Birmanie: quand les couples se forment sur les barricades

Par Epoch Times avec AFP
30 juin 2021 11:10 Mis à jour: 30 juin 2021 11:30

Bars fermés, universités vides et applications de rencontres bloquées: en Birmanie, démarrer une histoire d’amour est devenu plus difficile depuis le coup d’Etat, mais un nouveau lieu de séduction a fait son apparition, la manifestation anti-junte.

Le pays est en proie au chaos depuis que les militaires ont renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi le 1er février, mettant fin à une parenthèse démocratique de dix ans et déclenchant une répression brutale contre les opposants.

Mais auprès d’une jeunesse élevée au biberon de la démocratie, allier amour et révolution est presque naturel entre colère et désespoir, amours naissants et relations brisées.

« Rencontrer quelqu’un lors d’une manifestation est très différent et je pense que c’est plus excitant », explique à l’AFP Zan, un étudiant de 19 ans qui a rencontré sa petite amie lors d’une manifestation pro- démocratie en février.

Le jeune homme l’a abordée en lui proposant des oranges, ils ont discuté et sont devenus amis sur Facebook quelques jours plus tard.

« Elle est partout avec moi »

Ils ont commencé à se rendre ensemble aux manifestations et la romance s’est épanouie au milieu des tirs, des pneus brûlés et du chaos de la répression de la junte.

« Nous avons toujours peur qu’on nous tire dessus. Nous pouvons être arrêtés, ou quelque chose peut arriver à tout moment », explique le jeune homme.

Le 8 mars, les amoureux l’ont échappé belle lorsque la police a soudainement forcé la barricade derrière laquelle ils s’abritaient, les faisant fuir vers une planque où ils ont dû se cacher pendant plusieurs heures.

Illustration- Un jeune couple se promène sur les rives du lac Inya à Yangon . Photo Soe Than WIN/AFP via Getty Images.

« Elle est partout avec moi » raconte-t-il. « Quand je dois m’enfuir, je dois aussi m’assurer qu’elle arrive en sécurité avec moi ».

Des histoires comme celle de Zan et sa petite amie ont donné naissance au hashtag #amouretrevolution pour raconter son histoire, partager un même ou une vidéo virale visant la junte, et accompagner son profil d’une affiche anti-junte ou d’un salut à trois doigts symbole de démocratie.

Retrouvé l’amour sur les barricades

Parfois, le coup d’Etat a aussi conduit à des ruptures. Comme dans le cas de Kay, jeune étudiant en droit de 23 ans, plutôt pro-armée, que sa petite amie, partisane d’Aung San Suu Kyi, a quittée peu après le coup d’Etat.

Kay s’était pourtant rangée « du côté du peuple », se rendant aux premières manifestations avec sa compagne, a-t-elle déclaré à l’AFP.

Fin mars, le jeune homme a appris que celle-ci avait retrouvé l’amour sur les barricades lors d’une manifestation violemment dispersée.

« J’ai pleuré pendant deux mois d’affilée. (…) Elle a décidé de quitter les mains qui l’ont chérie pendant cinq ans pour quelqu’un qui l’a embarquée dans une situation de vie ou de mort pendant la révolution. »

Plus de 870 civils ont été tués à travers le pays par la répression militaire, selon une ONG locale, et plusieurs milliers ont été emprisonnés.

 Le coup de foudre

Thel Nge et Ko Kaung – les deux noms sont des pseudonymes – se sont rencontrés mi-février après un appel à manifester à Rangoun sur Facebook.

Entre la jeune femme de 20 ans et le jeune homme de 25, c’est le coup de foudre, à tel point qu’ils sont aujourd’hui mari et femme.

Ils ont défilé ensemble sous un soleil de plomb et Thel Nge s’est senti en sécurité avec lui, lui veillant sur elle, s’assurant qu’elle avait assez d’eau et qu’elle rentrait chez elle saine et sauve.

« Il s’occupe toujours bien de moi dans ces moments-là et je me suis attachée à lui », raconte Thel Nge. Ils sont tombés amoureux et avaient convenu de se marier « une fois la révolution terminée », déclare-t-elle.

Mais la répression devenue brutale à Rangoun, ils se sont enfuis dans la province natale de Thel Nge, où ses frères et sœurs les ont convaincus de s’unir sans attendre.

Déjà « tant de souvenirs » en commun

De retour à Rangoun, Ko Kaung a repris les manifestations et a fini par être arrêté le mois dernier. Il est détenu depuis dans la tristement célèbre prison d’Insein.

Elle n’a pas revu son mari depuis et ne peuvent communiquer que par courrier.

Les manifestations, les courses pour échapper à la police, les moments passés à se cacher: ils ont déjà « tant de souvenirs » en commun.

« Je suis vraiment triste parce que nous sommes séparés alors que nous sommes un couple de jeunes mariés », déclare Thel Nge. « Chaque soir, je prie pour lui. »

 

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