L’agriculture régénératrice devient grand public : pourquoi c’est décisif
Les victoires incrémentielles restent des victoires. Et le vent, désormais, a tourné.
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Le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux Robert F. Kennedy Jr. est accompagné de la secrétaire à l’Agriculture Brooke Rollins et de l’agriculteur californien Blake Alexander (à g.) lors de l’annonce d’un programme pilote de 700 millions de dollars pour soutenir l’agriculture régénératrice, au département de l’Agriculture, à Washington, le 10 décembre 2025.
Mon téléphone s’est mis à sonner de toutes parts, presque en même temps.
Messages, liens, alertes : de tous côtés, on m’annonçait que la secrétaire à l’Agriculture des États-Unis Brooke Rollins s’apprêtait, le 10 décembre, à faire une déclaration majeure sur l’agriculture régénératrice. Un lien YouTube circulait. Le direct allait commencer et une certaine fébrilité flottait dans l’air.
Lorsque la vidéo a démarré, Mme Rollins se tenait aux côtés du secrétaire à la Santé Robert F. Kennedy Jr. et d’autres responsables. Ce qui a frappé d’emblée, ce n’était pas le montant annoncé, mais le vocabulaire employé : santé des sols, santé humaine, densité nutritionnelle, microbiome, microbiologie. Les systèmes vivants sous nos pieds et au cœur de nos corps étaient enfin décrits comme les éléments d’une même réalité interconnectée.
Ce langage compte.
Puis l’annonce elle‑même est tombée : 700 millions de dollars alloués à l’agriculture régénératrice.
Sur le papier, la somme semble considérable. En réalité, rapportée aux surfaces déjà conduites en régénératif, elle représente environ 16 dollars par acre. Mon téléphone s’est de nouveau illuminé, cette fois au rythme de la frustration et de la déception. Les agriculteurs faisaient leurs calculs. Beaucoup comparaient ce montant aux 12 milliards de dollars récemment accordés aux producteurs de soja pour compenser la baisse des achats chinois. Le déséquilibre avait un air de déjà‑vu.
J’ai ressenti cette déception moi‑même. Puis je me suis arrêtée.
Parce que, au fond, le gouvernement ne nous sauvera pas. Il n’en a jamais été question.
Ce qui importe, c’est ce qui a été prononcé sur scène – à haute voix, au plus haut niveau de la direction de l’agriculture. Des années de plaidoyer, de pédagogie, de travail dans les champs et de prises de parole ont forcé le courant dominant à reconnaître que l’agriculture régénératrice existe et que ce que beaucoup d’entre nous répètent depuis des années n’a rien de marginal, d’expérimental ou de non éprouvé. Tout cela s’enracine dans la réalité biologique.
Il n’y a pas si longtemps, alors que l’expression « agriculture régénératrice » n’était presque pas employée, une simple recherche sur Google ne renvoyait guère qu’au petit site de mon frère Ryland Engelhart et aux travaux d’Allan Savory. C’était à peu près tout. Aujourd’hui, l’agriculture régénératrice est discutée dans les lieux où se fabriquent les politiques publiques, dans les médias et dans les conversations sur la santé publique. Ce basculement ne doit rien au hasard.
Pour quelqu’un qui a passé des années à arpenter de petites scènes, à participer à des podcasts, à écrire dans les journaux, à publier sur Instagram et, en somme, à parler partout où quelqu’un voulait bien écouter, entendre la secrétaire à l’Agriculture prononcer des mots qui auraient pu sortir de ma bouche – ou de celle de nombreux amis – a marqué un vrai tournant.
Le changement ne s’est d’ailleurs pas limité au vocabulaire agricole.
Dans le même temps, des conseillers des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies ont tenu des auditions sur le vaccin contre l’hépatite B et ont formulé des recommandations invitant à reconsidérer son administration systématique et obligatoire dès la naissance. L’hépatite B se transmet principalement par le sang et les fluides corporels, notamment par voie sexuelle ou via des seringues contaminées. Ces modes de transmission ne concernent pas logiquement les nouveau‑nés.
