« Si la situation s’aggrave, elle pourrait devenir une guerre », déclare le Premier ministre thaïlandais
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Les personnes évacuées prennent leur petit-déjeuner alors qu'elles ont trouvé refuge dans un gymnase situé sur le campus de l'université Surindra Rajabhat, dans la province frontalière thaïlandaise de Surin, le 25 juillet 2025.
Les affrontements meurtriers, qui ont repris vendredi en plusieurs endroits le long de la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, ont entraîné l’évacuation de plus de 138.000 civils côté thaïlandais, selon Bangkok qui avertit que ces incidents « pourraient devenir une guerre ».
Onze personnes ont été tuées le 24 juillet lorsque les forces armées thaïlandaises et cambodgiennes ont échangé des tirs lors d’affrontements le long de leur frontière commune.
Les gouvernements des deux pays se sont mutuellement accusés d’avoir déclenché les affrontements militaires et ont tous deux dégradé leurs relations diplomatiques le 23 juillet, après que plusieurs soldats thaïlandais ont été blessés par une mine terrestre. La Thaïlande a fermé l’ensemble de sa frontière de 800 km avec le Cambodge, bloquant tous les points de passage.
Le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a déclaré que 10 civils thaïlandais et un soldat avaient été tués. Six des personnes tuées se trouvaient dans une station-service de la province thaïlandaise de Si Sa Ket, selon l’armée thaïlandaise, qui a indiqué qu’au moins 14 personnes avaient été blessées dans trois provinces frontalières. On ne sait pas encore exactement où les autres décès ont eu lieu.
« Si la situation s’aggrave, elle pourrait devenir une guerre », a-t-il déclaré à des journalistes vendredi.
Le ministère thaïlandais de la Santé a indiqué vendredi que plus de 138.000 civils avaient été évacués des zones concernées, situées dans le nord-Est du pays.
Dans la ville cambodgienne de Samraong, à 20 km de la frontière, des journalistes de l’AFP ont entendu des tirs d’artillerie lointains vendredi matin. Plusieurs familles avec des enfants et leurs affaires à l’arrière de leurs véhicules étaient en train de s’enfuir à toute vitesse.
Des personnes fuient leurs maisons près de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, dans la province d’Oddar Meanchey, le 25 juillet 2025. (TANG CHHIN SOTHY/AFP via Getty Images)
« Je vis tout près de la frontière. Nous avons peur car ils ont recommencé à tirer vers 6 heures du matin » (jeudi 23 H 00 GMT), a déclaré à l’AFP Pro Bak, 41 ans, en emmenant sa femme et leurs enfants dans un temple bouddhiste pour s’y réfugier. « Je ne sais pas quand nous pourrons rentrer chez nous », dit-il.
Une mine terrestre a blessé cinq soldats thaïlandais
Les affrontements du 24 juillet semblent avoir éclaté après qu’une mine terrestre a blessé cinq soldats thaïlandais le 23 juillet, ce qui a poussé la Thaïlande à rappeler son ambassadeur au Cambodge et à expulser le représentant cambodgien de la capitale thaïlandaise, Bangkok.
Dans un communiqué, le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a déclaré : « Le gouvernement royal thaïlandais condamne avec la plus grande fermeté les violations de la souveraineté de la Thaïlande et du droit international, à la suite de la pose de mines antipersonnel sur le territoire thaïlandais qui ont blessé des militaires thaïlandais alors qu’ils patrouillaient les 16 et 23 juillet 2025. »
Le ministère cambodgien de la Défense nationale a déclaré que des avions de l’armée de l’air thaïlandaise avaient largué des bombes sur une route près de l’ancien temple de Preah Vihear, tandis que la Thaïlande a déclaré avoir lancé des frappes aériennes sur des cibles militaires.
Le matin du 24 juillet, des affrontements ont eu lieu près de l’ancien temple hindou de Ta Muen Thom, à la frontière entre la province thaïlandaise de Surin et la province cambodgienne d’Oddar Meanchey.
