En physique, un célèbre paradoxe qui ne tient qu’à une fibre…

Fibres optiques.
Photo: Tobias Brixen/Flickr, CC BY
Imaginez une barre de métal chauffée à l’une de ses extrémités. Au lieu que la chaleur ne se répartisse peu à peu sur toute sa longueur, la barre finirait par redevenir brûlante à l’endroit d’origine. Il s’agit là d’un processus physique où un système complexe retourne à son état initial au lieu d’évoluer vers l’équilibre : l’explication de ce paradoxe résiste depuis plus de soixante ans aux physiciens. Grâce une série de mesures bien plus riches et complètes qu’auparavant, réalisées dans des fibres optiques, notre équipe franco-italienne vient de franchir un palier dans la compréhension fine de ce phénomène.
La publication qui relate ses progrès, a fait la couverture de la revue Nature Photonics. Il s’agit de résultats de tout premier plan pour la physique en général mais il est aussi d’intérêt pour le public : le processus en question est au cœur de phénomènes aussi divers que la formation des vagues scélérates dans l’océan ou la conception d’horloges optiques de haute précision.

Retour en 1954, à l’origine de la découverte du paradoxe. Les acteurs en sont des scientifiques de premier plan, certains impliqués dans le projet Manhattan qui visait à doter les États-Unis de la bombe atomique, et a fait naître les tous premiers ordinateurs de l’histoire. Il s’agit de Stanislaw Ulam, John Pasta, et Mary Tsingou, et du prix Nobel de physique Enrico Fermi. Celui-ci a l’idée d’utiliser l’un de ces ordinateurs pour explorer des phénomènes physiques complexes nouveaux dont la résolution n’est pas possible par le calcul. Cela marque le début d’une révolution, la simulation numérique, qui est devenue incontournable dans tous des domaines de la physique.
Mais pour Fermi et ses collègues, ce premier essai sera celui d’une grande surprise : l’ordinateur révèle en effet un comportement tout à fait inattendu : le retour à son état initial du système qu’ils étudiaient.
Depuis, le problème a fait couler beaucoup d’encre. Les efforts répétés des physiciens pour le résoudre ont été particulièrement féconds pour les nombreuses branches de la physique où l’on peut l’observer. Ils ont conduit notamment à la découverte de la théorie du soliton, ces impulsions qui se déplacent sans déformation que l’on retrouve dans les océans, en physique des plasmas ou en optique.
Certains modèles prédisaient que le phénomène de Fermi, Pasta et Ulam était en fait cyclique (le système retournant plusieurs fois à l’état initial). Mais les expériences qui l’avaient mis en évidence dans de nombreux domaines différents, comme la physique des plasmas, en hydrodynamique, ou dans les fibres optiques n’avaient jamais plus observé plus d’un retour à l’état initial : les pertes d’énergie atténuaient trop rapidement ses manifestations.
Des fibres optiques pour observer le paradoxe


Ce résultat prévu par certains modèles ouvre une nouvelle voie dans la compréhension de ce phénomène qui est à la base de nombreux autres processus complexes : les peignes de fréquence. Ces véritables « règles lasers », en plein développement ces dernières années font entrevoir un grand nombre d’applications nouvelles, allant de la mesure de distance pour les voitures autonomes à la découverte d’exoplanètes.
Arnaud Mussot, Professeur au Laboratoire de Physique des Lasers Atomes et Molécules (PHLAM), CNRS UMR8523, IRCICA, Université de Lille – ULNE
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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