Car-en-sac et Mint’Ho, caramels à un franc…

10 août 2015 11:20 Mis à jour: 15 août 2015 19:41

 

Édito – Le langage politique est précis : il ne faut surtout pas être pris à mentir. En même temps, il ne faut généralement surtout pas dire la vérité, parfois dans l’intérêt supérieur de la nation, parfois aussi seulement dans l’intérêt des représentants élus de la nation.

L’impeccable Jean-Yves Le Drian s’est engagé avec succès dans cet exercice de langage politique lorsqu’il a répondu la semaine dernière aux questions de nos confrères de RTL. Avant que le ministre de la Défense ne décolle à destination de l’Égypte, il était interrogé sur l’accord trouvé avec la Russie pour le remboursement des deux navires de guerre Mistral. La négociation avec la Russie avait été longue, tendue, à rebondissements : les négociateurs de Moscou en avaient par exemple annoncé la conclusion – et le chiffre final – le 30 juillet avant d’être démentis par François Hollande en personne. Suspense, comment les négociations allaient-elles se conclure ? Sur la proposition française de ne rembourser à la Russie que les sommes versées, soit 785 millions d’euros, ou sur l’exigence russe d’y ajouter les frais engagés pour accueillir les deux navires, ainsi que les coûts de formation du personnel militaire – 1,16 milliards d’euros au total ?

Toute la communication de l’Élysée depuis l’annonce de l’accord, le 6 août, se focalise sur le succès français, la France ne devant verser « aucune pénalité » et la Russie étant « exclusivement remboursée des sommes avancées ». Mais de quelles sommes au juste ? Monsieur Le Drian s’est bien gardé de communiquer sur le sujet, précisant que le montant exact « serait communiqué au Parlement ». Pour autant, ses mots sont clairs : « La France remboursera à la Russie l’ensemble des frais engagés pour l’acquisition » de ces porte-hélicoptères. « Leur prix initial était de 1,2 milliard d’euros. Le prix de l’accord, qui est le meilleur possible, sera inférieur puisque la Russie sera remboursée des engagements financiers qu’elle a pu mobiliser ». C’est un langage presque juridique : la France remboursera l’ensemble des frais engagés – et pas seulement l’avance versée –soit exactement ce que demandait la Russie : un peu moins d’1,2 milliard d’euros. Quand Monsieur Le Drian ajoute que la France rembourse moins que le « prix initial », il instille l’idée que la France a su négocier à la baisse et ne perdra pas beaucoup dans la transaction. Mais il dit en filigrane autre chose : le chiffre final annoncé par les négociateurs russes fin juillet était le bon, la France indemnisera de facto la Russie de près de 330 millions d’euros.

Il existe un terme non-politique pour décrire ce genre de résultat, s’il se confirme bien : une déculottée. Mais, plus important, alors que beaucoup d’articles de presse illustrent le sujet avec le titre de la chanson de Renaud, « Mistral gagnant », c’est une phrase de cette chanson qui décrit le mieux l’exercice de communication du gouvernement : « Donner à bouffer à des pigeons idiots… ». Le contribuable peut faire des efforts pour l’intérêt supérieur de la nation, quand il s’agit d’actes politiques justifiés – ici, freiner l’escalade militaire d’un régime considéré comme dangereux. En plus de perdre 1,2 milliard d’euros, il peut accepter que le maintien à quai des Mistral coûte chaque mois entre 1 et 5 millions d’euros. Mais cela demande d’être honnête avec lui, que le sens moral qui avait fait annuler la vente des Mistral ne soit pas à éclipses, et qu’on ne trouve pas soudainement plus respectables que la Russie des soutiens au terrorisme comme l’Arabie Saoudite et le Qatar.

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