Une solution simple pour lutter contre l’hypertension sur laquelle tout le monde n’est pas d’accord 

Par Sheramy Tsai
7 février 2024 20:26 Mis à jour: 7 février 2024 20:26

Alors que l’enrichissement du sel en potassium pourrait améliorer l’hypertension généralisée, les recommandations continuent de susciter des débats au sein de la communauté médicale.

Face à la prédominance des régimes riches en sodium et à l’hypertension largement répandue, des experts internationaux proposent une solution simple : l’incorporation de potassium dans le sel de table de tous les jours.

Cette méthode consiste à remplacer une partie du chlorure de sodium contenu dans le sel ordinaire par du chlorure de potassium. Les experts estiment qu’elle pourrait avoir un impact significatif sur le contrôle de la tension artérielle tout en conservant un goût familier.

Bien que l’intégration de sel enrichi en potassium ne manque pas de soutien pour être intégrée dans les recommandations pour l’hypertension au niveau mondial, cette solution continue de susciter des débats au sein de la communauté médicale.

L’épidémie silencieuse d’hypertension artérielle

Les États-Unis sont confrontés à une crise majeure de l’hypertension artérielle: un rapport de 2023 de l’American Heart Association indique qu’elle touche la moitié des Américains âgés de 20 ans et plus. En France, on compte 17 millions d’hypertendus dont plus de 6 millions n’ont pas connaissance de leur maladie.

Bien plus qu’un simple relevé médical, l’hypertension artérielle endommage gravement les artères et précède les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et d’autres problèmes de santé graves.

L’ampleur mondiale de ce problème est tout aussi inquiétante. Le Dr Tom Frieden, président et directeur général de Resolve to Save Lives, a souligné dans un communiqué de presse que les cas d’hypertension ont doublé en 30 ans pour atteindre environ 1,3 milliard de personnes. « L’hypertension artérielle tue plus de dix millions de personnes chaque année, soit près de vingt personnes par minute; 20% de ces décès peuvent être liés à un seul coupable : une alimentation trop salée. »

Ces statistiques soulignent la nécessité de trouver des solutions pratiques pour faire face à cette menace croissante pour la santé. La lutte internationale contre l’augmentation des problèmes liés à l’hypertension se concentre de plus en plus sur les éléments du régime alimentaire, notamment la consommation élevée de sel généralisée, comme centre d’intérêt primordial dans la bataille mondiale pour la santé.

Sodium et potassium : acteurs clés de la régulation de la pression artérielle

L’équilibre délicat entre le sodium et le potassium est crucial pour la gestion de la tension artérielle. Chaque cellule du corps humain dépend de ces minéraux pour fonctionner correctement, et leur interaction est vitale pour la santé globale.

Le professeur Alta Schutte, expert en gestion de l’hypertension, explique cette relation cruciale. « Pratiquement toutes les cellules humaines ont besoin de sodium et de potassium pour assurer leur fonctionnement normal. Lorsque le sodium est pompé hors de la cellule, le potassium est pompé dans la cellule », a-t-elle déclaré à Epoch Times. « Un déséquilibre en potassium aura donc des conséquences néfastes sur la santé.

Le Dr Bruce Neal, médecin formé au Royaume-Uni et directeur de l’Institut George, en Australie, développe ce point. « L’homme a évolué avec des régimes alimentaires qui contenaient environ 0,5 gramme de sodium et environ 10 grammes de potassium par jour. Les régimes actuels contiennent environ dix fois plus de sodium et trois fois moins de potassium », a-t-il déclaré à Epoch Times.

L’équilibre entre ces minéraux est souvent rompu dans les régimes modernes hautement transformés, ce qui entraîne une augmentation de la tension artérielle. Un excès de sodium provoque une rétention d’eau, ce qui augmente le volume sanguin et la pression artérielle. À l’inverse, le potassium contrecarre les effets du sodium et détend les vaisseaux sanguins, réduisant ainsi la pression artérielle.

L’engouement mondial pour le sel enrichi en potassium

Une étude publiée dans la revue Hypertension révèle une divergence notable dans les normes mondiales de traitement de l’hypertension. L’analyse de 32 directives internationales a révélé une incohérence préoccupante : toutes conseillent de réduire l’apport en sodium, mais peu suggèrent d’augmenter les niveaux de potassium ou recommandent explicitement le sel enrichi en potassium.

