Après la victoire du « Convoi de la Liberté » au tribunal, des Canadiens sont prêts à intenter une action en justice

À la suite d'une décision de la Cour fédérale contre le gouvernement canadien pour avoir utilisé à mauvais escient la Loi sur les mesures d'urgence lors du convoi, plusieurs plaignants envisagent une action en justice

Par Matthew Horwood
16 février 2024 11:50 Mis à jour: 16 février 2024 11:50

Plusieurs manifestants du Convoi de la liberté ont été encouragés par une récente victoire devant un tribunal fédéral canadien, et ont déclaré qu’ils se préparaient à poursuivre le gouvernement fédéral, les banques et la police ayant brutalement mis fin à la manifestation de 2022.

« Je pense qu’il s’agit de la deuxième phase de ce qui s’est passé avec le procès fédéral », a déclaré Eddie Cornell, vétéran militaire et plaignant. « Nous avons une grande pente à gravir, mais c’est quelque chose de nécessaire. Il faut le faire. »

Le 23 janvier 2024, le juge Richard Mosley de la Cour fédérale a rendu une décision contre l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement fédéral en réponse aux manifestations et aux blocages qui avaient paralysé la capitale canadienne, Ottawa, pendant des semaines.

L’utilisation de la loi par le gouvernement « ne porte pas les marques du caractère raisonnable – justification, transparence et intelligibilité – et n’était pas justifiée par rapport aux contraintes factuelles et juridiques pertinentes devant être prises en considération », a écrit le juge Mosley dans sa décision.

Vincent Gircys, vétéran de la police et plaignant, dont le compte bancaire a été gelé pendant plus d’une semaine en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, a déclaré que bien qu’il ait été initialement « très déçu par le système judiciaire – y ayant travaillé pendant 32 ans » – il était heureux de voir « qu’un certain niveau de justice était rétabli ».

L’entrepreneur albertain Jeremiah Jost, qui s’était rendu à Ottawa avec sa femme dans le cadre du convoi, s’est dit « incroyablement encouragé par la décision du juge Mosley et par le courage dont il a fait preuve ».

Cette décision a probablement donné de l’espoir aux Canadiens mécontents du système judiciaire, a-t-il ajouté.

Le Convoi de la liberté, une action de protestation contre le mandat fédéral exigeant la vaccination contre le COVID-19 pour les camionneurs traversant la frontière entre le Canada et les États-Unis, a donné lieu à un campement de gros camions dans la capitale canadienne au début de l’année 2022.

L’action de protestation initiale, ayant débuté en janvier 2022, s’est rapidement transformée en un mouvement plus large et à grande échelle d’opposition aux mandats et aux restrictions de la pandémie, avec des manifestations similaires organisées à plusieurs postes-frontières entre le Canada et les États-Unis.

Le 14 février 2022, le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, pour la première fois depuis sa création en 1988. Cette Loi confère aux forces de l’ordre des pouvoirs étendus pour arrêter les manifestants et exiger des entreprises de remorquage qu’elles enlèvent les véhicules des manifestants du centre-ville d’Ottawa (certaines d’entre elles ont refusé de le faire).

Les mesures d’urgence ont également permis à la police nationale – la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en anglais the Royal Canadian Mounted Police – de fournir aux banques et autres institutions financières une liste de personnes et d’entités impliquées dans les manifestations et de leur demander de geler leurs comptes.

Le juge Mosley a estimé que l’invocation de la Loi violait l’article 2(b) de la Charte, qui traite de la « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression », et l’article 8, qui traite du « droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ».

L’action de geler les comptes bancaires n’était pas « minimalement préjudiciable », a déclaré le juge, car la mesure s’appliquait partout au Canada – y compris dans les zones où il n’y avait pas de manifestations – et parce qu’il y avait « des alternatives moins attentatoires disponibles » à Ottawa.

Quelques heures après la publication de la décision du juge Mosley, la vice-première ministre Chrystia Freeland a déclaré que le gouvernement libéral a l’intention de s’y opposer.

« Nous respectons beaucoup l’indépendance du système judiciaire canadien. Cependant, nous ne sommes pas d’accord avec cette décision. Nous ferons respectueusement appel de cette décision », a-t-elle déclaré le 23 janvier.

