Wall Street : dix ans après la crise des subprimes

13 août 2017 08:00 Mis à jour: 13 août 2017 08:21

Le 15 septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers s’effondre, mettant l’économie mondiale à genoux. C’est le début de la plus grave crise financière depuis la Grande dépression, mais les prémisses de la débâcle étaient apparus en plein été un an plus tôt.

Le 9 août 2007 la banque française BNP Paribas gèle trois fonds exposés au marché immobilier américain, envoyant le message aux milieux financiers que les crédits hypothécaires subprime aux États-Unis ne sont plus dignes de confiance.

Le Dow Jones, l’indice des trente valeurs vedettes de Wall Street, plonge alors de près de 3%.

« On a vu les hedge funds et les gens qui échangeaient les produits les moins régulés paniquer », se souvient Kenny Polcari, courtier en actions, qui arpente le parquet de Wall Street depuis 1985. « J’étais inquiet mais pas paniqué », ajoute Kenny, qui joue à l’époque les intermédiaires entre traders, banquiers, gestionnaires d’actifs et la Bourse, pour la firme britannique Icap Corps.

« Les gens ont commencé à chercher à comprendre ce monde +virtuel+ de produits complexes ».

S’endetter pour devenir propriétaire

À la Maison Blanche, l’aveuglement prévaut également. Lors d’une conférence de presse ce même 9 août, le président George W. Bush, interrogé sur un éventuel déclin abrupt du marché immobilier, est catégorique : « Il apparaît à ce stade que nous nous dirigeons vers un atterrissage en douceur. C’est ce que les faits disent ».

La politique menée par Alan Greenspan, l’inamovible président de la banque centrale (Fed), a favorisé la bulle immobilière. En maintenant des taux très bas et en inondant les marchés de dollars, elle incite les ménages à s’endetter pour devenir propriétaires. Le crédit est érigé en moteur de la consommation.

« On pouvait obtenir un crédit tout en étant au chômage », se rappelle Kenny Polcari.

À Wall Street, les bonus et les profits flambent, d’autant que l’administration de Bill Clinton a abrogé en 1999 la loi Glass-Steagall, qui séparait les banques de dépôts, à la culture de prudence, des banques d’affaires, férues de risques.

Devant la demande, les traders confectionnent des crédits hypothécaires à taux variables, dont les banques disséminent les risques en les revendant par morceaux sous la forme d’obligations – CDO, collateralized debt obligation – sur les marchés financiers, avec l’assentiment des agences de notation.

Mais le relèvement des taux de la Fed à compter de 2004 signe le retournement du marché immobilier. Les ménages fragiles sont étranglés et ont du mal à rembourser.

« Les ennuis étaient en train de couver », se souvient Kenny Polcari. « Ces produits dérivés complexes étaient peu compréhensibles mais du moment où le marché montait et que tout le monde se remplissait les poches, personne ne s’en préoccupait ».

Des produits complexes devenus invendables

Une banque a vu le coup venir : Goldman Sachs. Le 14 décembre 2006, le directeur financier David Viniar convoque une réunion avec des traders et les responsables risques pour discuter de l’état du marché immobilier américain. Des premières pertes sont signalées dans le portefeuille de Goldman, raconte à l’AFP un banquier sous couvert d’anonymat.

David Viniar ordonne alors un changement de stratégie d’investissement, visant à parier sur l’effondrement de l’immobilier. « Il faut qu’on se mette à l’abri », enjoint-il.

S’il lui a rapporté de gros bénéfices et évité le pire, ce revirement vaudra à Goldman d’être poursuivie par la SEC, le gendarme de la Bourse, qui l’a accusée en 2010 d’avoir créé, en 2007, un produit complexe contenant des subprime, Abacus, vendu ensuite à des clients qui croyaient à une hausse de l’immobilier alors que la banque anticipait, elle, la baisse.

Le 16 mars 2008, JPMorgan Chase rachète pour une bouchée de pain Bear Stearns, au bord de la banqueroute pour des paris désastreux aux subprime. Créée en 1923 et employant 14.000 personnes, Bear Stearns était un des symboles du rayonnement de la finance américaine.

« Ce fut le grand tournant », raconte Kenny Polcari. « Tous ces produits complexes sont devenus dans la foulée invendables. Il n’y avait plus d’acheteur. Tout d’un coup cela a été la panique générale ».

Les investisseurs se sont alors tournés vers le marché actions, et ont commencé à liquider les titres.

« Nous étions au bout de l’échiquier mais avons payé cher alors même que nous ne touchions pas à ces produits toxiques », s’emporte Kenny Polcari. Sa colère reste intacte près de dix ans plus tard. Il en veut aux régulateurs qui « n’y comprenaient rien ».

Sa firme a licencié « beaucoup de monde ». Pour sa part, il a rebondi chez le courtier O’Neil Securities, et est maintenant contributeur régulier dans les médias américains.

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