Le Dr Neal souligne les avantages pratiques du sel enrichi en potassium. « La réduction du sodium et le complément en potassium permettent toutes deux d’abaisser la tension artérielle. Le sel enrichi en potassium fait les deux à la fois », note-t-il. Il reconnaît qu’il est difficile de réduire la consommation de sel ordinaire, ce qui implique de modifier les habitudes de cuisson, d’assaisonnement et d’achat. « Le sel enrichi en potassium a la même apparence, le même comportement et le même goût que le sel ordinaire. Les gens pourraient remplacer l’un par l’autre. »

Le professeur Alta Schutte approfondit cette affirmation en déclarant : « Les principaux défis sont que le grand public, les gouvernements et les prestataires de soins de santé ne sont pas au courant de cette solution « facile » qui pourrait avoir de profonds effets bénéfiques sur la santé de la population ». Elle évoque également la difficulté de s’approvisionner en potassium et la disponibilité limitée des substituts du sel dans les régions économiquement défavorisées.

La recherche met en évidence la problématique pour réduire le sodium alimentaire et augmenter la consommation de potassium, causée par des habitudes de consommation enracinées, et la résistance de l’industrie alimentaire. Le professeur Alta Schutte souligne l’importance des données récentes et des essais cliniques qui soutiennent les substituts du sel, et insiste sur la nécessité pour les comités de directives et recommandations de tenir compte de ces résultats.

Les auteurs proposent de réviser les lignes directrices relatives à la gestion de la pression artérielle afin de recommander l’utilisation de sel enrichi en potassium (environ 75% de chlorure de sodium et 25% de chlorure de potassium) pour les personnes souffrant d’hypertension, à l’exception des personnes souffrant de problèmes rénaux avancés ou de celles qui prennent des médicaments à base de potassium. Cette recommandation s’applique également à la population générale, en supposant qu’il n’y a pas d’effets indésirables sur les personnes souffrant d’une maladie rénale avancée potentiellement non reconnue.

Ces recommandations font suite à une récente proposition de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, qui préconise le passage du sel traditionnel à des alternatives à faible teneur en sodium. « En fournissant aux fabricants un outil supplémentaire pour réduire le sodium dans la production alimentaire, nous visons à diminuer le risque pour les Américains de souffrir d’affections telles que l’hypertension, qui est intrinsèquement liée aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux », a déclaré le Dr Robert M. Califf, commissaire de la FDA, dans un communiqué de presse.

La tendance pour l’utilisation de substituts du sel, enrichis en potassium incite les fabricants à participer au dialogue. Le professeur Alta Schutte rapporte que l’Institut George pour la santé mondiale a entamé des discussions avec les fabricants sur l’importance de produire et d’intégrer des substituts de sel dans les aliments, et de s’attaquer aux obstacles à la production. « Pour certaines grandes entreprises, il s’agit d’une priorité, mais il faudra un effort plus global pour faire avancer ce programme », a-t-elle déclaré.

« Un passage mondial à l’utilisation de sel enrichi en potassium réduirait immédiatement la pression artérielle moyenne dans le monde, et la pression artérielle est la principale cause de décès prématuré dans le monde », affirme le Dr Neal. Il fait référence à une étude qu’il a dirigée et qui suggère que ce changement pourrait permettre d’éviter près d’un million d’accidents vasculaires cérébraux et de crises cardiaques chaque année.

Le risque de surcharge en potassium chez les populations vulnérables

La proposition d’ajouter du potassium au sel de table a ses détracteurs. Le débat porte essentiellement sur la sécurité de cette méthode, en particulier pour les personnes souffrant de maladies rénales.

Le docteur Stephen Fadam, néphrologue et président du comité consultatif médical de l’American Association of Kidney Patients , souligne les difficultés propres aux patients souffrant de maladies rénales. « Les patients atteints d’une maladie rénale, et en particulier les diabétiques, peuvent avoir une capacité réduite à sécréter du potassium, ce qui est encore compliqué par certains des médicaments recommandés », explique-t-il dans un courriel adressé à Epoch Times.

Le Dr Fadam insiste sur la nécessité de personnaliser les conseils diététiques pour les patients atteints de maladies rénales et préconise un dialogue approfondi entre les néphrologues, les diététiciens spécialisés dans les maladies rénales et les patients. Il conseille : « Cette étude doit être considérée dans le contexte de ce qui est le mieux pour les patients atteints de maladies rénales, et d’autres discussions impliquant les néphrologues, les diététiciens rénaux et les patients devraient avoir lieu avant que la FDA ne considère cette recherche comme une preuve pour une action réglementaire potentielle », soulignant la nécessité d’une approche prudente dans la traduction de cette recherche dans la pratique.

