« Comme un animal » : une mère décrit les 700 jours de détention dans un camp de travail chinois pour sa croyance

Par Rita Li
9 avril 2021 20:10 Mis à jour: 11 avril 2021 07:42

Il y a presque deux décennies, Wang Ying a été condamnée à deux ans de travaux forcés pour n’avoir rien fait de plus que de transporter deux livres pacifiques dans ses bagages dans un train pour rentrer chez elle.

« Montrez-moi votre billet. […] Lequel est votre bagage ? » Un membre du personnel s’est approché de Wang le matin du 3 octobre 2002, pour tenter de connaître son identité. C’est la position assise jambes croisées de son compagnon qui a éveillé les soupçons du membre du personnel.

Il a fini par trouver deux livres de Falun Gong, dont des millions avaient déjà été brûlés ou jetés à la poubelle sur ordre du Parti communiste chinois (PCC).

Le Falun Gong, également connu sous le nom de Falun Dafa, est une pratique spirituelle originaire de Chine, comprenant cinq exercices lents, dont une méditation assise, et des enseignements moraux fondés sur les principes d’Authenticité, Bienveillance et Tolérance.

Cette pratique comptait 70 à 100 millions de pratiquants en Chine en 1999, selon les estimations officielles de l’époque, mais a ensuite été brutalement réprimée par le régime chinois qui se sentait menacé par sa popularité croissante. Depuis juillet 1999, des millions de personnes ont été détenues dans des prisons, des camps de travail et d’autres installations, selon le Falun Dafa Information Center.

Wang, une enseignante universitaire qui pratiquait le Falun Gong depuis 1996, a été contrainte de quitter sa maison de Pékin et son jeune fils en 2001, après que les autorités l’ont menacée de l’envoyer dans un centre de lavage de cerveau.

N’ayant pas vu son enfant depuis plus d’un an, Wang a décidé de retrouver sa famille à Pékin. Cependant, la police locale l’a arrêtée et placée en détention immédiatement après l’arrivée du train dans la ville.

Après cela, le fils de Wang, âgé de 4 ans, s’est fait dire que sa mère était « en voyage d’affaires ». Mais il avait toujours du mal à comprendre pourquoi ses camarades de jeu à l’école maternelle pouvaient être récupérés par leur mère après l’école, alors que lui n’avait que des grands-parents, a déclaré Wang, qui réside désormais en Australie, dans une entrevue accordée à Epoch Times.

« Quand je suis revenue [après avoir été libérée de prison], mon enfant, il me suivait partout où j’allais, mais il ne disait ni ‘Maman’, ni un seul mot », s’est-elle souvenue.

« Il n’avait plus l’habitude de le faire. »

Wang Ying a fui en Australie avec son fils le 26 janvier 2008. (Avec l’aimable autorisation de Wang Ying)

« Même pas un humain »

Wang a été séparée de ses proches pendant plus de 700 jours. Le temps a filé à toute allure pour Wang pendant sa détention. « Vous n’êtes même pas un être humain. Vous êtes comme un animal », a-t-elle déclaré.

Le 23 novembre 2002, après la condamnation de Wang, elle a été escortée du centre de détention au service de répartition, où les détenus restaient avant d’être envoyés dans différents camps de travail. À son arrivée, elle a été obligée de s’accroupir face au mur pendant une longue période et a été soumise à une fouille complète et humiliante par les gardiens de prison.

« Avant le repas, vous devez chanter une chanson pour remercier le Parti communiste, puis prendre un bol et vous accroupir, en attendant d’être servi », a-t-elle raconté.

« En marchant, vous devez garder la tête basse et marcher le long du mur latéral, pas au milieu. C’est leur règle. »

Lorsqu’ils passaient devant les gardes, les détenus devaient s’arrêter et dire « Salutations, Capitaine ».

« Il y a une fois où j’ai oublié de m’arrêter. J’ai été punie à genoux sur le sol et à copier les règles du camp sur un petit banc en fer », raconte Wang.

Payée un centime par jour

En janvier 2003, elle a été envoyée au Camp de travail pour femmes de Pékin.

Construit en octobre 1999, le Camp de travail pour femmes de Pékin ne détenait que 100 à 200 personnes, principalement des toxicomanes et des prostituées en juillet 2000. Mais à la suite de la persécution du Falun Gong, leur nombre est passé à près de 1 500 en 2002. Six des sept unités étaient consacrées à la persécution du Falun Gong, selon Minghui, un site Web américain qui documente la persécution.

Pendant des mois, Wang a été contrainte de travailler de 6 heures à 21 heures presque tous les jours pour tricoter à la main des articles d’exportation, notamment des gants, des pulls et des bonnets. Parfois, elle n’était pas autorisée à dormir avant d’avoir terminé son travail.

Ces commandes étaient passées par des entreprises chinoises, qui sous-traitaient aux camps de travail à bas prix pour faire de gros bénéfices.

