ArcelorMittal : le dernier clou dans le cercueil de la sidérurgie européenne

Par Germain de Lupiac
27 avril 2025 17:29 Mis à jour: 1 mai 2025 16:26

Le 23 avril, le groupe ArcelorMittal, deuxième sidérurgiste mondial, annonçait envisager la suppression d’ « environ 600 postes » dans 7 sites industriels du nord de la France en raison de « la crise qui frappe l’industrie de l’acier en Europe ». La sidérurgie emploie plus de 300.000 personnes en Europe, mais les annonces de suppression de postes et de fermetures de sites se sont succédé ces derniers mois.

Avant l’annonce de Donald Trump sur les tarifs douaniers, le géant allemand Thyssenkrupp avait annoncé fin 2024 son intention de supprimer 11.000 emplois en Allemagne. Des fermetures de sites français étaient aussi déjà annoncées chez ArcelorMittal qui a, en outre, suspendu un projet d’investissement de 1,8 milliard d’euros dans la décarbonation de l’acier à Dunkerque, l’un des plus importants hauts fourneaux d’Europe.

Le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de la Salle, avait dépeint le 22 janvier un tableau épouvantable de la situation devant les députés français : l’acier européen est menacé par le coût trop important de l’énergie sur le Vieux Continent, par la surproduction chinoise, le niveau élevé d’importations à bas coût et le manque de demande intérieure, avait-il expliqué.

La sidérurgie en Europe « est entrée dans une crise importante et grave » avait-il souligné. « Les sites, quels qu’ils soient, sont tous à risque en Europe. » Aucun de la cinquantaine de hauts fourneaux européens ne tourne à plein régime.

Quelque 600 suppressions de postes en France, jusqu’à 1400 postes européens transférés en Inde

« Le projet concerne les 7 sites d’ArcelorMittal France Nord: Dunkerque, Florange, Basse-Indre, Mardyck, Mouzon, Desvres et Montataire », a indiqué la direction du groupe.

« Cette décision difficile à prendre s’explique par un contexte global difficile depuis plusieurs années pour l’industrie de l’acier en Europe » a déclaré le nouveau directeur général d’ArcelorMittal France, Bruno Ribo. Selon lui, deux tiers des sureffectifs touchent plutôt des postes de production, et un tiers des fonctions support.

Aux prises avec une crise historique de l’acier en Europe, ArcelorMittal avait déjà annoncé en février qu’il envisageait la délocalisation de certaines de ses activités support (marketing, commercial, etc.) d’Europe vers l’Inde. Cela donnera finalement 400 suppressions de postes côté production, et 230 pour les fonctions support du nord de la France.

Concernant les projets d’investissement massif du groupe dans la décarbonation du site de Dunkerque, « c’est la restauration de notre compétitivité qui doit nous aider à finaliser la décision d’investissement sur le projet » a expliqué Bruno Ribo « mais nous attendons aussi des mesures concrètes de la Commission européenne suite à la présentation de son plan acier ».

Au total, en Europe occidentale, ce sont « entre 1250 et 1400 postes » dans les fonctions non directement liées à la production d’acier qui seront transférés en Inde ou en Pologne pour faire des économies, ont indiqué deux sources syndicales non démenties par la direction.

« Incompréhension » au sommet de l’Europe

Le commissaire européen à l’Industrie, Stéphane Séjourné, a exprimé son « incompréhension » après les annonces de suppressions d’emplois du groupe sidérurgique, estimant que le plan de soutien de l’Union européenne (UE) à la filière intégrait l’ensemble des demandes du groupe.

La Commission avait annoncé en mars une réduction des importations européennes d’acier de 15 % pour protéger la filière sidérurgique en crise, avec un durcissement de quotas à partir d’avril via un instrument appelé « clause de sauvegarde ».

« Le marché porteur de l’acier bas carbone sera reconnu dans la révision prochaine des marchés publics. Le pacte pour une industrie propre, que nous avons annoncé en février 2025, mobilisera plus de 100 milliards d’euros pour soutenir la décarbonation de notre industrie, et protéger les emplois », a défendu le commissaire français.

