Au Brésil, la résurrection d’une langue indienne ancestrale

Par afp
25 avril 2019 06:55 Mis à jour: 13 juillet 2019 12:27

Des centaines de langues indigènes ont disparu au Brésil depuis la colonisation, mais près de 200 sont encore parlées dans le pays et l’une d’entre elles a même été « ressuscitée » alors qu’elle n’avait plus qu’une seule locutrice.

Nelivaldo Cardoso Santana, professeur de linguistique à l’université fédérale du Para (UFPA) explique à l’AFP comment il a mené à bien ce projet qui a permis à environ 80 indiens Xipaya de la région du Xingu de s’exprimer à nouveau dans leur langue ancestrale:

Q: Quel est l’Etat de préservation des langues indigènes au Brésil?

R: « Le Brésil reste un pays multilingue, près de 200 langues sont parlées aujourd’hui dans notre pays. Les gens ont longtemps pensé qu’on ne parlait que le tupi et le guarani, les deux grandes langues autochtones les plus connues, mais il en existe bien d’autres, avec de nombreuses variantes. On estime qu’il y en avait plus de 3.000 avant l’arrivée des colonisateurs. Le contact avec les Européens a initié un processus de mort des langues indigènes. Mais curieusement, même certaines de ces langues qui ont disparu ont fini par laisser leur trace dans le portugais tel qu’il est parlé au Brésil – comme le mot « abacaxi » (ananas) par exemple ».

Q: Existe-t-il des moyens de sauvegarder ces langues?

R: « Nous sommes parvenus à « ressusciter » la langue des Xipaya du Para (Etat situé en Amazonie,) dans le cadre d’un projet de notre université. Ce peuple était dispersé, ils (les habitants) travaillaient pour la plupart comme ouvriers agricoles chez de grands propriétaires terriens. Ils se sont progressivement réunis dans les années 1990, ont obtenu un territoire pour s’installer, mais ne parlaient plus leur langue. Sauf une dame âgée: nous l’avons enregistrée en train de parler, de chanter et nous avons élaboré une grammaire élémentaire. Ensuite, les Indiens ont organisé eux-mêmes des ateliers de cuisine ou d’artisanat avec elle, donnant aux aliments ou aux plantes leurs noms dans leur langue ancestrale. Aujourd’hui, près de 80 Xipaya chantent dans cette langue lors de leurs festivités, formulent quelques phrases et l’utilisent aussi pour choisir les noms de leurs enfants. »

Q: Comment mener à bien l’enseignement de langues indigènes à l’école?

R: « Pour les Xipaya, nous avons commencé à former des professeurs indigènes pour qu’ils enseignent dans la langue, mais nous nous sommes rendu compte que cette stratégie n’était pas la meilleure. Pour que les enfants s’expriment vraiment en langue indigène, il faut qu’ils la parlent à la maison dès leur plus jeune âge, avec leurs parents. C’est pourquoi nous avons misé sur les ateliers pour les adultes, pour qu’ils parlent ensuite à leurs enfants. »

« En règle générale, il est important que les enseignants soient indigènes et formés à des méthodes d’éducation bilingues, avec des manuels scolaires adaptés. Mais pour cela, il faudrait une vraie volonté politique, qui fait défaut ici dans le Para, où les pouvoirs publics privilégient l’enseignement du portugais au détriment des langues indigènes ».

D.C avec AFP

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