Il fallait à Wang une journée entière pour tricoter une paire de gants. Cependant, la rémunération était négligeable, seulement un centime (0,0013 €) par paire.

« Le gouvernement vous paie », lui a dit un policier du camp. « Vous devriez être reconnaissante. Nous ne pourrions rien vous payer. »

Après sa libération en août 2004, Wang a reçu un message du camp lui demandant de venir récupérer le salaire non versé : 10 centimes (0,013 €) au total.

En plus de la fabrication de produits bon marché, tous les prisonniers, quel que soit leur âge, devaient effectuer un certain nombre de travaux agricoles, notamment la construction de serres, le défrichage de terres agricoles non cultivées, le désherbage et la fertilisation.

En général, les détenus n’avaient pas d’eau chaude pour se laver, mais seulement une serviette humide pour se nettoyer le corps. Wang était autorisée à prendre une douche une fois par mois ou deux mois.

Wang a dit qu’elle a pu persévérer malgré la douleur physique en s’accrochant à sa foi.

La souffrance psychologique

C’est la torture mentale sans fin, plutôt que l’effort physique, qui a poussé Wang au bord du gouffre. « Ils vous brisent et vous forcent ainsi à abandonner. C’est leur but : vous ‘transformer’ », dit-elle.

Ce terme « transfirmation », inventé par le PCC, consiste à contraindre les pratiquants de Falun Gong à abandonner leur croyance par des menaces, des souffrances et des lavages de cerveau. De nombreux pratiquants détenus ont été contraints d’écrire des déclarations de « transformation » pour renoncer à leurs croyances.

Un responsable de camp de travail qui parvient à « transformer » un grand nombre de pratiquants sera honoré comme un « travailleur modèle », une désignation directement liée à des primes et à des possibilités de promotion, selon Wang.

Pour atteindre un « taux de transformation de 100 % », le camp de travail vise à détruire la croyance des pratiquants en écrasant leur esprit.

Lorsqu’elle est arrivée au camp, Wang n’a pas été autorisée à dormir pendant plus d’une semaine.

Elle a été obligée de rester assise, immobile, sur un petit tabouret dans une cellule de prison, 24 heures sur 24, tandis qu’un prisonnier montait la garde. « Le seul moment où je pouvais me lever, c’était lorsque j’allais aux toilettes sous la surveillance d’un gardien », a déclaré Wang.

Une fois la volonté de la victime épuisée, les pratiquants sont contraints de signer ce que l’on appelle les « trois déclarations » pour renoncer à leur foi : une déclaration de garantie, une déclaration de repentir et une déclaration de dissociation.

Pourtant, c’est loin d’être la fin. « Vous pensez que c’est fini, mais ça ne fait que commencer », a déclaré Wang.

Elle a fini par signer les déclarations, ce qui a déclenché un tout nouveau processus appelé « rééducation ».

Pendant la « rééducation », les pratiquants étaient forcés d’assister à des séances de lavage de cerveau, de regarder des vidéos de propagande, d’écrire des « rapports de pensée » reflétant leurs états d’esprit, et de rompre mentalement leur relation avec le Falun Gong et son fondateur en les critiquant publiquement, ce qui était enregistré sur vidéo pour être utilisé dans la future propagande du PCC.

« Le fait de maudire et de calomnier [sa croyance] encore et encore était ce qui causait le plus de souffrance [parmi les détenues] », a déclaré Wang, ajoutant qu’elle a vu de nombreux pratiquants souffrir de troubles mentaux à cause de cela.

« La mort spirituelle »

L’expérience de Wang lui a ouvert les yeux sur la tragédie qui frappe une personne lorsqu’elle est contrainte de trahir sa conscience.

Elle a déclaré que la « mort spirituelle » est fatale pour les êtres humains.

De nombreux pratiquants qui se sont « convertis » ont été contraints de mentir et même de frapper des camarades afin de prouver qu’ils avaient complètement renoncé au Falun Gong.

« Plus vous maudissiez durement, mieux vous étiez ‘transformé’ », a déclaré Wang.

Le but de cette cruauté était de « détruire une personne spirituellement », a-t-elle ajouté. « Vous savez que [la pratique] est bonne, mais vous êtes obligé de mentir contre votre cœur. »

Au final, certaines personnes finissent par développer « deux visages », selon Wang.

Elle pense que la désolidarisation mentale pourrait être la conséquence de la désolation spirituelle.

Wang Ying et son fils participent à la célébration de la Journée mondiale du Falun Dafa après avoir fui en Australie. (Avec l’aimable autorisation de Wang Ying)

Wang a fui en Australie avec son fils le 26 janvier 2008.

La première fois qu’elle a participé à un exercice de groupe avec des pratiquants de Falun Gong locaux dans un jardin extérieur, elle a été émue aux larmes. « Je n’aurais pas vu cela du tout [en Chine continentale] », a déclaré Wang.

« Mon enfant a commencé à s’extérioriser », a déclaré Wang en souriant. « Il aimait beaucoup ses nouveaux uniformes scolaires. »

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