Les alliés européens ne soutiennent pas les Etats-Unis contre l’Iran

"Se ranger du côté des Russes et des Chinois sur cette question importante... est vraiment dangereux"

Par Ella Kietlinska
30 août 2020 19:20 Mis à jour: 30 août 2020 19:20

L’effort américain pour renouveler l’embargo sur les armes contre l’Iran, qui devait expirer le 18 octobre, fait face à un bloc d’opposition de ses alliés européens, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Aucun d’entre eux ne soutient cependant l’idée de donner à l’Iran la possibilité d’acheter et de vendre des armes, déclare le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo dans une interview à Fox News.

Depuis près de deux ans, les États-Unis « ont fait tous les efforts diplomatiques » pour tenter de renouveler l’embargo sur les armes contre l’Iran. Vendredi 27 août, les États-Unis ont officiellement demandé aux Nations unies de rétablir les sanctions de l’ONU contre l’Iran. Celles-ci avaient été levées par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en 2015, qui approuvait également l’accord international connu sous le nom de Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA).

La demande des États-Unis est critiquée par les signataires européens du JCPOA. Les pays dits E3 – la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni – ont refusé de soutenir l’initiative américaine, critiquant le retrait des Etats-Unis du JCPOA en 2018.

Josep Borrell, représentant de l’Union Européenne pour les affaires étrangères, a déclaré que les États-Unis ne pouvaient demander le rétablissement des sanctions contre l’Iran.

« Je continuerai à faire tout mon possible pour assurer la préservation et la pleine application de la JCPOA par tous. Le JCPOA reste un pilier essentiel des efforts mondiaux de non-prolifération, il contribue à la sécurité régionale », a déclaré M. Borrell.

Les États-Unis ont demandé la reprise des sanctions contre l’Iran une semaine après que le Conseil de sécurité des Nations unies n’ait pas adopté une résolution visant à prolonger indéfiniment l’embargo sur les armes à destination de l’Iran. La Chine et la Russie ont voté contre la résolution, tandis que 11 des 15 membres du Conseil de sécurité se sont abstenus, dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique et l’Estonie. Seuls les États-Unis et la République dominicaine ont voté pour.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déclaré dans une interview à Fox News le 21 août que « tous les dirigeants du monde, tous mes homologues me disent que l’Amérique fait ce qu’il faut » pour ne pas permettre à l’Iran d’obtenir des armes conventionnelles après l’expiration de l’embargo sur les armes.

« Donc pour eux, ne pas se lever et dire publiquement au monde dans l’enceinte des Nations Unies que oui, c’est la bonne chose à faire, c’est incompréhensible. Se ranger du côté des Russes et des Chinois sur cette question importante, je pense que c’est vraiment dangereux pour le monde », a-t-il déclaré.

L’administration Trump, cependant, « s’assurera que la République islamique d’Iran ne dispose pas des centaines de milliards de dollars associés aux ventes d’armes et ne deviendra pas un marchand d’armes pour le monde entier », a déclaré M. Pompeo.

Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas soutenu le retour des sanctions ?

Directeur du programme Iran à l’Institut du Moyen-Orient basé à Washington, Alex Vatanka a déclaré à Epoch Times dans une interview que la réaction européenne « aurait pu être évitée » : « Tout ce que nous savions depuis des mois suggérait que la Russie et la Chine opposeraient leur veto. Et les Européens disaient qu’ils ne soutiendraient pas », a-t-il dit, ajoutant que les États-Unis « n’ont pas le droit légal de reprendre les sanctions », parce qu’ils ont quitté l’accord nucléaire iranien en 2018.

L’administration Trump veut mettre fin à l’accord nucléaire, déclare M. Vatanka, mais les Européens sont contre parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas de meilleure alternative. C’est pourquoi ils n’ont pas soutenu les efforts américains.

« Tout le monde sait que l’Iran est un acteur dans la région qui agit souvent d’une manière qui sape la stabilité au Moyen-Orient », a déclaré M. Vatanka, et les Européens le savent aussi.

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« Mais les Européens savent aussi qu’il y a d’autres pays au Moyen-Orient qui agissent comme l’Iran et ils ont donc une vision plus globale et plus complète des pays de la région qui sont impliqués dans les différents conflits », pas seulement l’Iran. Les Européens pensent donc que le JCPOA « était le meilleur accord possible »et veulent le préserver, a-t-il ajouté.

« Les Européens peuvent espérer de leur point de vue » qu’après l’élection, soit le président Donald Trump changera sa politique envers l’Iran, soit Joe Biden reviendra sur l’accord nucléaire avec l’Iran, déclare M. Vatanka. « Alors les Américains et les Européens pourront … se réunir et faire pression sur l’Iran et empêcher … ses importations et exportations d’armes. »

« Le président Trump, les Européens, les autres qui sont préoccupés par le comportement de l’Iran dans la région doivent réaliser qu’ils doivent se réunir, que l’alliance occidentale doit se réunir. C’est la seule façon pour les Iraniens de prendre cela au sérieux – sentir que l’Occident est uni. »

« L’approche des États-Unis a été très musclée, trop musclée », considère M. Vatanka. Les États-Unis doivent « adoucir leur langage » et réaliser qu’ils doivent raisonner et dire pourquoi il est bon de travailler ensemble contre l’Iran. « Et c’est ce qui a manqué », a-t-il ajouté.

Les pays européens « manœuvrent entre leurs préoccupations concernant les intentions de l’Iran et leurs efforts pour sauver le JCPOA et ses avantages potentiels », explique Robert Czulda, professeur à l’université de Lodz en Pologne et collaborateur du Conseil Atlantique, dans un courriel au Epoch Times.

Le JCPOA a été le premier accord international négocié par l’Union européenne, continue-t-il, et il prouve la capacité naissante de l’U.E à être partie aux accords internationaux et à être un acteur important sur la scène internationale. L’accord est donc particulièrement important pour les dirigeants de l’Union européenne.

Si l’accord nucléaire avec l’Iran échoue, le projet visant à renforcer la capacité de l’U.E à agir en tant qu’acteur mondial échouera également, ajoute M. Czulda.

En outre, l’embargo européen sur la fourniture d’armes conventionnelles à l’Iran expirera en 2023 après les élections présidentielles en Iran et aux États-Unis, a expliqué Mme Czulda.

Indépendamment des sanctions, les producteurs d’armes européens préfèrent s’associer aux États-Unis plutôt que de vendre des armes à l’Iran. Les ressources financières insuffisantes de l’Iran et le manque de respect des droits de propriété intellectuelle les décourageront également de vendre des armes à l’Iran, continue-t-il.

Cependant, les Européens préfèrent ne pas mettre à mal leur relation avec l’Iran et espèrent que la préservation du JCPOA rendra possible le développement de la coopération économique avec l’Iran. C’est pourquoi ils n’ont pas voté pour la prolongation de l’embargo sur les armes à destination de l’Iran.

« Je ne m’attendrais pas à ce que d’importantes exportations d’armes vers l’Iran aient lieu de sitôt, l’Europe ne considère donc pas cette question comme importante », déclare Mme Czulda, « les pays européens ont des problèmes plus pressants ».

« Dans le passé, les pays européens n’ont pas hésité à vendre des armes aux États arabes du Golfe Persique, qui ont ensuite utilisé ces armes dans la guerre controversée au Yémen », explique-t-il. « L’UE peut cependant exercer une pression, même sans sanctions, sur les pays européens pour qu’ils ne coopèrent pas avec l’Iran en matière de technologie militaire ».

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