Tunisie: Nabil Karoui, figure controversée des médias à l’assaut de la présidence

Par Epoch Times avec AFP
9 octobre 2019 22:20 Mis à jour: 9 octobre 2019 22:36

Homme d’affaires et des médias tunisien, Nabil Karoui, qui a été libéré quatre jours avant le second tour de la présidentielle, est une personnalité controversée, longtemps proche du pouvoir avant de se placer comme un candidat opposé à l’élite politique en place.

M. Karoui est sorti de prison mercredi soir, après une décision le jour même de la Cour de cassation de le libérer, selon son avocat Kamel Ben Messoud.

Aucun paradoxe ne l’effraie: inculpé en juillet pour blanchiment d’argent et évasion fiscale, ce publicitaire a mené campagne en se présentant comme le candidat des plus démunis.

Son interpellation le 23 août, à dix jours du début de la campagne, ne l’a pas empêché d’être qualifié au second tour.

A la tête d’un nouveau parti « Qalb Tounes » (« Au coeur de la Tunisie »)

Depuis son incarcération, Nabil Karoui, à la tête d’un nouveau parti « Qalb Tounes » (« Au coeur de la Tunisie »), a fait étalage de sa pugnacité coutumière, en brocardant une « tentative de coup d’Etat » et se présentant comme un « prisonnier politique ».

Agé de 56 ans, cet ancien commercial pour les marques Colgate et Palmolive, selon sa biographie officielle, est un habitué des combats. Polyglotte et cultivé, il n’est cependant pas issu d’une grande famille et s’est fait lui-même une place dans le sérail politique.

De multiples procédures ont été ouvertes ces derniers années contre cet ex-proche du pouvoir, ou contre la chaîne qu’il a fondée, Nessma, qui émet sans licence. En retour, il a accusé le gouvernement d’instrumentaliser la justice pour l’écarter de la course au pouvoir.

Il est marié à Salwa Smaoui, cadre chez Microsoft, qui a quitté temporairement son emploi pour assurer la campagne de son époux durant son incarcération.

Natif de Bizerte, Nabil Karoui lance en 2002 avec son frère Ghazi, un groupe de médias et de publicité « Karoui et Karoui ». Après la révolution de 2011, Nessma TV, jusque-là essentiellement cantonnée au divertissement et à la téléréalité, se tourne vers l’information en dialecte tunisien. Elle devient alors l’une des principales chaînes privées du pays.

M. Karoui et Nessma font notamment parler d’eux en diffusant le film franco-iranien « Persepolis », polémique en raison d’une représentation de Dieu interdite en islam: la chaîne écope d’une amende et fait l’objet d’attaques.

Une notoriété construite sous l’œil des caméras de Nessma

Critiqué par des observateurs internationaux pour avoir mis son média au service de Béji Caïd Essebsi lors de son élection à la présidence en 2014, M. Karoui finit par quitter officiellement la direction de Nessma. La loi l’y oblige depuis qu’il s’est lancé ouvertement en politique, rejoignant le parti présidentiel Nidaa Tounes en 2016.

Nessma est pointée du doigt pour son manque de transparence sur son capital et finit par être interdite de diffusion en octobre 2018 par le régulateur de l’audiovisuel tunisien. Mais la chaîne n’obtempère pas, et Nabil Karoui y déclare sa candidature à la présidentielle fin mai. Depuis, la chaîne mène campagne tambour battant pour son fondateur.

Nessma a révélé fin septembre qu’elle était détenue en partie par l’ex-Premier ministre italien Silvio Berlusconi et le produceur Tarek Ben Ammar.

En 2017, la fuite d’un enregistrement attribué à M. Karoui, dans lequel il planifiait une campagne de diffamation contre l’ONG anti-corruption I-Watch, avait contribué à jeter le trouble sur l’homme d’affaires. C’est un dossier déposé par cette ONG qui a entraîné son inculpation.

Libre, Nabil Karoui reste toutefois inculpé, ses avoirs gelés et il lui est interdit de voyager.

Ces trois dernières années, M. Karoui s’est patiemment construit une notoriété en distribuant électroménager et biens divers aux quatre coins du pays sous l’œil des caméras de Nessma.

La chaîne diffuse quotidiennement « Khalil Tounes », émission caritative en mémoire de son fils, Khalil, mort dans un accident de voiture en 2016.

On y voit le magnat des médias, cheveux poivre et sel, traits fins, habits griffés et style branché, sillonner le pays comme aucun politicien ne l’avait fait, en écoutant les doléances des plus démunis. « ‘Khalil Tounes’ m’a permis de me rapprocher des gens, de réaliser les énormes problèmes sociaux dans le pays », avait-il déclaré à l’AFP peu après sa candidature, n’hésitant pas à se comparer à Mère Teresa ou l’Abbé Pierre.

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