Rembrandt : voir et croire

Autour de l’œuvre « Abraham divertissant les anges » de Rembrandt

21 juin 2018 09:16 Mis à jour: 21 juin 2018 09:16

Nous connaissons Rembrandt van Rijn (1606-1669) pour ses chefs-d’œuvre colossaux, pour ses autoportraits captivants et pour la vitalité de chacune de ses œuvres, grandes ou petites. Ce qui semble l’avoir profondément fasciné tout au long de sa vie se transmet  puissamment dans l’un de ses très petits tableaux, Abraham divertissant les anges (1646).

Rembrandt a dit un jour que son but était d’observer «les gestes les plus naturels». C’est le seul commentaire documenté que nous avons du vieux maître hollandais décrivant sa création artistique, mais qui suffit pour confirmer ce que nous pouvons ressentir et percevoir dans ses peintures.

Dans Abraham divertissant les anges, nous pouvons percevoir une révélation qui se déploie graduellement. Le tableau est plein de « gestes naturels » qui nous révèlent une rencontre extraordinaire entre deux êtres humains et trois voyageurs qui se trouvent justement être des anges – dont l’un pourrait être Dieu sous forme humaine.

Le terrestre et l’éthéré

Rembrandt vivait dans une société empreinte de calvinisme dans la République néerlandaise à une époque où les représentations des scènes de l’Ancien Testament étaient populaires. Rembrandt a choisi de peindre des images qui se rapportaient souvent aux interprétations calvinistes, en particulier aux notes additionnelles de la Bible des Pays-Bas, une traduction parrainée par le gouvernement, de l’hébreu et du grec, publié en 1637.

Rembrandt a développé ses propres interprétations des événements décrits. Au lieu d’être contraint par l’interdiction calviniste contre les représentations anthropomorphiques de Dieu, il l’a abordé comme un défi pictural. Par exemple, la figure centrale dans  » Abraham divertissant les anges  » pourrait être comprise comme une représentation de Dieu, mais est vue comme un ange.

Il était particulièrement fasciné par Abraham, peut-être à cause de l’intensité émotionnelle et des tournants dramatiques de l’histoire du patriarche.

Abraham divertissant les anges, 1656. Gravure et pointe sèche sur papier japon, National Gallery of Art, Washington, New Century Fund. (National Gallery of Art, Washington)

 

Abraham divertissant les anges [recto], 1656. Cuivre gravé à pointe sèche, National Gallery of Art, Washington. Don de Ladislaus et Beatrix von Hoffmann et Fonds permanent des mécènes. (National Gallery of Art, Washington)
Dieu annonçant son alliance avec Abraham, vers 1656-58. Plume et encre sur papier, Kupferstich-Kabinett, Dresde. (Herbert Boswank)

 

Abraham et Isaac, 1645. Gravure et burin, The Morgan Library & Museum. (La Morgan Library & Museum)

 

Sacrifice d’Isaac, 1655. Gravure et pointe sèche, Le Metropolitan Museum of Art, legs de Ida Kammerer, en mémoire de son mari, Frédéric Kammerer, M.D. 1933. (Le Metropolitan Museum of Art)

 

Abraham chassant Hagar et Ismaël, 1637, par Rembrandt (1606-1669). Gravure avec des touches de pointe sèche, The Morgan Library & Museum. (La Morgan Library & Museum).

 

Abraham Caresse Isaac, vers 1637-1645. Gravure, The Morgan Library & Museum. (The Morgan Library & Museum)

La peinture, Abraham divertissant les anges dépeint la prédiction de la naissance d’Isaac à Abraham et Sarah lors qu’ils sont déjà âgés. Le passage dans Genèse 18 déclare d’abord que le Seigneur est apparu à Abraham, mais décrit ensuite la visite de trois étrangers qui étaient le Seigneur et deux anges sous l’apparence de voyageurs.

Rembrandt a choisi de représenter les trois voyageurs avec des ailes d’anges. L’un, le dos au spectateur, révèle un pied sale qui sort de sa robe alors qu’il garde ses ailes derrière lui, hors de la vue d’Abraham. Le deuxième ange mange avec désinvolture tandis que ses ailes se déploient à mi-chemin. L’ange au centre a les ailes déployées, et le geste imposant de ses bras et de sa main droite est accompagné d’une expression faciale très douce et compatissante. Il brille de l’intérieur.

La figure centrale jette de la lumière sur les visages des deux autres anges et, dans une moindre mesure, sur le visage d’Abraham. Abraham est vu suspendu à mi-action, tenant un pichet et un bol. L’expression impassible de son visage suggère qu’il n’a pas encore réalisé à qui sont les pieds qu’il s’apprête à nettoyer. Sa femme, Sarah, debout près de la porte dans l’ombre, semble ne voir que de simples mortels.

Rembrandt a représenté la présence du divin à sa manière. Ingénieusement, il montre comment le divin est perçu à divers degrés et de différentes manières par des personnes différentes. On se demande, si la scène représente ce qu’Abraham a réellement vu, ou ce qu’il savait dans son cœur. Dans la peinture, Abraham ne peut pas voir les ailes repliées de l’ange avec le dos tourné vers le spectateur, mais il peut commencer à voir les ailes de l’ange en train de manger, et peut certainement voir celles de l’ange dont il va nettoyer les pieds.

De cette façon, Rembrandt nous montre la progression depuis ce qui peut être vu avec les yeux jusqu’à ce qui peut être perçu ou compris intellectuellement pour finalement devenir ce qu’on peut appeler « la foi » – la croyance en la possibilité de la présence des immortels parmi nous, la présence du divin ou de Dieu dans la vie quotidienne.

C’est comme si Rembrandt nous montrait deux royaumes, des mortels et des immortels, au même endroit et en même temps – la progression d’une révélation, se déroulant dans une scène unique et calme.

 

Milene Fernandez

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