Le Nigeria frappé par une série de meurtres pour blasphème

Par Masara Kim
15 juin 2022 18:56 Mis à jour: 15 juin 2022 18:56

Une vague croissante d’attaques pour blasphème par des extrémistes islamiques au Nigéria a suscité la colère et menacé de diviser la nation la plus peuplée d’Afrique.

Les 12 mai et 4 juin derniers, deux lynchages macabres commis par la foule pour des allégations de blasphème ont mis le pays en émoi et suscité des appels à une action mondiale.

Selon les médias, près d’une douzaine de personnes ont été tuées pour blasphème présumé au Nigeria ces dernières années. Aucun des auteurs de ces crimes n’a été traduit en justice.

Les spécialistes qui se sont adressés à Epoch Times craignent que la pratique de la condamnation à mort pour blasphème présumé par des extrémistes islamiques n’aggrave la vague d’anarchie qui écume le pays.

Le 5 juin, au moins 40 chrétiens ont été tués et 87 blessés lors d’un massacre dans l’État d’Ondo, dans le sud‑ouest du pays, selon VOA News.

Fidèles chrétiens lors d’une marche dans les rues d’Abuja au cours d’une prière et d’une pénitence pour la paix et la sécurité au Nigeria, à Abuja, le 1er mars 2020. (Kola Sulaimon/AFP via Getty Images)

L’inspecteur général de la police nigériane, Usman Alkali, a déclaré dans un communiqué que des hommes armés utilisant des fusils AK‑47 et des engins explosifs ont piégé les fidèles de l’église catholique Saint François Xavier dans la ville d’Owo pendant une messe matinale.

L’attaque, qualifiée d’« odieuse » par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, est survenue quelques heures après qu’une horde de musulmans a lynché un membre d’un groupe local de surveillance civile, Ahmad Usman, dans la capitale Abuja.

Ahmad Usman, un musulman, a été battu et lapidé à mort et son corps incinéré par une foule dans la banlieue de Lugbe le 4 juin, selon les médias locaux.

Josephine Adeh, porte‑parole de la police d’Abuja, a déclaré au journal The Punch que la foule, dirigée par un religieux musulman, avait accusé Ahmad Usman de blasphème.

En date du 6 juin, la police a arrêté 15 suspects liés à ce crime.

Cependant, le lynchage similaire d’une étudiante chrétienne, Deborah Emmanuel, dans l’État de Sokoto (nord‑ouest), le 12 mai, n’a pas suscité autant d’attention de la part de la police.

Deborah Emmanuel, une étudiante de deuxième année du Shehu Shagari College of Education de Sokoto, a été battue et lapidée à mort par ses camarades de classe musulmans pour avoir prétendument blasphémé contre le prophète Mahomet.

De multiples témoins ont confirmé que la police de la ville de Sokoto a évité d’intervenir pendant les quatre heures qu’a duré l’attaque dans les locaux du collège. Parmi les témoins, figure une camarade de classe, interrogée par Epoch Times, qui a été torturée avec Deborah pendant des heures mais a survécu à cette épreuve.

Un membre de la Chambre des représentants du Nigeria, Simon Mwadkwon, a accusé la police de complicité.

« Leur devoir est de protéger la vie de tous les citoyens, mais juste devant eux, quelqu’un a été lynché et incendié et ils n’ont rien fait », a déclaré Simon Mwadkwon à Epoch Times lors d’un appel téléphonique.

Des personnes passent devant un panneau dans l’un des points chauds les plus violents de la route Congo-Russie à Jos, au Nigeria, le 15 mai 2021. Pendant des années, la ville centrale de Jos a été le théâtre de conflits ethniques opposant les jeunes chrétiens et musulmans lors d’affrontements dans leurs quartiers rivaux. Mais les dirigeants de la communauté se sont tournés vers le football et la musique pour dépasser les clivages dans le cadre d’un programme qui a réussi à instaurer la confiance et à restaurer la paix. (Kola Sulaimon/AFP via Getty Images)

Un ancien ministre nigérian et avocat des droits de l’homme, Femi Fani‑Kayode, a également qualifié l’action de la police d’inacceptable.

« Cela soulève des inquiétudes très sérieuses qui doivent être examinées et des questions devront recevoir des réponses », a déclaré pour Epoch Times Fani‑Kayode lors d’un appel téléphonique.

Jusqu’à présent, la police n’a arrêté que deux des dizaines de personnes qui ont participé à la lapidation. Les suspects ont été inculpés de « conspiration criminelle et d’incitation à des troubles publics ».

Suite à la gestion lamentable de l’incident de Sokoto par les autorités nigérianes plusieurs attaques similaires sont survenues.

Entre le 20 et le 27 mai, une personne aurait été tuée et au moins 30 autres blessées par des foules musulmanes dans l’État de Bauchi (nord‑est du pays) après la mise en cause d’un résident chrétien pour blasphème.

Un journaliste de Bauchi, Bulus Wachakshi, a déclaré à Epoch Times que les attaques avaient eu lieu à Katanga, dans la zone de gouvernement local (LGA) de Warji, le 20 mai, et à Yelwa, dans la LGA de Bauchi, les 26 et 27 mai.

La violence représente « une manifestation inquiétante de la persécution dans les rues [par des hordes] en plus de la persécution des sectes [par les groupes terroristes] et de la persécution de l’État [par le gouvernement] » dans le pays, selon une lettre des avocats nigérians en Amérique adressée au secrétaire d’État américain Anthony Blinken.

