Burkina Faso: l’effroyable travail des vidangeurs de fosses septiques

Par afp
7 décembre 2019 12:30 Mis à jour: 7 décembre 2019 12:42

Wendgoundin Sawadogo s’enfonce dans la fosse septique sans vêtement de protection puis cure les déchets à la main: au Burkina Faso, quelques centaines de travailleurs vidangent des fosses septiques dans des conditions effroyables et au péril de leur vie.

« C’est notre quotidien, on est habitué. Cela fait 15 ans que je fais ce métier sans grande protection même si on trouve souvent des morceaux de verres, de bouteilles, des seringues », sourit ce vidangeur de 45 ans, vêtu uniquement d’un jean coupé à hauteur des genoux, noirci par les eaux usées.

Il remplit un seau que son compagnon remonte à la surface trois mètres plus haut à l’aide d’une corde. Et cela pendant plus de deux heures. À Ouagadougou, plus de la moitié des trois millions d’habitants fait appel aux vidangeurs manuels, selon les chiffres fournis par la mairie.

Les vidangeurs ne sont pas vaccinés

« Nous travaillons dans des conditions précaires. La plupart des vidangeurs ne sont pas vaccinés et sont à la merci des déchets et objets coupants qu’on trouve dans les boues de vidanges », explique le président de l’association burkinabè pour l’assainissement et la sauvegarde de l’environnement, Alidou Bandé.

Ces ouvriers sont en contact direct avec des excréments humains et travaillent dans des espaces confinés et dangereux. Ils s’exposent à des maladies comme le choléra, la typhoïde, l’hépatite. Sans compter les risques de coupures qui peuvent provoquer tétanos, septicémies ou infections graves.

« Les gants et les bottes, ça nous empêche souvent de travailler et on finit par les retirer », reconnaît Issa Zongo, qui avoue être « régulièrement blessé par des objets tranchants ».

Vidangeur, depuis 13 ans

Âgé de 38 ans et père de deux enfants, il travaille en tant que vidangeur, depuis 13 ans, offrant ses services aux ménages.

« On vit au jour le jour », dit-il. Le montant de la rémunération pour ces services varie entre 15.000 et 25.000 francs CFA (22 et 35 euros), en fonction de la taille des fosses à curer, souligne Issa Zongo.

« C’est rien si on doit prendre soin de la famille, et se soigner », dit-il. « Notre métier n’est pas respecté. Même nos clients… Quand ils ont besoin de nos services ils se rendent comptent de notre utilité. On est régulièrement stigmatisé ».

« J’ai une fille de 11 ans dont les camarades se moquent parce que je suis vidangeur. Elle préfère dire que je suis ouvrier », explique Issa Zongo.

Pas de site de dépotage

« Avant, les vidangeurs manuels exerçaient clandestinement pendant la nuit. Maintenant on arrive à avoir des tricycles et à travailler la journée », se réjouit M. Bandé. Il y a toutefois un problème pour se débarrasser des déchets. « Nous n’avons pas de site de dépotage si bien que les vidangeurs continuent de dépoter dans la nature, soit en périphérie de la ville, soit dans les cours intérieures ». 

Quand ils sont pris en flagrant délit, les vidangeurs doivent « payer des amendes (12.000 francs CFA) », confie M. Zongo. On évite donc de se faire prendre « en allant le plus loin possible » pour jeter les déchets.

Selon le directeur de la salubrité publique et de l’hygiène de Ouagadougou, Saidou Nassouri, « il existe pourtant trois stations de dépotage à Zagtouli, Sourgbila, et Kossodo ».

« Ces stations sont hors de la ville, elles sont loin, ces vidangeurs n’ont pas les moyens matériels pour les atteindre alors ils dépotent dans la bande verte (autour de Ouagadougou) », reconnaît-t-il.

« Ce dépotage clandestin est vecteur de toutes sortes de maladies et nuisances » et « une police de la salubrité a été mise en place » pour y remédier, selon M. Nassouri.

Sites de dépotage éloignés de la ville

« Si on pouvait avoir des sites dans chaque arrondissement, les vidangeurs pourraient dépoter en attendant que les boues de vidange soient transportées vers les centres de traitement », suggère Alidou Bandé.

« Les vidangeurs sont marginalisés, oubliés, laissés pour compte », résume Alidou Bandé, qui lutte pour une reconnaissance de la profession, à travers l’association créée en 2012 et qui ne compte que 41 membres.

« Nous n’avons aucun document qui prouve qu’il s’agit bien de notre profession », regrette Wendgoundin Sawadogo. « Quand nous mourons, nous mourons. Nous partons avec notre seau et notre houe sans aucune reconnaissance, sans aucun document montrant à nos enfants qu’on a exercé un tel travail ».

« Ça me rend triste. Je ne veux pas que mes enfants fassent ce travail », soupire Wendgoudin, qui entend « descendre dans une fosse » tant qu’il le pourra.

 

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