Un camion-remorque retire un camion du convoi après que la police ait libéré la rue Wellington, précédemment occupée par le Convoi de la liberté, à Ottawa, le 19 février 2022. (Andrej Ivanov/AFP via Getty Images)

Poursuites contre le gouvernement et les banques

La décision du juge Mosley a été rendue à la suite d’une action en justice intentée par cinq plaignants ayant participé à la manifestation, dont deux ont vu leur compte bancaire gelé.

Trois des plaignants – M. Jost, M. Gircys et M. Cornell – ont déclaré le 29 janvier qu’ils avaient l’intention d’intenter d’autres actions en justice contre « les membres du gouvernement, les institutions financières qui ont gelé les comptes bancaires des gens, et les policiers qui ont battu et blessé des Canadiens innocents ».

M. Cornell, cofondateur de l’organisation Vétérans pour la liberté, a déclaré que son équipe juridique avait obtenu un grand succès dans la décision de la Cour fédérale et qu’ils avaient fait valoir ses droits. Son compte bancaire est l’un de ceux qui ont été gelés.

Il a indiqué que son équipe avait mis en place une initiative appelée « The Accountability Project » (Projet d’imputabilité) afin de collecter des fonds pour l’action en justice prévue. L’équipe juridique, qui est actuellement en cours de constitution, décidera si le litige prendra la forme d’une action collective ou d’une action en responsabilité civile.

« Ils veulent être sûrs de faire les choses correctement. Nous faisons entièrement confiance à l’équipe, car ce sont les personnes qui ont obtenu gain de cause lors de la contestation devant la Cour fédérale », a déclaré M. Cornell.

« J’espère simplement que les Canadiens se mobiliseront et soutiendront cette initiative. »

Bien que le juge Mosley ait décidé que M. Jost n’avait pas qualité pour contester la décision relative à la Loi sur les mesures d’urgence et qu’il ait finalement rejeté sa demande, M. Jost a déclaré qu’il était heureux de pouvoir fournir des vidéos et des preuves de première main.

« J’ai pu être présent et témoigner qu’ils nous filmaient tous. Il y avait des tireurs d’élite sur le toit. Ils avaient des armes à feu, des matraques, des balles en caoutchouc, du gaz poivré, etc. Ils attrapaient les gens et les frappaient », a-t-il déclaré.

« Je suis donc reconnaissant d’avoir pu être une autre voix pour la vérité dans cette affaire. C’était vraiment mon objectif. »

Quelque chose d’historique

M. Gircys, qui a participé à la logistique et à la coordination de la manifestation d’Ottawa, a déclaré qu’il était « abasourdi » lorsque la police municipale est intervenue pour expulser les manifestants du centre-ville.

La police affronte des participants à la manifestation du Convoi de la liberté après l’invocation de la loi sur les mesures d’urgence, le 19 février 2022. (Scott Olson/Getty Images)

« L’événement était pacifique, et je n’aurais jamais cru que nos services de police s’en prendraient à des manifestants pacifiques », a-t-il déclaré.

M. Gircys, un ancien enquêteur judiciaire de la police provinciale de l’Ontario, a expliqué qu’il avait observé ce qui se passait en ce qui concerne les obligations vaccinales et les restrictions de voyage, et que lorsque le Convoi de camionneurs a convergé vers la capitale du pays, il s’est senti obligé d’aller voir de ses propres yeux.

« J’ai pensé que cela pourrait être quelque chose d’historique », a-t-il déclaré.

« Lorsque nous sommes arrivés – et mon intention était de rester une nuit et de repartir – je n’arrivais pas à croire l’ampleur de l’événement, le nombre de personnes présentes, à l’importance de l’événement et à l’incroyable joie et jovialité de tous ceux réunis d’un bout à l’autre du pays. »

M. Gircys, qui est basé dans la région de Toronto et qui s’était rendu à Ottawa avec son fils, a déclaré qu’il avait dû reconduire son fils à Toronto, mais qu’il était ensuite retourné dans la capitale et était resté pour la manifestation.

