La Chine étend son influence au Nigeria avec la nouvelle administration du pays

Par Masara Kim
21 juin 2023 18:02 Mis à jour: 21 juin 2023 18:02

La Chine avance à grands pas dans le renforcement de sa présence au Nigeria grâce à la nouvelle administration du président Bola Tinubu, selon un homme politique nigérian.

Les premiers entretiens entre les responsables chinois et Bola Tinubu, qui a pris ses fonctions le 29 mai, indiquent que le Parti communiste chinois (PCC) cherche à étendre son ancrage dans la plus grande démocratie d’Afrique avec la mise en place du nouveau gouvernement, avertit Simon Mwadkwon, membre du Sénat nigérian, à Epoch Times.

« Je soupçonne quelque chose de sinistre dans le fait que la Chine soit allée si rapidement voir le nouveau président au début de son mandat afin de lui faire des offres », confie Simon Mwadkwon, le représentant du Plateau Nord.

« Ils ont pour objectif de dominer le monde, et le Nigeria est une cible stratégique pour atteindre ces objectifs en raison de sa population et de son influence en Afrique. »

Le président nigérian Muhammadu Buhari donne une interview à l’Agence France Presse à son hôtel lors du 25e Sommet africain à Johannesburg le 14 juin 2015. (Mujahid Safodien/AFP/Getty Images)

« L’administration précédente du président Muhammadu Buhari a contracté des prêts auprès de la Chine sans se soucier des détails, augmentant le niveau d’endettement du Nigeria vis-à-vis de la Chine au-delà du raisonnable, et les autorités chinoises cherchent à renforcer cet état de fait. »

Le 31 mai, l’envoyé spécial de la Chine au Nigeria, Peng Qinghua, qui est également vice-président du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire de Chine, s’est entretenu avec Bola Tinubu à la State House d’Abuja (Nigeria), lors d’une réunion cruciale.

Bien que les détails des discussions ne soient pas divulgués, les médias locaux rapportent que Peng Qinghua a informé Bola Tinubu avant la réunion à huis clos que la Chine est prête à renforcer la coopération économique avec le Nigeria, compte tenu de son rôle important en Afrique et sur la scène mondiale.

Cette réunion était la deuxième entre Bola Tinubu et des responsables chinois depuis son élection le 25 février.

Lors d’un séminaire à l’université d’Abuja le 5 avril, l’ambassadeur de Chine au Nigeria, Cui Jianchun, a révélé qu’il avait eu des discussions avec Bola Tinubu et le vice-président élu Kashim Shettima.

Cui Jianchun a souligné l’importance d’accroître la productivité au Nigeria et a fait part de ses efforts pour attirer les investissements chinois et faciliter l’exportation de produits nigérians vers les marchés chinois.

L’ambassadeur a fait allusion à des projets d’expansion du financement par emprunts du Nigeria par la Chine, reconnaissant les bases solides établies par Muhammadu Buhari pour l’administration Tinubu à venir.

Colonie chinoise

En janvier, la Chine a inauguré un port en eau profonde « qui change la donne » à Lagos, la plus grande ville du Nigeria.

Le port, évalué à 1,5 milliard de dollars, est détenu à 75% par la China Harbour Engineering Company et le Tolaram Group, avec des participations moindres détenues par le gouvernement de l’État de Lagos et la Nigerian Ports Authority.

Epoch Times a fait état de préoccupations concernant l’utilisation potentielle du port pour des attaques militaires contre les États-Unis.

Le port est l’un des nombreux projets d’infrastructure appartenant à la Chine au Nigeria, dont au moins 11 sont financés par des prêts de Pékin au gouvernement nigérian, selon Simon Mwadkwon.

Avec plus de 3,9 milliards de dollars de dette bilatérale envers la Chine, selon le Bureau de gestion de la dette, le Nigeria est le sixième bénéficiaire des prêts chinois en Afrique.

Un rapport de 2022 de l’Association internationale de développement de la Banque mondiale montre que la Chine représente 66% des paiements du service de la dette du Nigeria.

« J’ai peur pour le Nigeria si des mesures urgentes ne sont pas prises pour revoir tous les prêts que le Nigeria a contractés jusqu’à présent auprès de la Chine, pour examiner leurs conditions et l’état actuel de leur remboursement, et pour les compenser immédiatement par tous les moyens et nous sortir du stratagème de la Chine visant à faire de nous l’une de ses colonies, comme elle a tenté de le faire en Ouganda et au Sri Lanka », révèle Simon Mwadkwon.

Simon Mwadkwon a été récemment élu au Sénat après deux mandats à la Chambre des représentants du Nigeria.

Stratégie du piège de la dette

En août 2020, Simon Mwadkwon a fait partie des représentants qui ont demandé une révision des conditions dans lesquelles la Chine fournit de l’aide au Nigeria, afin d’éviter le piège de la dette.

