Enchères à New York : les femmes peintres ont enfin la cote

Par afp
12 mai 2019 11:37 Mis à jour: 19 mars 2021 03:27

Record attendu pour Lee Krasner, possible pour Helen Frankenthaler: les œuvres des femmes peintres abstraites, et des artistes féminines en général, sont de plus en plus prisées des collectionneurs, comme en témoignent les enchères de printemps à New York qui débutent lundi.

« Nous avons vu une réévaluation extraordinaire du marché pour les femmes artistes, qu’elles soient anciennes ou contemporaines », résume David Galperin, responsable des ventes de soirées pour la maison d’enchères Sotheby’s à New York. L’année 2018 avait déjà été faste, avec des records pour les peintres d’art abstrait Helen Frankenthaler (décédée en 2011), la Britannique Cecily Brown (50 ans), Grace Hartigan (morte en 2008) et surtout Joan Mitchell (1992), dont le « Blueberry » est parti en mai 2018 pour 16,6 millions de dollars.

David Leiber, associé de la galerie David Zwirner qui expose plusieurs de ses tableaux, rappelle que Joan Mitchell a très tôt connu le succès, critique et populaire. Mais elle n’avait profité que marginalement de l’accélération du marché de l’art ces dernières années, jusqu’à la vente du « Blueberry ». « La valeur marchande de ces artistes dont les œuvres sont tout aussi puissantes que celles de leurs contemporains masculins se situait derrière eux depuis des décennies », explique David Galperin.

Si le rééquilibrage a commencé, elles restent néanmoins encore très loin des sommes atteintes par Willem de Kooning (68,9 millions de dollars), Jackson Pollock (58,4) ou Mark Rothko (86,9).  « C’est un ajustement du marché qui aurait dû intervenir il y a bien longtemps déjà », insiste Alexander Rotter, président du département après-guerre et art contemporain chez Christie’s à New York. Cet ajustement tient à plusieurs facteurs, à commencer par la flambée dont ont bénéficié les hommes peintres, beaucoup approchant, ou dépassant, la barre des 100 millions de dollars.

« Il y a un appétit pour les opportunités  et c’en est une car les prix  sont accessibles par rapport à des œuvres de qualité comparable et peintes par leurs pairs masculins », analyse David Galperin. Le phénomène profite d’ailleurs à d’autres femmes artistes, comme la sculptrice Louise Bourgeois (décédée en 2010), qui pourrait battre, cette semaine, son record de 28,2 millions de dollars, établi en 2015. Comme il y a quatre ans, l’oeuvre est une araignée géante, estimée entre 25 et 35 millions de dollars par Christie’s et proposée mercredi soir.

Autre facteur, moins directement lié au marché de l’art: l’époque est à la redécouverte de femmes artistes, scientifiques, politiques, dont la contribution a longtemps été minorée, voire oubliée.  « J’espère que nous aboutirons à un monde dans lequel nous n’aurons plus à faire de distinction, où les prix se décideront en fonction de l’oeuvre plutôt que du genre », avance Alexander Rotter. « Mais aujourd’hui, nous faisons le choix conscient d’être attentifs aux femmes artistes. »

Certains collectionneurs et collectionneuses demandent d’ailleurs spécifiquement à acquérir des œuvres réalisées par des femmes, observe-t-il. « Cela a toujours existé, mais c’est plus important aujourd’hui. » Le mouvement bénéficie aux grands noms mais aussi à des artistes moins connues, comme la peintre d’origine nigériane Njideka Akunyili Crosby, dont une toile est partie pour 3,4 millions de dollars l’an dernier chez Sotheby’s, ou l’Anglo-Ghanéenne Lynette Yiadom-Boakye (1,5 million de dollars pour une oeuvre en 2018).

Il traverse aussi les époques, comme en témoignent les 7,1 millions de dollars payés, en janvier, pour une toile d’Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842), un record pour une femme parmi les maîtres anciens. Face à cette tendance, les maisons d’enchères ont repositionné leur offre, explique David Galperin, et incluent désormais davantage de femmes, par exemple, dans leurs grandes ventes de printemps et d’automne. « C’est vraiment crucial de les présenter dans ce contexte nouveau », dit-il, « pour attirer de nouvelles populations d’acheteurs et faire bouger ces marchés. »

Contrairement au Salvator Mundi en 2017 ou au « Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) » de David Hockney en 2018, aucune oeuvre ne devrait créer l’événement lors des quatre grandes ventes de la semaine new-yorkaise, organisées de lundi à jeudi par Christie’s et Sotheby’s.  Mais le marché suivra notamment le parcours du « Rabbit » de Jeff Koons, un lapin en acier qui pourrait établir, chez Christie’s un nouveau record pour l’artiste américain (58,4 millions de dollars jusqu’ici).

D.C avec AFP

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