Tafta-Ttip : pourquoi les États-Unis gagneraient à écouter l’Europe ?

13 octobre 2015 16:55 Mis à jour: 24 février 2016 19:36

Le Tafta ou Ttip, traité transatlantique de libre échange (TransAtlantic Free Trade Area) pourrait bien marquer une ère nouvelle entre l’Europe et les États-Unis. Mais peut être pas celle que l’on croit. Si l’accord est nécessaire pour renforcer au niveau mondial le poids économique des deux démocraties face à la Chine, il est aussi indispensable pour modifier les comportements débridés des multinationales. Et si c’étaient les normes européennes qui étaient prises en exemple par les États-Unis ?

L’élargissement du marché transatlantique en discussion entre la Commission européenne et son pendant le Bureau du représentant américain au commerce pourrait créer la zone de libre échange la plus importante de l’histoire mondiale, rassemblant un marché de 850 millions de consommateurs, soit 45,5% du PIB mondial. Le Tafta (Ttip en anglais), en négociation depuis deux ans, prévoit en effet la levée d’un ensemble de barrières économiques entre les États-Unis et l’Europe. Avalisées par le Parlement européen en mai 2015, les négociations qui se font en huis clos, en effraient plus d’un. Ceci au regard de certaines normes ultralibérales et unilatérales américaines que l’on sait être une ineptie dans le monde de demain.

Un accord nécessaire sur l’échiquier mondial
Le Tafta ou Ttip (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) s’il promet une meilleure coopération transatlantique face au développement incontrôlable de l’Asie, suscite aussi des oppositions sur l’interventionnisme des lobbies industriels.

Cette plus grande libéralisation du marché transatlantique pourrait renforcer le poids économique du bloc démocratique mondial, en se basant sur une économie forte et saine. Mais les valeurs défendues face aux grandes puissances telles que la Chine ou la Russie doivent l’être aussi à l’intérieur des nations en préservant l’auto-determination des peuples et de leurs citoyens. Au nom d’une certaine vision américaine du libéralisme, l’Europe ne pourra renier sa longue histoire, la richesse de ses cultures et l’union unique des peuples qu’elle a su entretenir depuis plus de 60 ans.

Pour que cet accord puisse réussir sans le dictat des lobbies industriels, deux changements majeurs simultanés sont nécessaires : d’une part, une représentation de l’Europe parlant d’une même voix tout en assurant la protection de territoires et des identités régionales; d’autre part une rétrogradation des règles ultralibérales américaines pouvant mettre les industriels au dessus des États. Des conditions en fait indispensables à la réussite d’un tel accord.

Opacité et réciprocité : la France montre les biceps

Matthias Fekl, secrétaire d'État français au Commerce extérieur, ne cache pas son mécontentement sur l'opacité des négociations autour du traité transatlantique (THOMAS SAMSON/AFP/Getty Images)
Matthias Fekl, secrétaire d’État français au Commerce extérieur, ne cache pas son mécontentement quant à l’opacité des négociations autour du traité transatlantique (THOMAS SAMSON/AFP/Getty Images)

La formule ne pas être plus précise : sur les négociations autour du Tafta « il faut qu’il y ait des changements substantiels dans l’esprit général, c’est-à-dire la confiance, la réciprocité, l’accès aux documents » a déclaré le secrétaire d’État français au Commerce extérieur, Matthias Fekl sur BFMTV le 7 octobre.

Le secrétaire d’État français ne peut être plus explicite : « Si dans un avenir raisonnable, c’est-à-dire dans le courant de l’année prochaine, les choses ne changent pas sérieusement, les négociations s’arrêteront ».

Selon lui, il faut aller plus loin dans les négociations et pousser les États-Unis à plus de réciprocité et plus de transparence. Il dénonce ainsi des zones de flou sur la question des tribunaux privés et sur l’accès aux marchés publics américains. Des questions sur lesquelles la France pourrait se montrer intransigeante, tant il est essentiel de protéger le patrimoine culturel, social et environnemental du territoire.

