Les erreurs stratégiques du Hamas dans son attaque contre Israël

Par Lynne Cohen
3 novembre 2023 16:46 Mis à jour: 15 novembre 2023 05:37

On ne saura peut-être jamais exactement pourquoi le Hamas a attaqué Israël, bien que plusieurs raisons semblent plausibles pour expliquer le moment choisi pour ce massacre.

Tout d’abord, le succès croissant d’Israël dans l’amélioration des relations avec le monde arabe est devenu une menace stratégique pour le Hamas. D’autre part, les profondes divisions de la société israélienne ont pu amener le Hamas à penser qu’Israël était déjà en situation précaire.

Les accords d’Abraham, un succès diplomatique orchestré principalement par l’ancien président américain Donald Trump en 2020, ont normalisé les relations entre Israël et quatre nouveaux pays arabes après 26 ans d’inaction, portant le total de ces pays à six : les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc, le Soudan, l’Égypte et la Jordanie. Les accords d’Abraham ont également permis à Israël d’envisager dans l’avenir prochain la normalisation de ses relations avec l’Arabie saoudite – l’État clé du Moyen-Orient – tout en assurant que d’autres pays de la région suivraient.

Si cela se produisait, ce ne serait plus Israël qui serait isolé du monde arabe mais, de plus en plus, les Palestiniens eux-mêmes. Et plus particulièrement les groupes « de refus » – les groupes qui pratiquent la terreur en ne cherchant pas la paix ou la création de leur propre État, mais la disparition d’Israël de la carte et des Juifs avec lui. Le Hamas a peut-être calculé qu’un véritable assaut depuis Gaza porterait un coup fatal au processus de normalisation des relations entre l’État hébreu et les pays arabes – et ce, en forçant ces derniers à se ranger clairement à ses côtés. Or, si les six États arabes critiquent la « violence excessive » de la réponse israélienne, ils n’ont pas rompu complètement leurs liens avec Israël et, encore moins, sont entrés en guerre au nom du Hamas.

La raison encore plus probable de l’attaque du Hamas est le fait qu’il a choisi le moment de cette attaque principalement du fait qu’il espérait profiter du profond clivage entre la gauche et la droite dans la société israélienne. Israël semblait certainement vulnérable. En manifestant une inimitié tout aussi intense que les anti-Trumpistes aux États-Unis, les « progressistes » israéliens se sont comportés comme s’ils voulaient anéantir leur propre pays à l’équilibre très précaire.

Bien que la gauche ait plus d’un objectif, son but le plus urgent était de préserver les pouvoirs exceptionnellement étendus de la Cour suprême ultra-libérale d’Israël, en particulier celui d’annuler tout texte de loi que ses juges progressistes désapprouvaient. À mesure que la démographie israélienne ainsi que les résultats électoraux se sont progressivement orientés vers le populisme et la droite, la gauche israélienne s’est de plus en plus appuyée sur la bureaucratie, les médias, les arts et le système juridique – y compris le pouvoir judiciaire – pour maintenir son influence politique.

Contrairement à ce qui se passe partout dans le monde démocratique, la plus haute instance juridique israélienne peut annuler toute loi nationale qui ne répond pas au « caractère raisonnable » – une norme qu’elle a inventée et définie dans ses propres buts. L’utilisation de plus en plus large des pouvoirs de la Cour suprême a entravé le travail des dernières coalitions gouvernementales de centre-droit. La Cour suprême a annulé les décisions gouvernementales sur un large éventail de questions appartenant à la responsabilité d’un gouvernement, telles que les dépenses de protection sociale, les contrats de gaz naturel et les nominations par le Premier ministre de membres de son cabinet. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou, bien que son parti Likoud ait remporté plusieurs élections, a été empêché de mettre en œuvre une grande partie de son programme politique.

En juillet, après des mois de débats houleux et de grandes manifestations nationales, le parlement israélien divisé, la Knesset, a introduit une loi limitant le pouvoir de la Cour suprême d’appliquer le critère de son « caractère raisonnable ». L’opposition israélienne a boycotté le vote au parlement et la loi a été adoptée par 64 voix contre 0. Il convient de noter que cette loi et d’autres réformes proposées, malgré les attaques incessantes dont elles ont fait l’objet, n’auraient simplement permis que d’aligner l’équilibre des pouvoirs en Israël sur celui de toutes les autres démocraties occidentales.

