Alors que l’Iran approche d’un tournant historique, la question qui se pose aux politiciens et aux analystes n’est plus de savoir si la République islamique peut maintenir son projet idéologique, mais ce qui va se passer par la suite. L’Iran va-t-il évoluer vers une démocratie régionale comme la Corée du Sud, ou va-t-il sombrer dans l’isolement et le totalitarisme comme la Corée du Nord ?
Le régime de Téhéran affiche de plus en plus clairement son désir d’imiter la voie suivie par la Corée du Nord : rigidité idéologique, politique de la corde raide nucléaire, contrôle militarisé et rejet de l’Occident. En revanche, le peuple iranien a clairement indiqué, à travers des soulèvements répétés et des actes de désobéissance civile, qu’il souhaitait un avenir similaire à celui de la Corée du Sud : un pays démocratique, moderne, ouvert sur le plan économique et intégré dans la communauté internationale.
Le combat pour l’un de ces deux avenirs s’intensifie, et son issue déterminera non seulement le destin de l’Iran, mais aussi l’architecture sécuritaire du Moyen-Orient.
Les deux modèles
Après la Seconde Guerre mondiale, la péninsule coréenne s’est scindée en deux modèles politiques et économiques radicalement différents. La Corée du Nord, sous Kim Il-sung et ses successeurs, a adopté une idéologie militante et isolationniste d’autosuffisance (Juche), imposée par un régime totalitaire dynastique. Ce pays, défini comme État socialiste par sa Constitution, a investi massivement dans le programme d’armement nucléaire tandis que sa population souffrait de la faim et restait coupée du monde.
En revanche, la Corée du Sud, bien qu’initialement autoritaire, s’est progressivement ouverte. Elle a commencé à libéraliser son économie dans les années 1960 et a mis en œuvre des réformes démocratiques dans les années 1980. Aujourd’hui, c’est une démocratie florissante, l’une des premières économies mondiales et un innovateur technologique étroitement aligné sur l’Occident. Le contraste entre les deux pays est saisissant : prospérité contre pauvreté, ouverture contre répression.
L’Iran à la croisée des chemins
Sous la République islamique, l’Iran s’est longtemps présenté comme une « troisième voie » unique, ni capitaliste ni socialiste/communiste. Cependant, en réalité, il ressemble de plus en plus à la Corée du Nord. L’idéologie du régime, enracinée dans le Velayat-e faqih (le pouvoir des juristes-théologiens), exige une obéissance absolue à une autorité religieuse suprême. La militarisation de sa politique par le biais du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et son recours à des guerres par procuration ont fait de l’Iran un perturbateur régional plutôt qu’un stabilisateur.
Le programme nucléaire iranien sert non seulement d’outil de sécurité, mais aussi de symbole de sa résistance idéologique. En juin 2025, le régime continue de négocier le droit d’enrichir de l’uranium à 3,75 % – un niveau inférieur à celui requis pour la fabrication d’armes nucléaires, mais important en valeur symbolique et stratégique. Cette insistance révèle l’intention du régime : préserver à tout prix son image révolutionnaire, même si cela étrangle l’économie iranienne et isole son peuple.
Le peuple veut le modèle de la Corée du Sud
Alors que le régime pousse l’Iran vers le modèle nord-coréen, le peuple a fait un autre choix. Le Mouvement vert de 2009, les manifestations économiques de 2017 et 2019 et le soulèvement « Femmes, vie, liberté » de 2022-2023 ont tous révélé une société profondément désabusée par le régime clérical et le dogme idéologique. Les Iraniens, en particulier les femmes, les jeunes et la classe moyenne éduquée, veulent la dignité, la liberté et des opportunités. Ils ne cherchent pas à réformer le système existant. Ils exigent son remplacement par une démocratie laïque.
La société civile iranienne, bien que réprimée, reste dynamique. Les réseaux culturels clandestins, l’activisme numérique et l’engagement de la diaspora continuent de résister à la répression du régime. Contrairement aux Nord-Coréens, les Iraniens ont accès à des informations extérieures, communiquent à l’échelle mondiale et conservent un sentiment d’identité nationale distinct de l’idéologie de l’État. Ces différences sont importantes et rendent possible un chemin vers le modèle sud-coréen, si le système politique le permet.
Le déclin de l’islam politique
Autrefois fleuron de l’islam politique, la République islamique est aujourd’hui son échec le plus visible. L’idéologie qui prétendait libérer les musulmans de l’impérialisme occidental est devenue un outil d’oppression interne et de chaos régional. Les efforts de l’Iran pour exporter cette idéologie – via le Hezbollah au Liban, les milices en Irak et en Syrie, et le Hamas à Gaza – ont engendré des effusions de sang et non de la solidarité.