Des actes « contraires aux principes de bon voisinage et de bonne foi »
« Le gouvernement royal thaïlandais exhorte le Cambodge à mettre fin à ses actes répétés qui constituent une grave violation du droit international. De tels actes sont fondamentalement contraires aux principes de bon voisinage et de bonne foi, et ne feront que nuire davantage à la réputation et à la crédibilité du Cambodge sur la scène internationale », a déclaré le ministère thaïlandais des Affaires étrangères.
« Le gouvernement royal thaïlandais est prêt à intensifier ses mesures d’autodéfense si le Cambodge persiste dans ses attaques armées et ses violations de la souveraineté thaïlandaise, conformément au droit international et aux principes internationaux. »
Le ministère cambodgien de la Défense a déclaré que la Thaïlande avait utilisé un drone avant d’ouvrir le feu et que ses forces « avaient agi strictement dans le cadre de la légitime défense, en réponse à une incursion non provoquée des troupes thaïlandaises qui violait [l’]intégrité territoriale [du Cambodge] ».
L’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh, la capitale cambodgienne, a publié sur Facebook un message conseillant aux ressortissants thaïlandais présents au Cambodge de quitter le pays.
Ces derniers affrontements sont la deuxième confrontation armée entre les deux pays cette année. En mai, un soldat cambodgien a été tué par balle lors d’une escarmouche dans une petite zone revendiquée par les deux pays.
Scandale lié à une conversation téléphonique divulguée
Peu après cet incident, l’ancienne Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra s’est entretenue avec l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen en juin, et la conversation téléphonique a été divulguée.
La Cour constitutionnelle thaïlandaise a suspendu Mme Shinawatra le 1er juillet, après que 36 sénateurs ont déposé une requête demandant sa destitution, l’accusant de malhonnêteté et de violations éthiques au regard de la Constitution.
Au cours de cet appel téléphonique, Paetongtarn, dont le père, Thaksin Shinawatra, est un ancien Premier ministre, a critiqué un commandant de l’armée thaïlandaise et a appelé Hun Sen « oncle ». Le fils de Hun Sen, Hun Manet, est l’actuel Premier ministre cambodgien.
Le Cambodge est l’un des plus proches alliés de Pékin dans la région. En avril, le Parti communiste chinois (PCC) a achevé l’inauguration de sa base navale modernisée à Ream, au Cambodge, qui est suffisamment grande pour accueillir un porte-avions.
La Thaïlande et le Cambodge se disputent depuis longtemps leur frontière, une grande partie des tensions provenant d’une carte dessinée en 1907, lorsque le Cambodge était sous domination coloniale française.
Le Cambodge utilise cette carte comme référence pour revendiquer son territoire, tandis que la Thaïlande estime qu’elle est inexacte.
Des soldats cambodgiens regardent des personnes évacuer la zone frontalière entre le Cambodge et la Thaïlande après que les troupes cambodgiennes et thaïlandaises ont échangé des tirs lors d’une nouvelle série d’affrontements dans la province de Preah Vihear, le 24 juillet 2025.(STR/AFP via Getty Images)
Le principal conflit entre la Thaïlande et le Cambodge porte sur les terres entourant le temple millénaire de Preah Vihear.
Cette photo d’archive prise et publiée le 24 juillet 2025 par l’Agence Kampuchea Presse (AKP) montre le temple de Preah Vihear, situé près de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, dans la province de Preah Vihear. (STR/POOL/AFP via Getty Images)
En 1962, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, aux Pays-Bas, a reconnu la souveraineté du Cambodge sur le temple, et la cour a réaffirmé sa décision en 2013.
Le Cambodge a demandé à la CIJ de résoudre les différends frontaliers, mais la Thaïlande a rejeté la compétence de la cour.
Avec AP et AFP
Chris Summers est un journaliste basé au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la criminalité, la police et la loi.