La guerre en Ukraine annoncera la fin de la Russie : il ne faut pas laisser Pékin en profiter

Par Joseph V. Micallef
21 mars 2022 18:22 Mis à jour: 21 mars 2022 18:22

L’histoire montrera que la guerre en Ukraine a marqué le début de la fin de l’État russe.

Au cours des deux dernières décennies, Vladimir Poutine et ses acolytes se sont livrés au pillage de l’économie de la Russie, ont détruit sa classe moyenne et ont appauvri des millions de ses retraités. Pour la grande finale de leur règne, ils préparent le terrain pour la disparition éventuelle de la souveraineté russe – soit par la dissolution de l’État russe, soit par la transformation de la Russie en vassal chinois.

La perspective d’un contrôle chinois de facto sur les vastes ressources et le territoire de la Russie devrait inquiéter l’ensemble du monde occidental. Une telle issue conduira finalement à la création d’un super-État eurasien, comme on n’en a plus vu depuis que les Mongols ont balayé la plaine eurasienne au XIIIe siècle. Raison de plus pour veiller à ce que Pékin n’accélère pas la dépendance de la Russie vis-à-vis de l’État-parti chinois en permettant aux entreprises chinoises de faire fi du régime de sanctions imposées sur la Russie.

Il est impératif que les pays d’Europe et l’Amérique du Nord interviennent et sanctionnent les entreprises chinoises qui laissent le gouvernement et les entreprises russes contourner ces sanctions. Sanctionner la Russie dans ces conditions conduira au pire résultat possible pour l’Occident.

Quatre semaines après le début de la guerre en Ukraine, le conflit se déroule très mal pour la Russie. La perspective d’un effondrement rapide de l’armée ukrainienne et de l’abandon de Kiev par le gouvernement de Zelensky – ouvrant ainsi la voie à un gouvernement pro-russe – a disparu. À la place, les militaires ukrainiens se sont ralliés et montrent une résistance tenace. Dans certains cas, ils sont même passés à la contre-offensive.

L’armée russe n’a pas réussi à faire des avancées importantes ni à s’emparer de nouvelles villes ukrainiennes au cours des deux dernières semaines. En effet, pour la première fois depuis le début du conflit, certains analystes militaires suggèrent même ce qui aurait été inconcevable il y a quatre semaines – à savoir que l’Ukraine pourrait s’opposer effectivement aux forces russes.

Dans ces conditions, l’armée russe est passée à une tactique de terreur consistant à pilonner et à bombarder les villes ukrainiennes – une stratégie qui ne fera guère progresser ses troupes, étant donné la détermination des Ukrainiens à résister à l’invasion. En revanche, cette stratégie garantit que les Ukrainiens nourriront une haine de la Russie sur plusieurs générations et que le reste de l’Europe nourrira une méfiance sur plusieurs générations à l’égard des intentions du Kremlin.

Un Ukrainien se tient près des pompiers devant un immeuble d’habitation détruit à la suite d’un bombardement dans le quartier d’Obolon de Kiev, capitale de l’Ukraine, le 14 mars 2022. (Aris Messinis/AFP via Getty Images)

En même temps, l’armée russe a subi des pertes énormes en hommes, en équipements et en matériel. L’armée de l’air russe, tant vantée, n’a pas réussi à débarrasser le ciel ukrainien des appareils de son adversaire, tandis que l’avancée russe s’est constamment enlisée dans des problèmes logistiques – des problèmes qui caractérisent plutôt l’armée d’un pays du tiers-monde que de ce qui est censé être une superpuissance militaire.

La stratégie de « rasage » des villes ukrainiennes, déjà vue à Grozny lors de la guerre en Tchétchénie, va créer un cauchemar de guerre urbaine pour les troupes russes si elles choisissent d’envahir ces villes. Compte tenu des progrès réalisés à ce jour, on peut se demander si l’armée russe a la force militaire et les réserves logistiques nécessaires pour encercler toutes les principales villes d’Ukraine, en particulier Kiev.

Même si elle y parvenait, elle s’exposerait à la perspective de combattre un autre Stalingrad ou de revivre le soulèvement du ghetto de Varsovie, sauf que cette fois cela sera diffusé en temps réel sur les médias sociaux. En effet, du point de vue de la Russie, il est difficile de voir comment la situation aurait pu être pire.

