Trump-Erdogan : un rapprochement affiché, des questions majeures demeurent

Le président américain Donald Trump accueille son homologue turc Recep Tayyip Erdogan dans le Bureau ovale, le 25 septembre 2025.
Photo: Saul Loeb/AFP via Getty Images
Donald Trump a reçu Recep Tayyip Erdogan à la Maison-Blanche, pour plus de deux heures d’entretien, le 25 septembre.
Si la discussion s’est principalement tenue à huis clos, Tom Barrack, l’envoyé de Washington auprès de la Turquie, a qualifié ces échanges d’« historiques » selon l’agence de presse officielle Anadolu.
« C’était mieux que formidable », a-t-il déclaré après la rencontre. « Deux dirigeants remarquables… ont su instaurer une véritable compréhension et se témoigner du respect. »
D’après l’analyste géopolitique Ana Maria Evans, ce sommet a illustré la « portée géopolitique cruciale de la Turquie, située au carrefour du Moyen-Orient, du Caucase, de la Méditerranée et de la mer Noire. »
« Ainsi, le président Erdogan peut jouer un rôle central dans la sécurité eurasiatique et influencer la géopolitique du Moyen-Orient », explique Mme Evans, professeure à l’Université catholique de Lisbonne.
Lors d’une conférence de presse conjointe précédant les pourparlers, Donald Trump a mis en avant sa « très bonne entente » avec le dirigeant turc.
« Nous avons eu des relations remarquables, au sujet de la guerre mais aussi… du commerce », a-t-il souligné. « Aujourd’hui, nous parlons des deux. »
« J’aimerais qu’Ankara cesse d’acheter du pétrole russe, alors que la Russie poursuit cette offensive contre l’Ukraine », a ajouté Donald Trump.
Erdogan, de son côté, assure que, sous Trump, les relations américano-turques ont franchi « un nouveau palier ».
À l’issue de l’entretien, Trump a jugé ces discussions « très concluantes ».
Interrogé sur la possibilité qu’Ankara cesse ses achats de pétrole russe, le président américain a répondu : « Je pense qu’[Erdogan] le fera… car il peut s’en procurer auprès de bien d’autres pays. »
De retour en Turquie, Erdogan ne s’est pas exprimé sur la question pétrolière.
Selon Ilhan Uzgel, coordinateur de la politique étrangère du Parti républicain du peuple – principale formation d’opposition en Turquie –, une telle demande de la part de Trump placerait le président turc « dans une position embarrassante ».
« Si la Turquie continue d’acheter du pétrole russe, Trump sera mécontent », a-t-il expliqué. « Mais si elle arrête, cela provoquera de sérieuses tensions avec Moscou, alors que des accords ont déjà été signés avec la Russie. »
« La Turquie a un besoin vital d’énergie à bas coût, l’inflation est déjà élevée », rappelant que près de 40 % des besoins énergétiques turcs sont couverts par le pétrole russe.
Mme Evans abonde dans ce sens.
« Il paraît peu probable, à court terme, que la Turquie puisse modifier les infrastructures, la logistique et les contrats très contraignants liant son approvisionnement énergétique à la Russie », dit-elle.
Ce changement resterait difficile « tant qu’une alternative équivalente – voire moins coûteuse – n’aura pas émergé ».
« L’approvisionnement énergétique est décisif pour les capacités militaires, industrielles, civiles et sécuritaires : il conditionne donc la politique étrangère », affirme-t-elle. « C’est une réalité incontournable pour Ankara. »
Le lendemain du sommet Trump-Erdogan, un porte-parole du Kremlin a souligné que « la coopération économique et commerciale » entre Moscou et Ankara se poursuivait.
La Turquie, selon le fournisseur mondial de données financières LSEG, représente actuellement le deuxième acheteur de brut russe après l’Inde.
Des F-35 toujours dans la balance
Sous la précédente administration américaine, les relations entre Washington et la Turquie – pourtant membre historique de l’OTAN – étaient souvent tendues.
En cause : la réticence d’Ankara à se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou, nation avec laquelle elle entretient d’importants échanges commerciaux.
Les tensions bilatérales étaient aussi marquées lors du premier mandat de Donald Trump.
En 2020, Washington a sanctionné l’industrie de défense turque après l’acquisition par Ankara de systèmes de défense anti-missiles S-400 russes.
En conséquence, la Turquie a été exclue du programme américain de fabrication conjointe des avions de chasse F-35, dont elle espérait acquérir plusieurs exemplaires. Washington a également gelé un accord portant sur l’achat de 100 F-16 américains.
À l’approche de la rencontre Trump-Erdogan, certains spéculaient sur une possible levée des sanctions pour permettre à la Turquie de se fournir en appareils américains.
« Donald Trump a laissé entendre que les États-Unis pourraient lever la suspension de la Turquie concernant les F-35, à condition qu’Ankara interrompe ses achats de ressources fossiles à la Russie », avance Mme Evans.
Lors de la conférence de presse préalable, Trump a rappelé que la Turquie voulait « acheter des F-16, des F-35 et d’autres équipements… Nous allons en discuter. »
« [Erdogan] a des besoins, nous aussi », a-t-il résumé.
Toutefois, à l’issue de la rencontre, le dirigeant turc n’a pas évoqué les sanctions ni les avions qu’il souhaite acquérir.
« Il n’existe toujours aucun consensus clair sur la livraison des F-35 à la Turquie, en raison des sanctions de la [loi Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act] », précise Ilhan Uzgel (Loi sur la lutte contre les adversaires des États-Unis par des sanctions, ndlr).
Une levée de ces sanctions, rappelle-t-il, nécessiterait l’aval du Congrès américain, ce qui « n’est pas près d’arriver ».
« Les deux dirigeants se sont engagés à ‘travailler sur ce dossier’, mais Donald Trump n’a pris aucun engagement public », ajoute-t-il. « La question des F-35 reste donc en suspens. »
À noter cependant : le 26 septembre, la compagnie nationale Turkish Airlines a annoncé son intention d’acquérir 225 avions de passagers américains, dont 75 Boeing 787.

