Au Chili, controverse autour d’un projet minier à l’orée d’un « trésor » naturel

Par Epoch Times avec AFP
18 octobre 2021 13:20 Mis à jour: 18 octobre 2021 13:21

Moins connu que les Galapagos (Equateur) mais riche d’un écosystème tout aussi unique, l’archipel de Humboldt, au nord du Chili, est sous la menace d’un projet d’exploitation minière controversé: « crime environnemental » pour certains, assurance d’un « travail » pour d’autres. 

« La richesse que nous possédons n’est peut-être pas matérielle, mais elle est dans notre archipel, dans le fait de naviguer librement autour de nos îles », raconte à l’AFP Elias Barrera, 26 ans, troisième génération de pêcheurs et plongeurs dans ces eaux sombres du Pacifique sud.

« Les scientifiques du monde entier s’accordent à dire qu’il n’existe aucun autre endroit sur la planète comme celui-ci », abonde Carlos Gaymer, biologiste marin de l’Université catholique du nord.

Un « trésor » de biodiversité

En partie visible depuis la côte chilienne, composé de huit îles, dont trois sont une réserve naturelle protégée, l’archipel est un « trésor » de biodiversité, assure le chercheur.

Outre les manchots de Humboldt, une espèce menacée qui ne niche qu’au Chili et au Pérou, l’archipel abrite des chungungos, la plus petite loutre du monde en voie de disparition, et des centaines d’otaries et de grands dauphins qui nagent parmi les algues et les bancs de poissons.

Des milliers d’oiseaux

Ses eaux attirent des milliers d’oiseaux, qui prennent leur envol lorsque les baleines – jusqu’à 14 espèces différentes – remontent des profondeurs pour respirer.

Mais cette richesse naturelle est menacée par le projet « Minera Dominga », exploitation à ciel ouvert de cuivre et de fer située dans la région de Coquimbo, à 530 km au nord de Santiago.

Des manchots de Humboldt sont aperçus sur une île au large de Punta Choros, à La Higuera, au Chili, le 6 octobre 2021. Photo par Alberto PEÑA / AFP via Getty Images.

Quelque 2,5 milliards de dollars d’investissement sont prévus, indique sur son site internet Andes Iron, qui possède la concession et n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de l’AFP.

Usine de dessalement

Le complexe comprendrait notamment la construction d’une usine de dessalement et d’un port de chargement des minerais à Totoralillo, à tout juste 30 km de l’archipel.

« Destruction de notre culture ancestrale »

La construction de ce port, indispensable à la rentabilité du projet, est le principal point de dissension avec les défenseurs de l’environnement, mettant en péril, selon eux, les écosystèmes marins et terrestres de l’archipel.

C’est « la destruction de notre culture ancestrale, celle du peuple Chango qui prédomine depuis plus de 10.000 ans dans ces territoires, vivant de manière durable avec l’environnement », déplore Elias Barrera, en référence à ce peuple du nord du Chili.

Pour le directeur de Greenpeace Chili, Matias Asun, il s’agirait d’un « véritable crime environnemental ». « Réaliser un projet minier là-bas, même le meilleur projet qui puisse être, équivaut à installer une discothèque dans une maternité », juge-t-il.

Abrite des espèces en voie de disparition

Outre la faune marine, les environs du site abritent des guanacos, des renards du désert et des colonies de perroquets Tricahue, de grande taille et en voie de disparition.

Des phoques à Punta Choros, La Higuera, Chili, le 6 octobre 2021. Photo par Alberto PEÑA / AFP via Getty Images.

L’exploitation sur 22 ans prévoit une production annuelle de 12 millions de tonnes de fer et de 150.000 tonnes de cuivre. Andes Iron promet de créer 10.000 emplois directs et 25.000 indirects pendant la phase de construction et 1.500 emplois directs et 4.000 indirects pendant l’exploitation.

Début août, une commission d’évaluation environnementale a approuvé le projet malgré les protestations. Des recours ont été déposés devant la Cour suprême.

-Vue sous-marine de poissons à Punta Choros, La Higuera, Chili, le 7 octobre 2021. Photo de PABLO COZZAGLIO / AFP via Getty Images.

« C’est une formidable opportunité (…) au-delà de l’impact que cela peut avoir sur l’environnement, car tout projet a un impact », indique à l’AFP Yerko Galleguillos, le maire de La Higuera, village de 4.000 habitants, situé non loin du site.

Apporter la prospérité économique dans cette zone désertique

Sans eau potable, réseau d’assainissement ni supermarché, à La Higuera tous espèrent que le projet minier apportera la prospérité économique dans cette zone désertique.

« Il y a beaucoup de gens qui partent chercher du travail ailleurs, qui laissent leur famille. Si Dominga arrive, il y aura du travail pour tout le monde », approuve Johanna Yvonne Villalobos, une femme au foyer de 47 ans.

Un monolithe est visible près de l’endroit où sera construit le projet minier Dominga, à La Higuera, au Chili, le 5 octobre 2021. Photo par Alberto PEÑA / AFP via Getty Images.

Pour la biologiste Cristina Dorador, membre de l’Assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution, le modèle de développement du Chili, fondé sur l’exploitation des matières premières au détriment de la nature, doit changer.

La fin des « zones sacrifiées », ces espaces naturels où l’exploitation minière prime sur la défense de l’environnement, était d’ailleurs une revendication des manifestants lors de la contestation sociale de fin 2019.

Projet entaché de soupçons de corruption

« Nous devons développer des alternatives (…) pour que le Chili devienne une société de la connaissance et ne dépende pas des marchés extérieurs et de la demande en minerais », estime la biologiste.

Des pêcheurs et des habitants manifestent contre le projet de fer et de cuivre Dominga dans le secteur de la pêche de Punta Choro, à La Higuera, à environ 530 km au nord de Santiago, le 5 octobre 2021. Photo par Alberto PEÑA / AFP via Getty Images.

Ce projet est d’autant plus controversé qu’il est désormais entaché de soupçons de corruption mettant directement en cause le chef de l’Etat, Sebastian Piñera (2010-2014, réélu en 2017), objet d’une enquête et sous la menace d’une procédure de destitution lancée par l’opposition.

En cause, la vente en 2010 de Minera Dominga par une société appartenant à ses enfants à un de ses proches, dont la famille est actionnaire de Andes Iron. Or cette vente avait une condition: qu’aucune zone de protection naturelle ne soit déclarée sur le site du projet minier.


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