Poutine a menacé de déployer en Ukraine quelque 40 000 miliciens syriens, tandis que les références des médias russes à des « laboratoires biologiques » financés par les Américains en Ukraine – une affirmation vite reprise par les médias d’État chinois – ont fait craindre que la Russie ne déploie des armes chimiques ou biologiques. Les analystes militaires occidentaux ont également exprimé leur inquiétude quant à la possibilité que l’armée russe déploie des armes nucléaires « tactiques » de moins d’une kilotonne dans une démonstration de force.

Cependant, il est difficile de voir comment ces actions vont changer l’évolution de la guerre, étant donné la détermination des Ukrainiens à résister. En fait, elles ne feront qu’enflammer davantage l’opinion publique occidentale contre le Kremlin.

Des manifestants portent des panneaux avec des slogans contre l’invasion russe de l’Ukraine et le président russe Vladimir Poutine lors d’une manifestation à Tucson, aux États-Unis, le 6 mars. (Allan Stein/Epoch Times)

À ce stade, il est impératif que les États-Unis et l’Europe prennent l’initiative d’identifier une issue qui peut mettre une fin rapide au conflit. La Russie est désormais un État paria, le gouvernement de Poutine est toxique. Même si un accord de paix est conclu, et/ou si Poutine est finalement remplacé, il faudra des années avant que la Russie puisse espérer normaliser ses relations avec les États-Unis et l’Union européenne (EU).

En outre, l’UE a pris conscience du danger que représente la dépendance des importations énergétiques de la Russie. L’Europe diversifiera efficacement ses sources d’énergie en s’éloignant de la Russie.

D’un autre côté, il n’est pas non plus dans l’intérêt de l’Occident de pousser la Russie dans les bras de la Chine. Ne vous y trompez pas, dans le chaos et la destruction de l’invasion en Ukraine, c’est Pékin qui apparaît comme le grand gagnant.

En permettant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Pékin a assuré la dépendance à long terme du Kremlin en échange au soutien chinois – et ce, tout en se posant comme un intermédiaire non officiel entre l’Occident et la Russie.

La Chine a peu d’intérêt dans une résolution rapide du conflit en Ukraine. Plus la guerre se prolonge, plus l’opinion publique occidentale s’indigne et plus Moscou devient dépendante du soutien de Pékin. La Chine a également une stratégie à long terme à cet égard. Il ne s’agit pas seulement de garantir l’approvisionnement en énergie et en minéraux russes ou de remplacer l’influence russe dans les pays de l’Asie centrale.

Combien de temps faudra-t-il attendre avant que la Chine ne soulève la délicate question des « traités inégaux » – en particulier le traité d’Aigun (1858) et de Pékin (1860) – imposés à la dynastie Qing par la Russie tsariste qui a vu d’énormes territoires chinois transférés à la Russie, y compris le port de Vladivostok ?

La Russie a trois issues possibles : l’intégration à l’Occident, la vassalisation par la Chine ou la dissolution. La première issue semble peu probable à court terme, même si le peuple russe finit par réussir à mettre fin au régime de Poutine. L’issue la plus probable est que Moscou devienne un vassal économique de Pékin, ou qu’elle tente de faire cavalier seul jusqu’à ce que l’effondrement économique entraîne l’effondrement et la dislocation de l’État russe.

Le monde occidental devrait veiller à ce que l’isolement économique et politique de la Russie ne joue pas en faveur de la Chine. Il est impératif que les efforts de Pékin permettant à Moscou d’échapper aux sanctions imposées soient suivis par des sanctions occidentales tout aussi fermes à l’encontre de la Chine et de ses sociétés.

La guerre en Ukraine pourrait entraîner la dévastation généralisée des villes ukrainiennes et des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, de victimes civiles. L’Ukraine, cependant, survivra. Mais la Russie ne survivra pas !

Joseph V. Micallef est historien, auteur à succès, chroniqueur, correspondant de guerre et investisseur privé. Il est titulaire d’une maîtrise du Massachusetts Institute of Technology et a été chercheur associé à l’Institut des affaires internationales à Rome. Il a aussi été commentateur pour plusieurs chaînes de télévision et médias et a écrit plusieurs livres sur l’histoire militaire et les affaires mondiales dont le dernier, intitulé Leadership in an Opaque Future (Le leadership dans un avenir opaque), va paraître bientôt.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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