La lettre, qui a été signée par avocat des droits de l’homme Emmanuel Ogebe et 16 autres personnes et partagée avec Epoch Times, appelle spécifiquement le gouvernement américain à intervenir pour que justice soit faite concernant le meurtre de Deborah Emmanuel.

L’Association du barreau nigérian avait annoncé l’annulation de sa conférence annuelle, qui devait se tenir à Sokoto le 30 mai, à la suite du meurtre. Cette décision s’ajoute à la marche nationale organisée par l’Association chrétienne du Nigeria le 22 mai.

Maisons et voitures rasées par la foule suite à un prétendu blasphème par un habitant de Bauchi, le 27 mai 2022, dans l’État de Bauchi, au nord-est du Nigeria. (Avec l’aimable autorisation de Bulus Wachakshi)

Le lynchage a remis d’actualité des meurtres similaires dans le pays qui sont restés impunis. Les médias locaux ont rapporté près d’une douzaine de cas de ce type au cours des dernières années.

En 1995, un groupe de musulmans a fait irruption dans un poste de police pour faire sortir de sa cellule un résident chrétien, Gideon Akaluka, et l’a décapité pour blasphème. La police avait placé Gideon Akaluka en détention parce que sa femme aurait utilisé des pages du Coran pour essuyer son bébé.

Le 14 juillet 1999, dans un village appelé Randali, dans l’État de Kebbi, une horde musulmane a décapité un habitant de la région, Abdullahi Umaru, en raison d’allégations de blasphème.

En 2006, une institutrice nommée Florence Chuckwu a été tuée avec 20 autres chrétiens à Bauchi après avoir demandé à un élève d’arrêter de lire le Coran en classe alors qu’elle enseignait l’anglais.

Le 21 mars 2007, dans l’État de Gombe, une bande de jeunes musulmans a attaqué une chrétienne, Christianah Oluwatoyin Oluwasesin, mère de deux enfants, qui aurait touché et souillé le Coran.

En septembre 2007, une horde musulmane de la ville de Kano a tué neuf chrétiens, brûlé plusieurs églises et détruit les maisons de plusieurs autres personnes après la découverte d’un dessin de Mahomet prétendument réalisé par des étudiants chrétiens.

Le 4 février 2008, une autre horde de musulmans a rasé un poste de police à Bauchi. La police protégeait une femme chrétienne accusée d’avoir profané le Coran.

Le 9 août 2008, une horde musulmane à Kano a battu à mort un musulman de 50 ans qui aurait blasphémé contre Mahomet.

En juin 2016, une commerçante chrétienne, Bridget Agbahime, a été décapitée par une foule musulmane à Kano après avoir demandé à un homme qui tentait de prier devant sa boutique de se déplacer.

Moins d’un mois plus tard, une évangéliste chrétienne, Eunice Olawale, a été tuée par une foule musulmane pour avoir prêché sur Jésus dans les rues de Kaduna.

En mars 2021, un vendeur d’eau connu sous le nom de Talle Mai Ruwa a été extirpé d’un poste de police à Sade, Bauchi, où il était détenu. Il a été battu à mort par une foule pour avoir prétendument insulté Mahomet.

Aucun de ces meurtres n’a donné lieu à des poursuites fructueuses, selon le militant international des droits humains Dimeji Thompson, qui a participé à des poursuites dans des affaires de blasphème au Nigeria.

« Il y a quelque chose dans le système qui est complice », a fait remarquer M. Thompson à Epoch Times lors d’un appel téléphonique.

Andrew Boyd, militant britannique des droits religieux, craint une propagation de l’anarchie pouvant conduire à des troubles civils dans le pays. À moins que les autorités nigérianes n’agissent pour empêcher la violence « croissante » contre leurs propres citoyens.

« Les gouvernements internationaux doivent déployer leurs armes et s’engager ; ils doivent prendre des mesures urgentes pour persuader le Nigeria d’agir de manière décisive afin d’empêcher la propagation de cette violence, que celle‑ci soit perpétrée au nom de l’intolérance islamiste ou de l’anarchie la plus totale », a écrit Andrew Boyd à Epoch Times par mail.

Le 18 mai, Lord Ahmad of Wimbledon, porte‑parole du gouvernement britannique, a reconnu que les attaques contre les minorités religieuses pouvaient déchirer l’une des plus anciennes démocraties d’Afrique.

Lord Ahmad répondait à une présentation de la baronne Caroline Cox, membre du Parlement, qui déplorait le meurtre de plus de 4400 chrétiens au Nigeria en l’espace de neuf mois en 2021.

Mme Cox a déclaré que la réaction du gouvernement britannique a été « vraiment insuffisante ».

Ces crimes menacent de s’étendre à l’Occident si rien n’est fait pour les arrêter, a écrit le militant américain des droits de l’homme Judd Saul.

« L’Occident doit se soucier du sort des chrétiens d’Afrique, car ils sont le seul obstacle à un califat musulman africain », a écrit Judd Saul dans un SMS adressé à Epoch Times.

« Lorsque l’Afrique tombera entre les mains des terroristes, imaginez la quantité de ressources qui seraient à la disposition des ennemis de l’Occident », a ajouté Judd Saul.

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