Une affaire de famille

À la découverte des bas-fonds du Japon

4 janvier 2019 02:18 Mis à jour: 4 janvier 2019 02:18

Lauréat de la Palme d’or au festival de Cannes, le film de Kore-Eda Hirokasu, Une affaire de famille, est à la fois surprenant et bouleversant. Un poème sur les relations humaines mal comprises, sur des êtres abandonnés qui trouvent refuge dans une famille qu’ils s’inventent, pour eux et pour ceux qui en ont besoin.

La misère est liée dans l’imaginaire collectif à certains pays mais le Japon – traditionnel ou moderne – est plutôt connecté au raffinement et à la délicatesse, voire à une sorte d’élitisme culturel.

Kore-Eda Hirokasu a déjà traité ce Japon underground dans Nobody knows (2004) racontant l’histoire de quatre enfants abandonnés par leur mère, basé sur un fait divers. C’est ce contexte miséreux qui attire son regard. Dans Still walking (2008) et Après la tempête (2016) il aborde les liens familiaux : secrets, rancœurs, amours, haine et bienveillance.

La famille constitue le fondement de la société japonaise. Dans Une affaire de famille, Kore-Eda Hirokasu réunit d’une certaine manière les deux thèmes. Le film porte une interrogation sur la famille, sur ce qui la consolide, ce qui unit ses membres ; mais il traite également d’un monde refoulé que le Japon officiel aimerait oublier.

 

 

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Osamu, le père, Nobuyo, Aki et le jeune Shota se rassemblent tous les soirs chez la vieille Hatsue. En dépit de leur pauvreté, survivant grâce à de petits vols qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux. Osamu travaille dans le bâtiment sur les échafaudages, Nobuyo repasse pendant des heures à la blanchisserie, alors qu’Akira, elle, travaille dans un peep-show.

Une drôle de famille dont on décèle au fur et à mesure les indices des liens cachés qui les unissent jusqu’à la découverte d’un terrible secret. Mais motus, il faut voir le film pour le découvrir…

Un soir d’hiver, quand Shota et Osamu reviennent comme à leur habitude de leurs rapines à l’épicerie du coin, ils trouvent une petite fille livrée à elle même, enfermée sur le balcon d’une maison. Sans trop réfléchir, ils l’amènent chez la vieille Hatsue. Là, ils découvrent que la fillette affamée est maltraitée par sa mère. Ils proposent à la fillette qui se présente comme Yuri de rester avec eux. Yuri ne refuse pas. Pour lui donner l’impression de faire partie de sa nouvelle famille, Osamu lui donne un rôle dans leurs séances de vol à l’étalage.

La caméra capture ce bas-fond dans toute sa laideur, la fouille de la maison, la pauvreté du décor, la vieillesse des corps, coupant souvent le haut des personnages, jusqu’à évoquer même un sentiment de nausée. Mais ce sentiment est remplacé très vite par un sentiment de tendresse et de douceur, grâce à une lueur qui semble émaner des personnages. Les membres de cette famille sont là par choix. Ils y trouvent une bienveillance et une tolérance dont ils étaient apparemment tous privés dans leur vie précédente, dans leurs familles officielles et qui désormais, les protègent de leur misérable réalité.

Mais les secrets sont trop nombreux, même la petite fille a un secret. Elle s’appelle en réalité Juri on l’apprend quand sa disparition est annoncée à la télé. Coupables dès lors d’un enlèvement aux yeux de la société leur cas s’aggrave, cependant, ils décident de partir à la mer comme une vraie famille pour y passer un moment de liberté et de joie.

 

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À part les secrets qui se font de plus en plus nombreux, Shota en pleine adolescence remet en question les enseignements de son père adoptif. Conscient à la fois de la bienveillance et de la maladresse d’Osamu, Shota commence à faire la distinction entre le bien et le mal. Cette prise de conscience s’accentue davantage quand il découvre que le vieil épicier est au courant de ses vols mais qu’il a choisi de fermer les yeux. C’est à lui maintenant de choisir s’il veut transmettre à la petite Juri ses talents de voleur ou non.

Inévitablement, son choix mettra fin à cette famille.

« Mais, nous ne sommes pas des gens normaux », répond Osamu à Nobuyo, quand elle lui demande si c’est pour l’argent qu’il reste avec Hatsue, puisque « c’est normal ». En effet, ce n’est pas l’argent qui motive les membres de cette famille ni la stérilité de Nobuyo. Ils ne sont pas animés par des motifs matériels, financiers ou pathologiques, comme le pensent les agents des institutions, mais par leurs sentiments, leur cœur.

 Michal Bleibtreu Neeman

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