Crise entre Kiev et Varsovie: « un acte de désespoir » s’excuse Varsovie pour l’incident des céréales ukrainiennes déversées

Par Vincent Solacroup
13 février 2024 17:40 Mis à jour: 13 février 2024 22:34

Le déversement de céréales ukrainiennes sur la route par des agriculteurs polonais protestant à la frontière entre les deux pays a provoqué l’ire en Ukraine et exacerbé les tensions entre Kiev et Varsovie, dont le nouveau gouvernement a conservé les mesures frappant les importations de céréales ukrainiennes. Le ministre polonais de l’Agriculture s’est excusé parlant d’« un acte de désespoir ».

La Pologne compte parmi les plus grands soutiens de l’Ukraine depuis l’invasion russe, mais les frictions liées à l’interdiction unilatérale des importations de céréales par Varsovie ont entamé les relations entre les alliés. Ces derniers jours, les autorités à Varsovie ont évoqué la possibilité d’imposer de nouvelles interdictions d’importation de produits agricoles ukrainiens pour protéger leurs agriculteurs.

La Pologne avait interdit les importations de céréales ukrainiennes sous le précédent gouvernement nationaliste du PiS, mais a maintenu cette interdiction après l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition pro-UE en octobre 2023.

Concurrence déloyale

Des agriculteurs polonais qui bloquent depuis vendredi plusieurs points de passage à la frontière avec l’Ukraine avaient arrêté un camion transportant des céréales ukrainiennes et déversé sa cargaison. Ils protestent comme cela a été le cas lors des manifestations agricoles dans les pays européens, contre la concurrence déloyale de la part de leurs homologues ukrainiens, qui ne sont pas soumis aux lourdes réglementations européennes.

« Inacceptable »

Cette action inédite a provoqué une vague d’indignation en Ukraine, pays à forte tradition agricole confronté depuis deux ans à l’invasion russe et où des millions de personnes sont mortes en 1932-1933, pendant la Grande famine (Holodomor) organisée par le régime stalinien.

Le ministère ukrainien de la Politique agraire a « fermement » dénoncé la « destruction délibérée » de céréales qui « n’a rien à voir avec des protestations pacifiques, que ce soit d’un point de vue légal ou moral » : « Nous suivons de près l’enquête sur cet incident et espérons que les auteurs seront rapidement identifiés et punis », a-t-il ajouté. « Les agriculteurs ukrainiens travaillent sous les bombardements constants de l’ennemi et subissent d’énormes pertes. Ils paient leurs récoltes très cher, parfois avec leur vie. » Il a « invité » les producteurs polonais « à se rendre en Ukraine pour voir les conditions de travail » des Ukrainiens.

Les autorités ukrainiennes ont qualifié cet incident d’« inacceptable » et exigé de Varsovie de « punir » les auteurs alors que l’économie nationale est frappée de plein fouet par l’invasion russe.

« Leur situation extrêmement difficile »

« Au nom des agriculteurs polonais, je m’excuse pour un tel acte de désespoir et demande de la compréhension pour leur situation extrêmement difficile », a déclaré le ministre Czeslaw Siekierski dans un communiqué lundi soir. « Ce n’est pas la bonne forme de protestation, mais elle est souvent utilisée par les agriculteurs dans différents pays », a-t-il poursuivi à propos de l’incident survenu dimanche.

Le parquet polonais a annoncé lundi avoir « ouvert une enquête » sur la violation de la sécurité douanière et la destruction de biens, des délits passibles d’une peine maximale de cinq ans de prison.

Ces nouvelles protestations interviennent quelques semaines après la fin d’un blocus similaire de la frontière par des routiers polonais.

Mardi matin, les agriculteurs polonais maintenaient un blocus quasi-total pour les camions à cinq points de passage à la frontière, a indiqué le porte-parole des garde-frontière ukrainiens Andriï Demtchenko, cité par l’agence Interfax-Ukraine.  « Il y a environ 1250 camions dans les files d’attente », a-t-il précisé.

La Commission européenne a indiqué lundi « continuer » à chercher des « solutions » qui permettraient de préserver « un soutien économique maximal à l’Ukraine », ravagée par deux ans de guerre. « Nous pensons que le travail doit être fait pas à la frontière, pas dans une situation de pression, mais en s’asseyant à la table des négociations », a déclaré le porte-parole de la Commission, Olof Gill.

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