Ce qu’implique l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution

Par Ludovic Genin
25 novembre 2022 18:40 Mis à jour: 25 novembre 2022 20:01

L’Assemblée nationale s’est prononcée ce jeudi 24 novembre en faveur de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution à 337 voix contre 32. Cette écrasante majorité, composée également de voix du RN et de LR, peut s’expliquer par un droit à l’avortement déjà bien encadré en France par la Loi Veil de 1975 et que personne ne conteste.

À une différence près. L’article 2 de la Loi Veil garantit le « respect de tout être humain dès le commencement de la vie » et « il ne saurait être porté atteinte à ce principe ». Cela implique que l’avortement est considéré comme une dérogation face au droit à la vie, dans des circonstances particulières et dramatiques et afin d’éviter aux femmes d’avoir recours à des pratiques médicales désespérées.

L’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution risque, quant à lui, de faire de cette dérogation spéciale un droit absolu qui ne sera plus capable de protéger les femmes du traumatisme d’un avortement et du droit inaliénable des enfants à la vie.

Une mesure plus idéologique qu’humaniste

C’est la décision de la Cour suprême des États‑Unis d’annuler l’arrêt Roe vs Wade le 24 juin dernier qui a fait entrer en France le débat sur la constitutionnalisation du droit à l’avortement.

La situation en France est pourtant radicalement différente de celle des États‑Unis. S’il n’y a plus de loi fédérale régulant les avortements de l’autre côté de l’Atlantique, en France au contraire, l’avortement est encadré par des lois votées depuis 1975. Le faire rentrer dans la Constitution pourrait en faire un droit absolu sans prendre en compte la détresse des femmes y ayant eu recours et faire de la prévention.

En effet, selon un rapport de l’Association pour la santé mentale des enfants et des adolescents « 42% des femmes ayant avorté avant l’âge de 25 ans vivent une dépression. La moitié des femmes mineures ayant avorté souffrent d’idées suicidaires. Les femmes qui avortent ont trois fois plus de risques de subir des violences physiques, mentales ou sexuelles que les femmes qui ont mené à terme leur grossesse ».

Dans le sondage « Les Français et l’IVG » réalisé par l’IFOP, on apprend que 89% des Françaises reconnaissent que « l’avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes » et 72% estiment que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG ».

223.300 avortements en France en 2021 et un changement de population

Le  dernier rapport de la DREES publié le 27 septembre montre que le taux de recours à l’IVG reste stable, avec 223.300 interruptions volontaires de grossesse enregistrées en 2021 et un taux record de recours de 15,5 IVG pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans.

Dans l’article du Figaro intitulé « Les pratiques d’avortement sont‑elles en train de se métamorphoser en France ? » on apprend que ce sont les femmes en âge de construire une vie familiale qui recourent le plus à l’avortement à présent : « C’est parmi les femmes âgées de 20 à 29 ans que les IVG restent les plus fréquentes : le taux de recours s’élève à 24,8‰ parmi les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans et atteint 27,2‰ pour celles âgées de 25 à 29 ans. En 2021, les taux de recours diminuent pour toutes les femmes âgées de moins de 30 ans, tandis qu’ils augmentent légèrement pour celles de 30 ans ou plus. » Ce qui est un indicateur désastreux pour la démographie française.

En d’autres termes, le nombre d’avortements en France (qui le plus élevé en Europe) reste stable d’une année sur l’autre, mais on observe un changement de population avec une augmentation des moyens de contraception chez les plus jeunes femmes et une augmentation des IVG chez les femmes en âge de créer un foyer.

Les réactions au vote montrent l’opposition de deux idées

Nous avions déjà abordé dans un précédent article, la lettre envoyée par l’ECLJ (European Center for Law & Justice, Centre européen pour la justice et les droits de l’homme) à des députés de LFI avant le vote à l’Assemblée, avec jointe la reproduction d’un fœtus en plastique de 12 semaines, dont on voit clairement la formation des différents membres, la tête, le corps, les bras et les jambes.

Dans une interview donnée à Boulevard Voltaire, Grégor Puppinck, docteur en droit, co‑auteur du « Droit et prévention de l’avortement en Europe » et directeur de l’ECLJ déclarait que « lorsqu’un droit fondamental est absolu, cela signifie qu’il ne peut pas être limité, ni par les droits ou besoins d’autrui, ni par l’intérêt général. Les droits absolus sont très peu nombreux et sont en lien direct avec la dignité humaine. » Il apparaît primordial, selon lui, de rappeler la réalité première de cet acte qui « consiste à mettre fin à la vie d’un être humain ».

À l’inverse, la majorité au pouvoir et le groupe LFI ont parlé d’une « journée historique » pour la France. C’est une « victoire historique pour les femmes en France et dans le monde », s’est réjouie la cheffe de file des Insoumis, Mathilde Panot. Un « très grand geste », a salué le garde des Sceaux Éric Dupond‑Moretti, qui a dit son « émotion » après le vote.

Le passage au Sénat et l’ombre du référendum

Pour que la loi soit promulguée, il faut cependant qu’elle soit adoptée par le Sénat. Ce dernier avait déjà rejeté une proposition de loi constitutionnelle de l’IVG le 19 octobre.

Alors, dans les médias, plane la menace d’un référendum populaire si le Sénat refuse à nouveau, ce qui serait une première pour un gouvernement ayant évité jusqu’à présent d’ouvrir cette porte. À l’heure où certains Français se demandent s’ils vont pouvoir se chauffer ou se déplacer en voiture cet hiver, on peut s’interroger sur la priorité d’un tel référendum.

Il faudrait aussi se demander si, faire aussi rapidement de l’avortement un droit absolu n’aura pas plus de conséquences sur la détresse des femmes y ayant eu recours, ceci sans proposer de solution alternative et sans travailler sur les causes comme l’éclatement du modèle familial, la pauvreté ou les violences faites contre les jeunes femmes.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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