Le gouvernement français fait son chemin de Compostelle, en retard et à cloche-pied

Par La Rédaction
30 janvier 2022 19:29 Mis à jour: 30 mai 2022 06:53

Le 27 janvier et à l’unanimité, l’Assemblée nationale a ratifié la Convention de Compostelle sur le trafic d’organes humains, que le gouvernement avait longtemps tenté d’esquiver. Cette convention du Conseil de l’Europe datant de 2015, c’est donc après un pèlerinage interministériel de 7 ans que la France a finalement pris sa décision.

« L’examen de ce texte est un signal fort de l’engagement de la France en faveur de la défense des droits de l’Homme » se satisfait aujourd’hui Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. À la suite du vote récent par l’Assemblée d’une résolution condamnant les crimes contre l’humanité du régime chinois, on serait tenté de le croire et de penser qu’une page se tourne dans la relation entre la France et les autorités communistes chinoises. Le temps du déni et de la compromission deviendrait alors progressivement du passé ? Il ne resterait alors qu’à pousser vers les oubliettes de l’Histoire ceux qui en ont été responsables, comme le tente une récente initiative du Parlement européen qui cherche à identifier les hauts responsables politiques dont les retraites dorées se mènent au service de puissances étrangères hostiles.

Pourquoi alors monsieur Riester, dont la fonction est d’être « chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité », a-t-il été chargé de porter l’annonce plutôt que le ministre Jean-Yves Le Drian lui-même ? Une partie de l’explication se trouve peut-être dans le fait que, lors de son intervention en tant que rapporteure pour défendre la ratification de la Convention, la députée LREM Ramlati Ali a cité les « nombreux abus dénoncés en Chine ces dernières années concernant des prélèvements illicites qui viseraient en particulier des minorités et des prisonniers politiques et qui impliqueraient les autorités ».

Une autre raison, confirmée par plusieurs associations et parlementaires, tient au fait que l’exécutif a d’abord mis le frein à main sur la ratification de la Convention. La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation, Frédérique Vidal, indiquait ainsi pendant les débats sur la Loi de bioéthique en 2019 ne pas en voir l’utilité : s’abritant derrière le besoin de discussions interministérielles, elle disait alors considérer que les textes en vigueur étaient suffisants pour empêcher que des citoyens français soient acteurs ou complices de ces trafics.

Il a fallu des tribunes médiatiques remarquées, en particulier par le sénateur André Gattolin et la députée Lauriane Rossi, pour mettre en lumière la faiblesse de l’arsenal français pour lutter contre ces trafics : collaborations universitaires non contrôlées avec des grands centres de transplantation chinois, formation de chirurgiens chinois par leurs collègues français, « disparition » de malades français des listes d’attentes de greffes. Parallèlement, côté chinois, construction de gigantesques hôpitaux dédiés aux transplantations, « disparitions » dans les camps de travaux forcés de pratiquants de la méthode bouddhique Falun Gong à qui on avait auparavant consciencieusement fait des prélèvements sanguins et dont on avait analysé la santé des organes.

Sauf à laisser penser qu’il devenait complice du régime chinois, le gouvernement français ne pouvait plus reculer. Il a donc avancé et proposé au Parlement la ratification d’un texte. Celui-ci, pourtant, a été méticuleusement modifié. Les « réserves » émises par la France donnent à la Convention de Compostelle autant de puissance contraignante qu’en aurait une police municipale qui ferait face, en scooter et avec des « tasers », à des gangsters en grosse cylindrée et équipés d’armes de guerre.

Il faudra à titre d’exemple, pour que la justice française se saisisse d’un cas de trafic d’organes, que la victime ait déposé plainte dans son propre pays… et que la plainte y ait été acceptée. La députée Frédérique Dumas s’interroge : « Comment imaginer un prisonnier de conscience chinois, tué lors du prélèvement d’organes, aller porter plainte et le régime chinois répondre favorablement » ? En conséquence, « les quatre réserves émises par la France montrent qu’elle n’entend pas prendre toutes ses responsabilités alors que 20 États sur les 26 qui ont signé la Convention n’ont quant à eux émis aucune réserve », assène-t-elle.

L’annonce de la ratification aura été belle, elle est sans doute un autre petit pas dans une bonne direction. Mais si le gouvernement français a finalement, tardivement, pris le chemin de Compostelle, ce n’est pas comme un pèlerin en recherche de rédemption, ni pour trouver la lumière divine qu’il a perdue, mais plus probablement pour poser un peu de fard sur un visage abîmé par les années.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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