Cette décision a été prise après la découverte d’une clause suspecte dans un accord de prêt commercial de 500 millions de dollars US signé le 5 septembre 2018 entre le ministère fédéral des Finances et la Banque d’exportation et d’importation de Chine pour le projet Nigeria National Information and Communication Technology Infrastructure Backbone Phase II Project (Projet de la phase II de l’infrastructure nationale des technologies de l’information et de la communication).

Les parlementaires ont fait valoir que la précédente administration Buhari avait abandonné la souveraineté du Nigeria à la Chine en signant l’accord.

La clause stipule ce qui suit : « L’emprunteur [c’est-à-dire l’État du Nigeria] renonce irrévocablement à toute immunité, souveraine ou autre, pour lui-même et ses biens, dans le cadre de toute procédure d’arbitrage en vertu de l’article 8(5), et de l’exécution de toute sentence arbitrale qui en découle, à l’exception des biens militaires et des biens diplomatiques ».

L’ancien ministre nigérian des transports, Rotimi Amaechi, a admis que la levée de l’immunité visait à permettre à la Chine de s’approprier les actifs nationaux en cas de défaut de paiement.

« La levée de l’immunité signifie simplement, en langage commercial, que je ne vous accorde pas ce prêt gratuitement », a expliqué Rotimi Amaechi. « C’est comme si vous alliez prendre un prêt à la banque et que, dès que vous ne payez pas, elle s’en prenne aux actifs que vous avez déposés.

Selon The Diplomat, des clauses de ce type semblent être la norme dans les contrats de prêt chinois.

Cette stratégie présumée de piège de la dette a tiré la sonnette d’alarme au niveau mondial.

Le Sri Lanka aurait cédé à la Chine le contrôle d’un port stratégique situé sur sa côte méridionale dans le cadre d’un contrat de location de 99 ans, après avoir échoué à rembourser un prêt chinois de 1,1 milliard de dollars en 2018.

Des inquiétudes similaires ont surgi en Ouganda lorsque la Chine aurait pris le contrôle de l’aéroport international d’Entebbe et d’autres actifs en raison de défauts de paiement de prêts.

La Chine a nié ces allégations.

Cependant, la nation communiste est restée réticente à l’idée d’effacer la dette et de révéler le montant des prêts qu’elle a accordés pour permettre à d’autres prêteurs importants de l’aider, selon l’Associated Press.

Même lorsqu’elle a annoncé en août 2022 qu’elle renonçait à 23 prêts en faveur de 17 pays africains, la Chine n’a pas précisé les pays ni le montant de la remise de dette.

La Voix de l’Amérique (VOA : le service de diffusion internationale par radio et télévision du gouvernement américain) rapporte que cette soi-disant remise de prêts est la dernière accordée par la Chine à des pays africains depuis 2000, et qu’elle ne concerne que les prêts qui arrivent à leur terme et dont le solde est faible.

Appels à des contre-accords

Grâce aux importantes économies attendues grâce à la suppression du système de subventions pétrolières de plusieurs millions de dollars, ainsi qu’à une économie de services en plein essor, les analystes qui se sont exprimés dans Epoch Times affirment que le Nigeria a le potentiel pour s’extraire du piège de la dette de la Chine.

Toutefois, cela nécessiterait des interventions de la part des puissances occidentales, affirment-ils.

Teniola Tayo, chercheur en politique commerciale à l’Africa Policy Research Institute, affirme à Epoch Times que « les prêts chinois ont joué un rôle dans le financement des infrastructures [au Nigeria] et pourraient continuer à le faire. »

« La Chine a un avantage dans la construction et le financement de projets d’infrastructure [sous la nouvelle administration] », écrit-il dans un SMS.

« Mais je pense que le nouveau gouvernement explorera d’autres possibilités de financement des infrastructures, à condition que d’autres partenaires lui soumettent des propositions. »

Le meilleur pari pour le Nigeria est d’approcher ses alliés occidentaux avec ce que la Chine offre et de négocier un contre-accords, explique l’analyste américain et ancien candidat au Congrès de l’Illinois, Sargis Sangari, à Epoch Times.

Cela est d’autant plus vrai que l’objectif principal de la Chine est d’utiliser le Nigeria pour obtenir une empreinte stratégique en Afrique et vaincre les États-Unis et d’autres pays alliés sur ce continent, estime Sargis Sangari, qui est également un lieutenant-colonel à la retraite de l’armée américaine.

« C’est au Nigeria de décider s’il veut rester avec l’Occident du côté de la démocratie ou avec un gouvernement qui massacre son propre peuple », conclut-il.

« Le Nigeria doit être conscient du fait qu’en acceptant l’argent chinois, il est asservi à la Chine. »

« À l’avenir, la Chine commencera à repérer des Nigérians et à investir dans leur formation pour qu’ils accèdent à des postes de direction, contrôlent l’armée et fassent avancer la cause du parti communiste au Nigéria ».

« Ces dirigeants prendront des décisions militaires pour le compte de de la Chine. »

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