Protéger les terroirs et les identités régionales européennes
Le 2 juin 2015, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a été étendue aux produits industriels et artisanaux afin de protéger leur Indication Géographique (IG). L’objectif affiché par Carole Delga, Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat de la Consommation et de l’économie sociale et solidaire était « d’apporter aux consommateurs une garantie sur l’origine géographique et la qualité des produits ainsi que contribuer à préserver les patrimoines artisanaux et industriels locaux et à redynamiser les territoires, en incitant à la relocalisation ».

Si dans un avenir raisonnable, c’est-à-dire dans le courant de l’année prochaine, les choses ne changent pas sérieusement, les négociations s’arrêteront – Matthias Fekl, secrétaire d’État français au Commerce extérieur

En février 2014, le conseil régional d’Ile-de-France a quant à lui demandé « l’arrêt des négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Ttip), dit grand marché transatlantique (GMT), du fait de l’absence de contrôle démocratique et de débat public sur les négociations en cours. » La région Ile-de-France était alors la première dans l’Hexagone à se déclarer symboliquement « zone hors Ttip ». Depuis près de 500 collectivités territoriales françaises de toute taille ont voté une motion similaire, représentant 54 % de la population française.

La lecture du traité par le mouvement européen anti-tafta
Mercredi 7 octobre, le collectif « Stop Tafta » remettait à la Commission européenne une pétition réunissant plus de 3 millions de signatures de citoyens européens pour réclamer la fin des négociations sur le Tafta. Le risque selon eux : un traité privilégiant le libéralisme plutôt que la démocratie.

Selon le collectif Stop Tafta de la Corrèze « le Tafta, négocié dans le plus grand secret entre l’Union européenne, les États-Unis et le Canada, est basé sur la libération maximale de tous les échanges commerciaux et industriels », pouvait-on lire dans La Montagne.

Négocié en huit clos depuis le mois de mai, le projet est en effet ardemment soutenu par les multinationales, premières intéressées par ce marché de 850 millions de consommateurs (500 millions d’Européens contre 350 millions d’Américains). Un des risques est ce que ce traité leur permette d’attaquer en justice tout État qui ne se plierait pas aux nouvelles normes transatlantiques, en vertu de nouveaux tribunaux administratifs indépendants des États.

Voici une lecture du traité transatlantique par le collectif Stop Tafta.

 

Épilogue
Peut-on mettre au même niveau les intérêts d’une nation américaine vieille de deux siècles et celle d’une civilisation européenne qui s’est construite depuis plus de 2000 ans ? La connaissance culturelle et historique des Américains vis-à-vis de la France et l’Europe est très mince voir superficielle. Les États-Unis ont-ils connus la Renaissance italienne ou le Grand Siècle de Louis XIV ? Ont-ils des traditions culturelles différentes, plusieurs fois séculaires et attachées à leurs territoires ? La réponse est trois fois non. Là dessus, le « Vieux continent » a tout à apprendre à la jeune démocratie.

C’est pourquoi un travail de fond semble nécessaire pour ne pas laisser la seule variable économique décider du choix et des affinités des citoyens. Si les États-Unis et la culture américaine en général possèdent beaucoup de qualités dans leur appétence à la réussite et une identité fondée sur la liberté et la fraternité, elles ont aussi des défauts qui sont parmi les plus nuisibles pour la planète et la diversité des cultures.

L’Europe et les États-Unis ont tout à gagner à davantage de communication et d’interaction avec les citoyens pour passer par une meilleure compréhension mutuelle des cultures et des territoires de part et d’autre de l’Atlantique. Réussir cet élargissement commercial transatlantique passera toujours en considérant le choix des peuples et les normes nécessaires à la fois à notre planète à notre auto-détermination. L’ogre de l’ultralibéralisme qui s’est développé aux États-Unis, mettant de côté les normes environnementales et la limite des ressources naturelles, est une ombre du passé dont il faut maintenant se défaire. L’accord transatlantique devrait pouvoir en être le théâtre.

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