En Tunisie, des fleurs comestibles s’invitent dans la gastronomie

Par Epoch Times avec AFP
18 février 2021 15:30 Mis à jour: 18 février 2021 15:37

Soupe aux feuilles de capucines, salade aux fleurs de violettes ou thé aux feuilles de fraises: une entrepreneuse tunisienne s’est lancée dans la culture de plantes comestibles, un projet unique en Tunisie mais menacé, selon elle, par des blocages administratifs.

Sonia Ibidhi, une journaliste de 42 ans qui s’est reconvertie dans l’agriculture biologique « par amour » du travail de la terre, a choisi Tabarka (nord-ouest) pour réaliser son rêve: produire des fleurs comestibles, un produit de niche mais demandé.

Elle cultive la bourrache, fleur bleue au goût de concombre, la fleur de ciboulette, pompon violet à la saveur proche de l’oignon, et surtout la capucine, reine des fleurs comestibles qui rappelle le radis rouge.

Après avoir ramené de France des graines de 42 variétés, Sonia a commencé par produire une dizaine de types de fleurs, et notamment la capucine, aux pétales d’un jaune éclatant tirant sur le orange. Aujourd’hui, elle utilise aussi ses propres graines.

« Je travaille pour quelque chose que j’aime, de beau et rempli de couleurs », dit-elle fièrement, tout en espérant voir ses fleurs « lancer une nouvelle culture culinaire dans le pays ».

Dégustation de fleurs fraîches 

En Tunisie, certaines fleurs sont déjà utilisées pour cuisiner, comme le « chouch ward » (roses séchées, NDLR), émietté sur certaines pâtisseries traditionnelles, ou la lavande, ingrédient du « ras el hanout », le mélange d’épices typique pour le couscous traditionnel.

Mais la dégustation de fleurs fraîches est une nouveauté.

– Les Tunisiens utilisent déjà certaines fleurs dans leur cuisine traditionnelle. Certains bonbons contiennent des pétales de rose séchés, tandis que la lavande est un ingrédient d’un mélange d’épices utilisé dans les recettes de couscous. Photo Fethi Belaid / AFP via Getty Images.

« Je pensais que ces fleurs seraient destinées à l’exportation et qu’il n’y aurait pas d’intérêt immédiat sur le marché local, mais j’ai été surprise par la demande croissante, venant surtout de certains hôtels haut de gamme », raconte Sonia.

Voyager par l’assiette

Dans un luxueux hôtel de Gammarth, dans la banlieue huppée de Tunis, le chef Bassem Bizid relève ses tartares de daurade avec des pétales de capucines, et accompagne ses plats d’une salade de feuilles et fleurs ou d’un sorbet végétal garni de fleurs fraîches de violettes.

Les clients « sont très satisfaits de découvrir des nouveautés », assure-t-il.

Pour le maître cuisinier de cet hôtel, l’Italien Alessandro Fontanesi, « non seulement on utilise un produit tunisien rare qui embellit l’assiette et ajoute un goût spécial mais cela permet à nos clients de voyager par l’assiette, en cette période de crise sanitaire ». 

-Des boîtes de feuilles et de fleurs comestibles sont représentées dans la cuisine du chef tunisien Bassem Bizid,  pour préparer des plats dans un hôtel de luxe à Gammarth, de la capitale Tunis, le 5 février 2021. Photo Fethi Belaid / AFP via Getty Images.

Région montagneuse de Tabarka

Sonia s’est lancée en 2019, après quatre ans de réflexion et de démarches. Elle a choisi de s’installer dans la région montagneuse de Tabarka, idéale pour son climat humide et ses ressources en eau douce.

Son installation n’a toutefois pas été facile. Outre « un énorme dossier administratif », il a fallu expliquer à maintes reprises à la direction des forêts, sceptique, « à quoi servaient les fleurs comestibles », raconte-t-elle.

Les fleurs fraîches, qui peuvent être utilisées pour des plats allant des soupes aux salades en passant par les thés, sont une nouveauté en Tunisie. Photo Fethi Belaid / AFP via Getty Images. 

« Je répondais à leurs questions par écrit mais aussi de vive voix en les appelant ou en les rencontrant directement », poursuit-elle.

L’agricultrice a finalement obtenu un terrain de cinq hectares qu’elle loue 1.400 dinars (430 euros) par an à l’Etat.

A défaut d’obtenir un prêt bancaire ou public, elle a dû vendre sa voiture. L’originalité de son projet a toutefois séduit la Banque africaine du développement qui l’a aidée à hauteur de quelque 11.000 euros.

Menaces de lui retirer le terrain

Mais Sonia craint désormais de perdre le terrain qu’elle a aménagé.

En effet, elle cultive des fraises, dont elle commercialise les feuilles mais aussi les fruits.

Sonia Ibidhi, s’occupe des plantes en pot dans la serre de sa petite ferme où elle produit des fleurs comestibles, à Tabarka, Tunisie le 28 janvier 2021.Photo Fethi Belaid / AFP via Getty Images.  

Selon le directeur de l’Agence générale des forêts Mohamed Boufarou, la cultivatrice « n’a pas respecté la convention signée avec l’Agence générale des forêts, en cultivant sans prévenir des fraises, qui ne sont pas des fleurs comestibles et en plus ne sont pas des fruits forestiers ».

Bien qu’il trouve le projet de Sonia « innovant », M. Boufarou assure à l’AFP qu’il ne peut pas « ouvrir la porte à ce type d’implantation » « qui change l’aspect sauvage de la terre et fait perdre les spécificités des forêts ». 

Sonia, qui a planté une quantité importante de fraises, subirait une perte financière importante si elle les arrachait.

« Les menaces de retirer mon terrain sont de plus en plus sérieuses », déplore l’agricultrice.

Mais « je défendrai bec et ongles mon projet », lance-t-elle. « Je ne laisserai pas des blocages administratifs me priver de mes fleurs qui sont devenues mon monde! »

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