Les autorités japonaises sortent de leur silence concernant la fuite au Liban de Carlos Ghosn alors qu’il était en liberté sous caution

Par Tom Ozimek
6 janvier 2020 09:33 Mis à jour: 6 janvier 2020 21:48

Les autorités japonaises ont rompu leur silence sur l’évasion de l’ancien patron de Nissan, Carlos Ghosn, en rejetant que les raisons de sa spectaculaire évasion – alors qu’il était en liberté sous caution, était la crainte qu’il n’obtienne pas un procès équitable.

« Ce que cela montre est simple : il ne voulait pas se soumettre au jugement des tribunaux de notre pays et cherchait à éviter la punition de ses propres crimes », a déclaré le procureur général adjoint de Tokyo, Takahiro Saito, selon le Wall Street Journal. « Il n’y a aucune raison de justifier cet acte. »

Dans ses premiers commentaires publics officiels sur l’affaire, la ministre de la Justice du Japon, Masako Mori, a déclaré dimanche que la fuite de M. Ghosn au Liban était « injustifiable » et qu’il était soupçonné d’avoir utilisé « des moyens illégaux » pour quitter le pays, a-t-elle rappelé.

Selon le Wall Street, lorsque Carlos Ghosn s’est caché à bord d’une « flight case », une caisse destinée au transport des instruments ou des équipements audio, il était en liberté sous caution après des mois de détention prolongée. Il attendait son procès pour de multiples chefs d’accusation de malversations financières, allégations qu’il a toujours niées.

Carlos Ghosn se serait envolé à bord d’un jet privé de la ville japonaise d’Osaka pour Istanbul, en Turquie, puis dans un autre avion privé pour Beyrouth, au Liban.

En Turquie, cinq personnes ont été placées en détention provisoire après les arrestations jeudi de sept suspects dont quatre pilotes, un directeur de compagnie de fret et deux employés de l’aéroport, apparemment tous en relation avec l’évasion de Carlos Ghosn, a rapporté la BBC.

Junichiro Hironaka, avocat en chef de l’ancien président de Nissan Motor, Carlos Ghosn, s’adresse aux journalistes à Tokyo le 31 décembre 2019. (KAZUHIRO NOGI/AFP via Getty Images)

Les accusations

Carlos Ghosn a été arrêté pour la première fois en novembre 2018 ; la première inculpation fait état de dissimulation de revenus au fisc japonais. Selon la presse japonaise, l’ancien homme fort de Renault-Nissan est accusé d’avoir omis de déclarer 30 millions d’euros de revenus entre 2010 et 2015 et d’avoir sous-estimé son salaire sur une période de trois ans autour de 2015. L’ancien dirigeant français a déclaré que cette accusation concerne des revenus qu’il n’a pas reçus.

Puis la justice japonaise ajoute un nouveau motif d’inculpation, accusant Carlos Ghosn d’avoir fait couvrir par Nissan des pertes sur des investissements personnels. Ces pertes feraient suite à la crise financière de 2008. Ces pertes représenteraient un montant de 14,1 millions d’euros.

D’autres accusations d’abus de confiance concernent l’argent de Nissan qui aurait été détourné au profit de C. Ghosn à des fins personnelles, y compris des paiements à Oman et en Arabie Saoudite. Carlos Ghosn se défend par la lecture d’un document où il dit « avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l’approbation des dirigeants de la compagnie. »

Les procureurs japonais ont publié peu de détails sur ses accusations, en disant qu’ils le feraient au procès. S’il est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation, C. Ghosn pourrait être condamné à la peine maximale de 15 ans de prison.

M. Ghosn a clamé à plusieurs reprises son innocence, affirmant que les autorités japonaises avaient inventé de toutes pièces les accusations portées contre lui pour empêcher une éventuelle fusion plus complète entre Nissan Motor Co. et Renault.

Une capture d’écran d’une vidéo fournie par le cabinet d’avocats de Hironaka, montre l’ancien président de Nissan, Carlos Ghosn, s’exprimant le 9 avril 2019, avant son arrestation à Tokyo. (Bureau juridique d’Hironaka via Getty Images)

Système de justice « truqué »

Dans une déclaration mardi, il a dit avoir fui pour éviter la « persécution politique » par un « système judiciaire japonais truqué », affirmant : « Je n’ai pas fui la justice, je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique. Je ne suis plus l’otage d’un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité. »

Il a promis qu’il communiquerait librement avec les médias cette semaine.

Le ministre de la Justice du Japon a rejeté les allégations selon lesquelles la capacité de M. Ghosn à bénéficier d’un procès équitable au Japon était impossible.

« Le système de justice pénale de notre pays définit des procédures appropriées pour établir la vérité sur les affaires et est administré de manière appropriée, tout en garantissant les droits fondamentaux des individus. La fuite d’un accusé en liberté sous caution est injustifiable », a déclaré Mori dans un communiqué diffusé par le Japan Times.

Cette évasion a mis les autorités japonaises dans l’embarras et les a obligées à se justifier pour défendre le système judiciaire du pays.

Le taux de condamnation au Japon est supérieur à 99 % et les autorités peuvent détenir des suspects presque indéfiniment en attendant le procès. Les autorités japonaises ont fait valoir que de longues détentions sont justifiées pour recueillir des preuves et constituer un dossier solide contre les accusés.

« Il était donc nécessaire et inévitable de détenir l’accusé C. Ghosn afin de poursuivre une procédure pénale équitable et appropriée », ont déclaré les procureurs dans une déclaration citée par le Japan Times.

Son avocat en France, François Zimeray, a déclaré à la chaîne publique japonaise NHK TV qu’il était en contact fréquent avec Carlos Ghosn depuis son arrivée au Liban, et que l’ancien cadre semblait être animé d’un « esprit combatif ». M. Zimeray a déclaré que C. Ghosn était impatient de s’exprimer lors de la conférence de presse prévue la semaine prochaine.

Les procureurs japonais cités par le Japan Times ont insisté sur le fait qu’en fuyant à l’étranger, Carlos Ghosn a par ailleurs brisé le « serment » qu’il avait fait de rester dans le pays pour se défendre lors de son procès.

« Il voulait échapper à la punition de ses propres crimes. Il n’y a aucune raison de justifier cet acte », ont-ils tranché.

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