habitait la mer du Nord.

Un « cochon de mer » (en haut à g.)  aux côtés d’une baleine et d’un orque sur la Carta Marina d’Olaus Magnus (1539) (Domaine public)
Parmi plusieurs créatures marines non identifiées, une créature serpentine rouge attaque un navire.(Domaine public)

Selon Smithsonian Magazine, on pensait autrefois que tous les animaux terrestres avaient leur équivalent en mer. Il n’y avait pas seulement des cochons de mer, mais aussi des chiens de mer, des lions de mer, etc. Certains de ces animaux existent bel et bien : les phoques à oreilles sont des « otaries » ; les concombres de mer des profondeurs (parents des étoiles de mer) sont des « cochons de mer ». Les dessinateurs de la Renaissance se sont simplement livrés à un embellissement artistique en prenant la comparaison au pied de la lettre.

Dans d’autres cas de cartes marines, les animaux sont dotés d’appendices bestiaux. Les baleines sont parfois dessinées comme un croisement entre un loup et un oiseau, possédant souvent des défenses ou de grandes dents, et étaient régulièrement représentées comme des animaux féroces attaquant les navires. Sur ladite carte, on voit des marins jeter des tonneaux à l’eau et jouer de la trompette pour tenter d’éloigner les baleines qui les attaquent.

Ce sont souvent les récits des marins – décrivant des sirènes attirant les marins dans des tombes aquatiques ou diverses créatures serpentines ou semblables à des « homards » attaquant les navires – qui constituait les sources des cartographes illustrateurs. Ils ont crée tout un langage pour dépeindre un monde étrange qui, à l’époque, existait autant dans l’émerveillement et l’imagination que dans la réalité.

Des baleines bossues sont illustrées en train d’attaquer un navire, tandis que les marins lancent des barils et jouent de la trompette pour les repousser.(Domaine public)
D’autres créatures, une sorte d’hippocampe et un crustacé, semblent plus familières aux yeux modernes (Domaine public)

En retraçant ces représentations de monstres marins à travers les siècles, le catalogue de M. Van Duzer montre une évolution : l’inconnu des mers lointaines se manifeste sous la forme de pieuvres et de baleines gigantesques entraînant navires et marins vers la mort jusqu’au XVIIe siècle, où une grande partie de la carte est explorée et où les navires exercent leur domination sur les bêtes de l’océan. Finalement, l’exploration scientifique se développe, le pragmatisme prévaut et les bêtes disparaissent complètement des cartes.

Le message important à retenir des recherches de M. Van Duzer sur les bêtes marines est que les mythes et les légendes ne sont pas de simples scories issues d’une sotte imagination. Ils rappellent et affirment clairement que les forces créatives et la curiosité proviennent de l’élément sublime qu’est l’inconnu. C’est peut-être un rappel pour apprécier davantage le monde tel qu’il est, et continuer à s’inspirer de cet élément d’émerveillement transcendant.

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