Slow Fashion : Faites votre shopping autrement

25 mai 2016 00:19 Mis à jour: 27 mai 2016 11:37

La « slow fashion », vous connaissez ? En opposition à la fast fashion, qui suggère une consommation effrénée et impulsive, la slow fashion prend le contrepied de l’industrie du textile. Représentant encore une part marginale du chiffre d’affaires total du secteur du prêt-à-porter, les outsiders de la slow fashion ont pourtant de sérieux arguments : l’écoresponsabilité, la durabilité, la traçabilité… Cette promesse d’un « consommer autrement » est d’autant plus intéressante qu’en période de crise, le portefeuille des consommateurs laisse moins de place aux coups de cœur : d’après la Fédération française du prêt-à-porter féminin (FFPAPF), durant le premier semestre 2016, plus de la moitié des ventes de prêt à porter féminin a été réalisée au rabais.

Pour mieux comprendre les enjeux de cette tendance, nous sommes allés à la rencontre de Boris Mounet, fondateur de Meet My Designer, une jeune start-up toulousaine spécialisée dans la slow fashion.

Pourriez-vous vous présenter ?

Meet My Designer est né à Londres. J’avais fini mes études, j’ai passé dix jours à Londres. Un jour, j’ai eu envie de faire du shopping et j’ai trouvé les mêmes enseignes qu’en France, ou leurs déclinaisons anglaises. En cherchant un peu, je suis tombé sur une boutique éphémère de créateurs de mode. En échangeant avec eux, je me suis rendu compte qu’ils faisaient face à deux grandes problématiques : le problème de visibilité, quand on est très petit, très jeune, on a très peu la volonté de développer les ventes. En gros, s’ils avaient pu développer leurs ventes, ils n’auraient pas eu de problème de visibilité et auraient pu pérenniser leurs activités.

De retour en France, j’ai regardé un peu ce qui existait, il y avait beaucoup de ces e-commerces. Aucun ne vendait de produits de créateurs indépendants et professionnels, donc on avait tout ce qui était « little market », etc. mais à l’époque ce n’étaient que des créateurs, particuliers, auto-entrepreneurs. Pour le coup, on a lancé une plateforme unique créée pour les créateurs professionnels et à destination des passionnés de mode.

Aujourd’hui, nous avons actuellement sur la plateforme 450 créateurs de 50 pays différents et plus de 25 000 produits, et environ 175 000 utilisateurs qui viennent chaque mois sur la plateforme et qui échangent.

Robe en soie Queen Dress, de Cristina Adami, 548 euros. (MeetMyDesigner)
Robe en soie Queen Dress, de Cristina Adami, 548 euros. (MeetMyDesigner)

Votre regard sur l’industrie du prêt-à-porter ?

La fast fashion est une approche comme une autre, une approche industrielle. Pour nous, à Meet My Designer, un vêtement doit refléter l’âme de celui qui le porte, et pour cela, il faut acheter des choses faites avec le cœur. Aujourd’hui, les produits que l’on retrouve chez les acheteurs H&M, Zara, etc. viennent souvent des pays du tiers-monde. Derrière, il y a parfois des catastrophes. Comme au Rana Plaza, au Bangladesh, il y a eu un incident là-bas il y a encore trois ou quatre ans. Le bâtiment s’était effondré parce que les conditions de sécurité n’étaient pas assurées. Pas mal de personnes sont mortes, dont des femmes et des enfants. On a trouvé dans les décombres de cette usine des étiquettes qui appartenaient à de grandes marques comme H&M, Auchan, et d’autres de la fast fashion. Il y a eu pas mal d’actions sur les réseaux sociaux, avec des hashtags très connus pour dire aux marques de parler de la traçabilité de leurs vêtements, mais très peu le font.

Donc, finalement, la fast fashion représente une manière de travailler et de fabriquer qui ne respecte pas aujourd’hui les normes non seulement d’hygiène, de sécurité, mais également les normes humaines, avec très peu de redistribution des richesses créées aux producteurs ; seules les grandes marques s’en mettent plein les poches. En changeant le paradigme, on permet aux créateurs qui ont de superbes pièces de pouvoir les vendre au monde entier, et de l’autre côté aux particuliers, c’est-à-dire nous, de pouvoir enfin choisir ce que l’on veut consommer, et acheter des produits qui ont de vraies histoires.

Vous parlez de shopping équitable, pourriez-vous préciser ?

Notre but est de gagner notre vie, mais pas aux dépens des autres. Au début, la volonté était d’aider les créateurs, puis notre mission a évolué. Nous sommes partis du principe qu’aujourd’hui, nous achetons trop de vêtements dans notre pays. Je le vois dans l’équipe : les femmes et les hommes achètent des vêtements qu’ils ne portent pas spécialement. On peut déjà épargner nos portefeuilles, mais aussi consommer intelligemment. Le shopping équitable fait partie de cela.

« Pour nous, à Meet my Designer, un vêtement doit refléter l’âme de celui qui le porte, et pour cela, il faut acheter des choses faites avec le cœur. »

-Boris Mounet, créateur de Meet my Designer

Avec le principe de la fast fashion, les gens surconsomment, les produits n’ont pas d’âme. On a décidé de construire un modèle vertueux qui permet aux gens non pas de consommer plus, mais de consommer mieux, en achetant des pièces qui ont de vraies histoires, des éditions limitées, faites localement, dans 50 pays différents, des pièces faites par des équipes réduites de créatifs, et surtout des pièces que le client achète directement dans le studio du créateur.

Qu’apporte le fait de connecter l’acheteur avec le créateur ?

C’est un contact direct et privilégié. Sur le site, le créateur immerge l’acheteur dans son univers : photos de studio, interviews… L’utilisateur peut poser une question au créateur et obtenir une réponse en retour. Vous pouvez connaître l’histoire des pièces, l’origine de leurs matériaux, ou même demander : « Pourriez-vous me faire telle paire de chaussures en bleu marine ou océan ? » Nos clients sont assez satisfaits car cela procure une expérience inédite.

Comment choisissez-vous vos créateurs ?

On met en place des partenariats avec les écoles de modes, ce qui permet de les recruter. On va aussi les chercher dans les concours de créateurs, les institutions, dans les blogs, le bouche-à-oreille.

Par exemple, il y a un créateur, Adele, que j’ai rencontré à Casablanca, au Maroc. Je l’ai rencontré dans un souk, où il vendait des bijoux ethniques. Par curiosité, je l’ai un peu interrogé sur son histoire. Il m’a dit qu’il faisait ces bijoux dans un village qui était à trente kilomètres environ de Casablanca. Au début, il les vendait aux femmes de son village, puis par le bouche-à-oreille, d’autres femmes d’autres villages se sont intéressées à ce qu’il faisait. On lui a finalement conseillé d’aller vendre ses produits sur le marché. Il s’est rendu compte que grâce à cela, il pouvait désormais toucher des acheteurs qui venaient du monde entier, des touristes, etc. Son problème, c’est qu’il devait faire chaque jour 60 kilomètres pour venir vendre ses produits aux touristes.

Donc il gagnait de l’argent, mais c’était difficile. On lui a présenté Meet My Designer. Il vend chez nous depuis deux ans et demi maintenant. Il est passé d’être tout seul à avoir une équipe de quatre à cinq personnes aujourd’hui sur son projet.

Aujourd’hui, les créateurs auxquels nous nous adressons sont comme des start-up. Les trois quarts sont des équipes de cinq à dix personnes qui se connaissent, sortent ensemble, boivent des coups ensemble, et louent des apparts pour bosser dedans.

Propos recueillis par David Vives

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