Donald Trump, accompagné de Recep Tayyip Erdogan, lors d’une réunion multilatérale consacrée à la situation à Gaza, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, le 23 septembre 2025. (Brendan Smialowski/AFP via Getty Images)
« Compréhension commune » sur Gaza
Répondant aux journalistes après l’entretien, Erdogan a reconnu qu’« il serait impossible de régler tous les sujets en une seule réunion ».
« Cependant, celle-ci a permis des avancées substantielles sur de nombreux dossiers », a-t-il ajouté, selon le compte-rendu diffusé par ses services.
Le président turc a précisé avoir évoqué le développement des échanges commerciaux, les deux camps ambitionnant une cible annuelle de 100 milliards de dollars.
Il a également affirmé être parvenu à une « compréhension commune » avec Donald Trump pour instaurer un cessez-le-feu à Gaza, théâtre de guerre depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
« Nous avons exposé [lors de la réunion à la Maison-Blanche] les étapes à suivre pour parvenir, en priorité, à un cessez-le-feu à Gaza », a-t-il assuré, cité par l’agence Anadolu. « Une compréhension commune s’est dégagée. M. Trump sait également que la situation ne peut perdurer ainsi. »
Deux jours avant la réunion, les deux dirigeants se trouvaient à New York, où ils ont participé à une réunion sur Gaza organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Les dirigeants de plusieurs États de la région, dont l’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Jordanie et les Émirats arabes unis, ont également assisté à cet événement.
Lors de ce sommet, Donald Trump a présenté un plan de paix pour le Proche-Orient en 21 points, dont le contenu n’a pas encore été rendu public.
Selon Ilhan Uzgel, rien ne permet de savoir en quoi consiste la « compréhension » à laquelle sont parvenus les leaders américain et turc sur Gaza. « Je ne pense pas que des décisions concrètes aient été prises lors du sommet Erdogan-Trump », juge-t-il.
« Les États-Unis préparent un plan de paix, mais la Turquie n’a pas participé à son élaboration. »
Avec la contribution de Reuters.

Adam Morrow couvre la guerre entre la Russie et l'Ukraine pour Epoch Times.
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