L’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, largement considérée comme ayant bénéficié du soutien du CGRI, a eu des conséquences dévastatrices et a encore éloigné l’Iran des peuples et des gouvernements arabes. Dans toute la région, l’islam politique est en recul. Les États arabes à majorité sunnite normalisent leurs relations avec Israël, donnent la priorité à la croissance économique et prennent leurs distances par rapport au programme « révolutionnaire » de Téhéran.
En Iran, les mosquées se vident. L’autorité cléricale n’est plus vénérée. L’islam politique n’est plus considéré comme un devoir sacré, mais comme un prétexte utilisé par le régime pour se maintenir au pouvoir.
La politique de la corde raide nucléaire : une impasse stratégique
L’uranium enrichi est plus qu’un simple combustible pour le régime iranien : c’est un symbole de défiance. Mais ce symbolisme a un coût élevé. La politique de la corde raide nucléaire garantit le maintien des sanctions, bloque les investissements étrangers et attise les tensions régionales. L’aventurisme militaire du régime n’a pas permis d’obtenir des gains tangibles, tandis que son « axe de résistance » se fragmente sous la pression. Cette voie peut permettre au régime de se maintenir à court terme, mais, à long terme, elle ne mène qu’à son effondrement ou à son isolement permanent à l’image de la Corée du Nord.
La Corée du Nord survit en exportant des armes vers la Russie et la Chine. L’Iran, qui dispose d’un potentiel bien plus important, choisit le même modèle obscur alors qu’il aurait accès à de meilleures options.
Un modèle sud-coréen pour l’Iran : ce qu’il faut pour y parvenir
Si l’Iran veut imiter la Corée du Sud, plusieurs changements stratégiques sont essentiels :
1. Abandonner le programme nucléaire
L’Iran devrait aller au-delà des accords temporaires. Il devrait démanteler ses infrastructures nucléaires lui permettant de développer une capacité nucléaire militaire, adhérer aux normes mondiales et s’ouvrir aux inspections et à la coopération internationale. Cela ouvrirait la voie à la levée totale des sanctions et restaurerait la confiance des investisseurs.
2. Mettre fin à l’impérialisme idéologique
L’Iran devrait cesser d’exporter l’islam politique. Cela signifie dissoudre les milices de ses acolytes, mettre fin au soutien aux acteurs non étatiques et réinvestir dans la reconstruction nationale. À l’instar de la Corée du Sud qui s’est réintégrée dans les économies asiatiques, l’Iran devrait privilégier les partenariats économiques plutôt que les alliances idéologiques.
3. Mettre fin à la théocratie
Une véritable transition nécessite la fin de la suprématie cléricale. Une nouvelle constitution devrait entériner la gouvernance laïque, le pluralisme et le contrôle civil. Des élections démocratiques, l’État de droit et la liberté d’expression sont indispensables à la prospérité de l’Iran.
4. Relancer le secteur privé
Il faut mettre fin à l’emprise du CGRI sur l’économie iranienne. L’essor de la Corée du Sud a été alimenté par la concurrence sur le marché, l’innovation et l’éducation. L’Iran dispose des talents et du capital de la diaspora nécessaires pour faire de même, à condition de libérer son économie.
5. Renforcer la société civile
La société civile de l’Iran est son plus grand atout. Un avenir à la sud-coréenne dépend de la liberté d’association, de l’indépendance des médias, de l’émancipation des femmes et du retour des professionnels exilés qui peuvent reconstruire les institutions nationales.
Implications stratégiques pour l’Occident
L’Occident doit reconnaître le combat interne mené en Iran, non seulement entre factions, mais aussi entre deux modèles d’avenir. Les sanctions et la dissuasion restent essentielles pour limiter le comportement malveillant du régime. Mais elles doivent être associées à un soutien à la société civile iranienne, à un accès numérique sécurisé, à des échanges éducatifs et à la défense des droits de l’homme. L’Occident doit se préparer non seulement à l’endiguement, mais aussi à la reconstruction post-République islamique. Cela inclut le soutien à la réforme constitutionnelle, au développement institutionnel et à la reprise économique dans un Iran démocratique.
Le régime islamique en Iran ressemble aujourd’hui plus que jamais à celui de la Corée du Nord. Il aspire peut-être à l’isolement, à la militarisation et à la pureté idéologique. Mais le peuple veut la liberté, la prospérité et la paix. La République islamique tente d’enfermer l’Iran dans un avenir à la nord-coréenne. Mais l’histoire n’a pas fermé la porte à l’alternative sud-coréenne. Le peuple iranien continue de se battre pour cette alternative. Le monde devrait se tenir à ses côtés.
Publié initialement par RealClearWire
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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