Il a déclaré que les citoyens s’étaient rassemblés « naturellement » pour s’assurer que les services nécessaires tels que les toilettes, les postes de secours et l’accès au carburant étaient fournis.

« Ce que j’ai constaté, en considérant toutes les rencontres et observations sur place, était qu’il s’agissait d’un événement très pacifique », a-t-il déclaré. « Je n’ai jamais vu autant d’unité dans notre pays, et je n’ai jamais vu un groupe aussi important de personnes aussi heureuses qu’elles l’étaient. Et pourtant, j’observe constamment, chaque soir, les journaux télévisés annoncer qu’il s’agissait d’un groupe violent et haineux, alors que rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. C’était de la propagande pure et simple ».

M. Gircys a déclaré qu’après l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence, il a entendu dire que les comptes bancaires de certaines personnes avaient été gelés. C’est alors que ça lui est arrivé.

Il a dit qu’il avait pu obtenir un peu d’argent « grâce à la bonté et à la gentillesse de mon entourage » pour faire le plein de son véhicule et rentrer chez lui.

« Ils violent les droits à grande échelle et de différentes manières, et finalement, ils ont eu recours à une intervention massive de la police », a-t-il déclaré.

« En tant qu’ancien officier de police, avec 32 ans de service et ayant passé du temps dans la gestion des urgences en tant que membre de l’équipe d’intervention d’urgence, je suis très conscient de ce qui était sur le point de se produire du côté des forces de l’ordre. »

« Je n’en croyais pas mes yeux, car l’événement était pacifique », a-t-il déclaré.

M. Gircys se réjouit que le tribunal ait jugé injustifiée l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence et il est impatient de porter plainte au civil avec M. Jost et M. Cornell.

La décision du tribunal a du mordant

Chris Barber, l’un des principaux organisateurs du convoi de la liberté, a déclaré que la décision du juge Mosley est un « pas dans la bonne direction » et qu’elle aidera de nombreux Canadiens à voir comment « le gouvernement nous a piétinés pendant les manifestations ».

Rassemblent près d’un viaduc routier à l’extérieur de Toronto, Canada, le 27 janvier 2022. (Cole Burston/AFP via Getty Images)

Il a qualifié de « vindicative » l’intention du Cabinet de faire appel de la décision.

« Il y a beaucoup de gens qui voient à quel point ce gouvernement est motivé pour détruire les citoyens canadiens et tous ceux qui s’opposent à ce qu’ils nous font subir en ce moment. Je pense que cela nous ouvre les yeux », a-t-il déclaré.

M. Barber et sa collègue organisatrice Tamara Lich sont actuellement en procès à Ottawa pour méfait, en raison de leur rôle dans la manifestation.

M. Barber a déclaré que la récente décision « aidera certainement notre procès », qui a commencé en septembre 2023 et se prolongera probablement jusqu’à l’été.

Un autre organisateur du Convoi, Tom Marazzo, qui est un ancien militaire, a déclaré à Epoch Times que, contrairement à la Commission sur l’état d’urgence (CEDU), qui avait donné raison au gouvernement fédéral pour avoir invoqué la Loi, la récente décision de la Cour fédérale a « du mordant » et « rend le gouvernement responsable de ce qu’il a fait devant une cour de justice ».

Après l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence, comme l’exige la Loi, la CEDU a été constituée pour évaluer si son utilisation était justifiée. Elle a été supervisée par le juge Paul Rouleau, qui a été nommé commissaire. La commission n’est pas un tribunal, mais plutôt une enquête dont le rapport est présenté au Parlement.

M. Marazzo a déclaré qu’il n’était pas surpris que le gouvernement fédéral ait pris la « décision politique » de faire appel de la décision du juge Mosley.

« Personnellement, je ne pense pas qu’ils aient le choix. Ce qu’ils vont essayer de faire, c’est d’élaborer un récit pour faire de cette décision un point d’interrogation dans l’esprit des électeurs », a-t-il déclaré.

« Car s’ils acceptent la défaite et ne la contestent pas, c’est comme s’ils acceptaient une décision selon laquelle les libéraux ont fait quelque chose de mal. »

Si la contestation du gouvernement atteint la Cour suprême, M. Marazzo a déclaré que le gouvernement libéral pourrait « être en difficulté » si le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, est contraint de se récuser pour avoir déjà critiqué le Convoi, le qualifiant de « début de l’anarchie où certaines personnes ont décidé de prendre d’autres citoyens en otage ».