Paul Conway, président de la politique et des affaires mondiales de l’American Association of Kidney Patients et bénéficiaire d’une greffe de rein, reproche à l’étude d’avoir négligé des aspects essentiels. S’adressant à Epoch Times, il fait remarquer que les chercheurs « ont manqué une occasion importante de sensibiliser au manque général de dépistage des maladies rénales et au nombre de personnes qui souffrent probablement d’une maladie non diagnostiquée ». Paul Conway demande instamment à la FDA d’engager le dialogue avec la communauté des spécialistes du rein avant d’approuver de telles solutions de remplacement du sel, soulignant la nécessité de protéger les patients atteints de maladies rénales et les contribuables contre d’éventuels oublis en matière de politique de santé.

Le Dr Stephen P. Juraschek, médecin de premier recours spécialisé dans l’épidémiologie des maladies cardiaques, a répondu aux inquiétudes suscitées par les substituts de sel enrichis en potassium. « Le niveau de remplacement dans le sel enrichi en potassium est modeste et peu susceptible de provoquer une hyperkaliémie chez la plupart des adultes », a-t-il déclaré à Epoch Times. Il reconnaît toutefois qu’il est essentiel de surveiller régulièrement l’état de santé des personnes souffrant de maladies rénales ou prenant des médicaments contre l’hypertension.

Le Dr Juraschek a également souligné que l’étude citée par le Dr Neal n’indiquait pas de risque significatif d’hyperkaliémie lié au remplacement par du potassium, ce qui implique que les avantages pour la santé pourraient dépasser les risques pour la plupart des individus.

Au-delà du sel : s’attaquer aux causes profondes de l’hypertension

Le débat s’étend également à la question plus générale du traitement des causes profondes de l’hypertension. Les détracteurs affirment que se concentrer sur la modification de la composition du sel pourrait être une solution superficielle, qui détournerait l’attention de problèmes plus fondamentaux liés au mode de vie moderne.

James DiNicolantonio, chercheur en sciences cardiovasculaires et auteur de « The Salt Fix« , a fait part à Epoch Times de ses réserves concernant les substituts du sel. « Lorsqu’il s’agit d’hypertension artérielle, les deux meilleures choses que l’on puisse faire sont de manger des aliments complets et nutritifs et de faire de l’exercice. Il affirme que dans ce contexte, une augmentation de la consommation de sel est souvent nécessaire.

James DiNicolantonio a identifié la rétention de sel comme étant le problème principal, résultant généralement d’une consommation excessive de glucides raffinés et de sucre. Il a conseillé : « L’objectif devrait être de limiter les glucides raffinés afin que les gens puissent avoir un apport normal en sel », soulignant l’importance de ce dernier pour diverses fonctions corporelles, y compris les performances physiques et les niveaux d’énergie.

En outre, James DiNicolantonio a fait remarquer qu’un régime alimentaire riche en aliments complets augmente naturellement les niveaux de potassium, ce qui peut rendre superflu l’ajout de potassium au sel. Ces aliments comprennent les avocats, les épinards, les pommes de terre, les courges et certains haricots.

En effet, les experts de la santé estiment qu’environ 80% des maladies chroniques pourraient être évitées en modifiant le régime alimentaire et le mode de vie. Ce chiffre indique que les interventions devraient être plus globales et porter non seulement sur la consommation de sel, mais aussi sur les facteurs plus généraux liés au mode de vie et à l’alimentation qui influencent l’hypertension.

La discussion soulève des questions sur le rôle des aliments transformés dans les régimes alimentaires modernes. L’ajout d’un autre minéral à ces aliments pourrait être perçu comme un simple pansement sur un problème plus important, à savoir la consommation omniprésente de ces aliments.

Le Dr Juraschek souligne l’impact combiné des modifications du régime alimentaire et du mode de vie. Il explique : « L’essai DASH-Sodium a démontré que la réduction du sodium abaissait la pression artérielle de manière indépendante, indépendamment d’un régime alimentaire globalement sain. Les effets de la combinaison d’un régime alimentaire sain (le régime DASH) et d’une réduction du sodium étaient encore plus importants. Ces deux stratégies sont importantes et synergiques pour la réduction de la pression artérielle, et l’une ne doit pas remplacer l’autre ».

Le Dr Juraschek recommande une approche combinée, suggérant que des changements de politique favorisant le sel enrichi en potassium dans la préparation des aliments, et comme option sur la table pourraient grandement bénéficier à la santé publique, tout en continuant à mettre l’accent sur la promotion de modes de vie sains. Son point de vue contribue à un débat plus large, soulignant la nécessité d’une stratégie à plusieurs volets pour lutter contre l’hypertension, qui associe des progrès en matière d’alimentation à des modifications essentielles du mode de vie.

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