Pendant des décennies, la dynamique n’a évolué que dans un seul sens : davantage d’interventions, plus tôt, et avec de moins en moins de débat public. Voir une politique, ne serait‑ce qu’une seule, remise en question ouvertement constitue déjà un infléchissement significatif. Cela ne signifie pas que le système est réparé, mais laisse penser que la logique et la discussion commencent à réapparaître là où elles avaient longtemps disparu.
Pendant des années, un langage édulcoré a servi à contrôler le débat public. Les discussions sur l’efficacité des vaccins, la dégradation des sols, l’agriculture chimique et le microbiome ne se déroulaient pas à ciel ouvert. Elles étaient souvent étouffées par la pression sociale et le risque professionnel.
Cette emprise semble aujourd’hui se desserrer.
Les responsables publics parlent désormais ouvertement du microbiome, de la microbiologie des sols et de la densité nutritionnelle. La prise de conscience progresse : les maladies chroniques, les dysfonctionnements métaboliques et la baisse de la fertilité ne peuvent être dissociés de la manière dont notre nourriture est produite. Longtemps reléguée au rang de niche, l’agriculture régénératrice fait désormais partie intégrante des débats de politique nationale.
La fermière régénératrice et cheffe d’entreprise Mollie Engelhart, à Fillmore (Californie), le 30 octobre 2023, souligne que, contrairement à l’agriculture biologique, qui se concentre sur l’absence d’intrants de synthèse, l’agriculture régénératrice vise à restaurer la santé des sols, les ressources en eau et la biodiversité. (Tal Atzmon/Epoch Times)
Est‑ce la réforme globale que certains appellent de leurs vœux ? Non.
Est‑ce suffisant ? Non.
Mais c’est un mouvement. Et ce mouvement compte.
Je tiens aussi à saluer quelqu’un qui a porté ce combat bien avant qu’il ne soit largement accepté. Mon frère Ryland Engelhart a lancé Kiss the Ground comme une petite association dans son garage, à une époque où l’agriculture régénératrice ne se discutait presque qu’au sein des milieux agricoles. Au fil d’années de dévouement, de pédagogie et de sacrifices personnels, il a contribué à faire entrer ce sujet dans le grand public.
Il s’est depuis retiré de Kiss the Ground et se consacre désormais à une nouvelle initiative de plaidoyer, American Regeneration, poursuivant son action en faveur de la santé des sols, de l’agriculture régénératrice et des discussions nationales sur la gestion des terres.
Aujourd’hui, Kiss the Ground a produit deux documentaires – « Kiss the Ground » et « Common Ground » – disponibles sur Amazon Prime, qui ont permis à des millions de personnes de découvrir la réalité de la régénération des sols et de la responsabilité à l’égard de la terre. Ce progrès n’est pas né d’une adhésion précoce des institutions au message, mais de la détermination de ceux qui ont refusé de renoncer.
L’État a encore un long chemin à parcourir. Il ne saurait, à lui seul, conduire cette transformation, et les agriculteurs, les parents comme les patients auraient tort de s’en remettre uniquement à lui. La pression compte. La reddition de comptes compte. Exiger davantage compte.
Mais il est tout aussi important de reconnaître quand quelque chose a changé.
Une fois certaines vérités énoncées publiquement, il n’est plus possible de les effacer. Le lien entre la santé des sols et la santé humaine a été nommé. Le rôle de la microbiologie dans l’alimentation et la médecine a été reconnu. Entrée dans la conversation nationale, l’agriculture régénératrice ne pourra plus être renvoyée dans l’ombre.
Nous ne gagnons pas par des victoires spectaculaires. Nous avançons par paliers successifs. Et, pour celles et ceux qui poussent la pierre en montée depuis des années, cela a un sens.
Les victoires incrémentielles restent des victoires. Et le vent, désormais, a tourné.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Mollie Engelhart, agricultrice et éleveuse, est engagée dans la souveraineté alimentaire, la régénération des sols et l\'éducation à l\'agriculture familiale et à l\'autosuffisance.