Le plan pour l’acier de l’UE, pas « au niveau »

Lors de la présentation du plan de l’acier européen le 20 mars, la Commission européenne a présenté un plan de défense qui prévoit notamment de réduire de 15 % les importations d’acier avec une révision de la clause de sauvegarde le 1er avril. La clause de sauvegarde est un instrument auquel l’Union européenne a recours depuis 2018 pour protéger ses producteurs d’acier, en taxant les importations excédant des quotas spécifiques attribués aux grands pays fournisseurs.

« Les sidérurgistes européens sont à la croisée des chemins », assurait la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, le 25 février, en promettant un plan pour « aider ce secteur à se décarboner et à prospérer à l’échelle mondiale ».

Embarquée dans une transition écologique coûteuse, la filière sidérurgique européenne est en difficulté depuis des années, plombée par la concurrence chinoise et les coûts de l’énergie. À cela vient s’ajouter l’épée de Damoclès de nouveaux droits de douane américains de 25 % sur l’acier, dégainés pour ré-équilibrer la balance commerciale entre l’Europe et les États-Unis.

La France a voté pour le plan européen pour l’acier, tout en indiquant qu’il n’était « pas au niveau » et qu’elle entendait demander une nouvelle révision de cette mesure de sauvegarde au trimestre suivant, pour aller plus loin dans la réduction des importations d’acier. Mais ces déclarations d’intention sur plusieurs mois n’ont pas suffisamment convaincu ArcelorMittal.

Le parallèle avec la fermeture d’ArcelorMittal en Afrique du sud

ArcelorMittal a annoncé en début d’année qu’il cesserait ses activités en Afrique du Sud, alors que l’afflux d’importations chinoises bon marché à travers le monde atteignaient désormais l’Afrique. « L’afflux constant d’acier chinois bon marché fait perdre des parts de marché aux fabricants locaux. Il en résulte des fermetures d’usines et des pertes d’emplois », a déclaré à Epoch Times Irvin Jim, dirigeant de l’Union nationale des métallurgistes d’Afrique du Sud.

Le PDG d’ArcelorMittal South Africa, Kobus Verster, déclarait à Epoch Times qu’il n’était plus rentable pour l’entreprise de produire de l’acier en Afrique du Sud. « Du fait de plusieurs facteurs, dont l’un est l’action de la Chine, la plupart des producteurs d’acier du monde sont aujourd’hui des entreprises déficitaires », a-t-il déclaré.

Justin Corbett, producteur d’acier sud-africain de longue date et membre de l’Institut de l’acier et du fer du pays, avait expliqué à Epoch Times que le ralentissement économique que connaît la Chine aurait dû entraîner une baisse correspondante de la production d’acier.

Mais « au contraire, le gouvernement chinois a continué à subventionner ses sidérurgistes pour qu’ils produisent encore plus d’acier et leur offre encore plus d’incitations à la production, et c’est cet excès d’acier que nous voyons aujourd’hui avoir un impact aussi dévastateur sur les industries sidérurgiques locales à travers le monde », a-t-il poursuivi.

En Afrique du Sud, ArcelorMittal a également été « durement touché » par la lenteur de la croissance économique, qui a entraîné un ralentissement de la demande en acier. « Si nous perdons cette capacité critique de production d’acier, je crains que nous ne perdions également les grandes usines de fabrication à forte intensité de main-d’œuvre lorsque ces grands constructeurs automobiles se délocaliseront vers d’autres territoires » a déclaré Justin Corbett.

Un état des lieux dont pourrait s’inspirer l’Europe, où tout l’appareil industriel était déjà impacté par le double effet d’une transition écologique coûteuse et du dumping chinois sur l’acier, avant l’arrivée des nouveaux tarifs douaniers américains. Les réactions en chaîne pourraient se succéder dans les chaînes d’approvisionnement, avec à la clé une baisse généralisée de la production et de la compétitivité, des fermetures d’usines délocalisées dans des pays moins chers, et des milliers de suppressions de postes.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.