En mai 2022, un groupe d’avocats a déposé une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature, affirmant que les critiques du juge Wagner à l’égard du Convoi minaient la confiance dans l’impartialité des tribunaux en ce qui concerne la Loi sur les mesures d’urgence.

Marco Van Huigenbos, conseiller municipal de Fort Macleod (Alberta), qui est devenu le porte-parole officieux de la manifestation du Convoi de la liberté à Coutts (Alberta), a déclaré qu’en plus de montrer qu’Ottawa avait commis une erreur en invoquant la Loi sur les mesures d’urgence, la décision de la Cour fédérale modifie la perception que le public a de la manifestation, et remet en question le « récit initialement construit et véhiculé par les médias ».

« Pour de nombreuses personnes confrontées aux tribunaux, comme moi, étant donné que c’est le public qui est l’origine du jury, cela change l’attitude dans son ensemble. Même si l’on est totalement opposé à l’affaire, on se dit maintenant que ce n’est peut-être pas ce qu’ils voient, que le gouvernement a peut-être dépassé les bornes », a déclaré M. Van Huigenbos.

« Pour ceux qui savaient depuis le début qu’il y avait une mauvaise gestion, un manque de communication entre les différents niveaux de gouvernement et une volonté d’écraser cette [manifestation] au lieu de communiquer, c’est maintenant devenu le courant dominant. C’est maintenant le récit. »

Une manifestante tient une pancarte disant « Je veux retrouver ma liberté » lors d’une manifestation contre les mandats liés aux vaccins COVID-19, dans le centre-ville de Toronto, au Canada, le 5 février 2022. (Geoff Robins/AFP via Getty Images)

Les groupes de défense des libertés civiles soutiennent la décision

Deux groupes de défense des libertés civiles, l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) et la Fondation constitutionnelle canadienne (FCC), avaient fait valoir dans le cadre de l’affaire que le gouvernement libéral n’avait pas atteint le seuil juridique requis pour invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.

Christine Van Geyn, directrice du contentieux de la FCC, s’est déclarée « ravie » de la décision du juge Mosley.

« Il s’agit de motifs très détaillés et d’une justification complète de la position des organisations de défense des libertés civiles qui considéraient l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence comme illégale, injustifiée et inconstitutionnelle », a-t-elle déclaré dans un communiqué du 23 janvier.

Mme Van Geyn a déclaré que le cabinet fédéral aura une « montagne à gravir » pour faire appel de la décision, et que son organisation « attend avec impatience le combat ».

Noa Mendelsohn Aviv, directrice générale et avocate générale de l’ACLC, a déclaré que la Cour fédérale était d’accord avec l’argument de son groupe selon lequel le seuil pour invoquer la Loi sur les mesures d’urgence est « extrêmement élevé » et qu’Ottawa n’a pas réussi à démontrer qu’il y avait des menaces à la sécurité du Canada qui justifiaient l’invocation de cette Loi.

« La décision de la Cour fédérale crée un précédent clair et crucial pour tous les gouvernements à venir », a-t-elle déclaré dans un communiqué publié le 23 janvier.

James Manson, directeur du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles (CJLC), a déclaré à Epoch Times que la décision de la Cour avait donné à son organisation « un certain encouragement » et « un message clair que la Charte des droits existe toujours et qu’elle a encore un sens ».

Le CJLC a représenté plusieurs manifestants du Convoi de la liberté devant les tribunaux, et a notamment défendu un certain nombre d’organisateurs de manifestations et d’autres personnes contre un recours collectif de 290 millions de dollars intenté par des résidents et des entreprises d’Ottawa.

Selon M. Manson, la décision de la Cour fédérale introduit la possibilité d’intenter une action en justice contre le gouvernement fédéral pour les Canadiens dont les droits garantis par la Charte ont été violés à la suite du gel de leurs comptes bancaires en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence.

« Cela nous encourage un peu à continuer et à être confiants que, même si la route est longue, nous allons dans la bonne direction. »

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