Les jeux dans la Knesset sont toutefois bien modestes par rapport à ce qui s’est passé dans les rues de Tel-Aviv. Quelques heures après le vote de juillet, des dizaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans la rue, bloquant la circulation, plantant des tentes, allumant des feux et bloquant même l’aéroport international d’Israël. La police a dû éloigner de force les manifestants pour dégager les routes et utiliser des canons à eau.

Pendant des semaines, les manifestants ont perturbé l’économie et ont inquiété les investisseurs. De plus, les pilotes de réserve de l’armée de l’air opposés au gouvernement de M. Netanyahou ont commencé à refuser de participer aux cours d’entraînement, ce qui représentait une menace pour l’état de préparation de l’armée. Il y circulait même des rumeurs que des soldats en service actif étaient délibérément moins performants ou menaçaient de déserter.

Comme tout cela était bien connu, le Hamas a peut-être conclu qu’Israël était au bord du suicide politique collectif. Si c’était le cas, le groupe terroriste a également fait un mauvais calcul. Son orgie d’atrocités du 7 octobre – viols, massacres, y compris des bébés, mutilations et enlèvements – a non seulement choqué tous les Israéliens, mais a unifié le pays comme rien d’autre n’aurait pu le faire. Le Hamas a mal évalué la profondeur et la nature de la division gauche-droite israélienne. Alors que les politiques internes d’Israël sont bruyantes et personnellement vicieuses, lorsqu’une menace réelle pèse sur la sécurité ou l’existence de la nation, les désaccords internes sont immédiatement remis à plus tard.

C’est ce qui s’est produit presque instantanément. Soudain, tout le monde a brandi le drapeau bleu et blanc d’Israël. Les athées ont commencé à préparer des repas casher pour nourrir les soldats et les évacués religieux. Des Juifs de tous horizons politiques et religieux et du monde entier ont abandonné leur vie civile pour se rendre dans les bases militaires ou les aéroports afin de répondre à l’appel de quelque 360.000 réservistes lancé par le gouvernement israélien. En l’espace de quelques jours, M. Netanyahou a formé un gouvernement d’unité nationale en temps de guerre qui comprenait Benny Gantz, chef du parti de l’opposition.

Pourquoi en est-il ainsi ? Contrairement aux progressistes occidentaux qui méprisent le patriotisme, les deux côtés du fossé idéologique dans ce pays de 9,8 millions d’habitants en pleine croissance restent profondément patriotiques. La gauche comme la droite est imprégnée d’un sentiment de mission pour sauver la démocratie israélienne. La barbarie médiévale du Hamas a unifié les factions en conflit. Benyamin Netanyahou bénéficie aujourd’hui d’un soutien sans précédent (en dépit des sondages) et peut s’attendre à ce que cela se maintienne pendant toute la durée de la guerre.

Une fois que les combats auront cessé, mais avant que la politique ne reprenne son cours habituel, M. Netanyahou sera certainement confronté à des questions difficiles sur les lacunes en matière de sécurité qui ont permis au Hamas de réaliser son attaque surprise catastrophique. Ces lacunes se sont manifestées sous sa surveillance, et les Israéliens ne pardonnent pas de telles défaillances. Lors de la guerre surprise du Kippour en 1973, le pays était solidement soutenu par le Premier ministre Golda Meir et le ministre de la Défense Moshe Dayan. Mais, par la suite, les Israéliens ont exigé de savoir comment leur appareil de sécurité et de renseignement, si réputé, avait échoué. La carrière de plusieurs officiers supérieurs et celle de Golda Meir ont été ruinées.

La position de M. Netanyahou semble étrangement similaire. Nombreux sont ceux qui prédisent que son destin est scellé. Mais s’il parvenait cette fois à porter un coup fatal au Hamas, au lieu de permettre au groupe terroriste d’être sauvé par la pression internationale pour la sixième fois depuis que Gaza a été rendue aux Palestiniens en 2005, il pourrait tout simplement rester en poste. S’il s’avère que les tactiques de la gauche visant à saper la réputation et les réformes de Netanyahou ont contribué au manque de préparation du pays à l’attaque surprise du Hamas, la position de M. Netanyahou pourrait même se renforcer.

À ce stade, tout peut arriver.

La version originale et complète de cet article a été publiée dans le C2C Journal.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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