Catalogne : et si Madrid prenait le contrôle ?

19 octobre 2017 14:00 Mis à jour: 19 octobre 2017 13:11

L’Espagne est un pays extrêmement décentralisé et la Constitution adoptée en 1978 confère aux 17 régions, les « Communautés autonomes », des pouvoirs étendus, en matière de santé et d’éducation par exemple, auxquels elles tiennent beaucoup.

L’article 155 stipule que « si une communauté autonome ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par la Constitution ou par d’autres lois, ou agit d’une manière qui porte gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le gouvernement (…) pourra adopter les mesures nécessaires pour l’obliger à respecter les dites obligations, ou pour la protection de l’intérêt général ».

Mariano Rajoy avait déjà suggéré qu’en cas de déclaration d’indépendance, quelle qu’elle soit, immédiate ou différée, le gouvernement pourrait suspendre l’autonomie de la région, qui avait dû y renoncer pendant les longues années de la dictature de Francisco Franco (1939-1975).

La mesure choquerait d’autant plus localement que c’est justement autour du débat sur les compétences de la Catalogne, meurtrie par l’annulation partielle en 2010 par la justice d’un statut lui conférant de très larges pouvoirs, que s’est nouée la crise actuelle.

Le chef du gouvernement ne peut pas unilatéralement déclencher l’article 155.

Il doit d’abord sommer le président de la région concernée de revenir à l’ordre constitutionnel, comme il l’a fait le 11 octobre.

Ensuite, faute de réponse satisfaisante, il s’adresse au Sénat pour qu’il l’autorise à suspendre tout ou partie de l’autonomie de la région une fois examinées les mesures qu’il entend prendre pour l’amener à « respecter ses obligations ».

Au Sénat, le parti de Mariano Rajoy est majoritaire et le soutiendra pour appliquer les mesures nécessaires. Il devrait aussi pouvoir compter sur le soutien du Parti socialiste.

Si les sénateurs entérinent à la majorité absolue les mesures proposées par le chef du gouvernement, il a les mains libres pour les appliquer. Ce feu vert pourrait intervenir début novembre, selon une source parlementaire.

Il faudra au préalable un débat en commission, où M. Puigdemont pourrait être convoqué avant d’arriver en séance plénière.

L’article 155 est vague. Il ne détaille pas les « mesures nécessaires » qui peuvent être prises.

Voici ce qu’en disent différents spécialistes du droit constitutionnel consultés par l’AFP:

– L’article 155 permettrait de « prendre le contrôle des organes politiques et administratifs de la Communauté autonome rebelle ».

– Des fonctionnaires et des élus peuvent être suspendus et remplacés: le président indépendantiste de Catalogne Carles Puigdemont pourrait donc être remplacé par le préfet de Catalogne, principal représentant de l’État dans la région.

– Le gouvernement central pourrait assumer les compétences dévolues à Barcelone, « comme l’ordre public ou les services publics ».

– Selon certains juristes, les mesures pourraient aller de la « suspension du gouvernement régional », au placement des Mossos d’Esquadra (police catalane) sous les ordres du ministère de l’Intérieur et même « à la fermeture du parlement régional ».

– Des élections régionales pourraient être organisées : Madrid devrait insister sur ce point pour rassurer les Catalans sur un retour à la normale à terme.

En Espagne le gouvernement dispose d’autres leviers qu’il pourrait activer si nécessaire. Il peut déclencher « l’état d’urgence », « l’état d’exception » ou encore « l’état de siège ».

Enfin, la loi de « sécurité nationale » promulguée en 2015 permet au gouvernement de décréter que le pays se trouve dans une « situation mettant en cause la sécurité nationale ».

Le gouvernement a déjà pris, en septembre, une mesure exceptionnelle : il a mis sous tutelle les finances de la région, administrant directement les fonds pour les dépenses essentielles, ce qui réduit considérablement la marge de manoeuvre de la Catalogne.

Reste aussi la réponse judiciaire : la Cour constitutionnelle a la faculté de suspendre de leurs fonctions des fonctionnaires ou élus qui ignoreraient ses arrêts. Et la justice a ouvert une enquête pour « sédition », qui pourrait déboucher sur des poursuites à l’encontre de M. Puigdemont et son entourage, voire leur placement en détention.

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