INTERVIEW – «Le procès du communisme doit avoir lieu», selon un célèbre dissident

Par Celia Farber
24 juillet 2019 16:30 Mis à jour: 24 juillet 2019 20:13

En mars 2019, The Epoch Times a interviewé Vladimir Bukovsky, auteur de Jugement à Moscou : un dissident dans les archives du Kremlin (Judgment in Moscow: Soviet Crimes and Western Complicity), sur sa vie et son œuvre.

L’auteur, engagé dans la lutte contre le communisme soviétique, vit actuellement au Royaume-Uni.

The Epoch Times : Que pensez-vous de « Russiagate », l’enquête pour savoir si le président Trump a été de connivence avec la Russie, avec Poutine, pour gagner les élections ?

Vladimir Bukovsky : Ma première réaction a été d’en rire parce que la majorité de vos compatriotes américains ne s’en rendent probablement pas compte, mais l’Union soviétique a toujours été impliquée dans les élections et les manipulations avant même l’invention des ordinateurs. Il n’y a donc rien de nouveau ici. Bien sûr, ils ont toujours voulu influencer les élections américaines, mais en général, c’était très marginal et risible. Le résultat le plus notable a été l’élection de Ronald Reagan et la défaite de Carter – les Soviétiques ont manipulé les Iraniens pour qu’ils ne libèrent pas ces otages avant les élections. Puis ils ont eu Ronald Reagan. Cela vous montre à quel point leur jugement était à court terme dans ces querelles.

Ils ont toujours été bons dans les machinations, mais leur connaissance des réalités américaines a toujours été très faible. Ils n’avaient aucune idée de ce que pouvait être la vie en Amérique, de la façon d’agir du gouvernement, du résultat de telle ou telle politique. À travers la lorgnette du marxisme, ils ont toujours vu le concept de la politique américaine comme une énorme conspiration, les grandes entreprises ayant tout le monde dans leur poche et des choses comme ça. C’est une sorte d’idée, mais elle est si éloignée de la réalité que tout ce qu’ils ont accompli sur le plan tactique leur a coûté la défaite sur le plan stratégique.

Une si grande partie de votre travail a consisté à essayer de réveiller l’Occident sur le communisme, que vous décrivez comme une abomination. Beaucoup de jeunes sont fiers de se revendiquer socialistes. Quel espoir y a-t-il ?

Très peu d’espoir. Rappelez-vous et n’oubliez pas que le communisme est encore très puissant dans des pays comme la Chine, le Vietnam et d’autres. Quand on parle de ces pays, on entend rarement parler du communisme. Comme si la Chine n’était pas le plus grand pays communiste du monde. Ils ont récemment tenu le Congrès du Parti communiste en Chine et ils ont annoncé les chiffres : 84 millions de Chinois sont membres du Parti communiste. 84 millions. C’est juste ridicule. Le communisme ne cesse donc de grandir. Ils contrôlent toujours tout. La menace en tant que telle n’est pas passée. Il y a des changements en terme de géographie, mais l’idée n’a pas disparu.

Au Royaume-Uni, où vous vivez, se sent-on comme si on était dans un pays socialiste ?

M. Bukovsky : Regardez la composition politique. Le parti n° 2, en lice pour les prochaines élections est dirigé par un marxiste. De nos jours, un marxiste pourrait-il être à la tête de la Grande-Bretagne ? C’est ridicule. C’est ridicule. Mais toutes les structures demeurent les mêmes. Le socialisme qu’ils ont établi dans les années d’après-guerre est toujours là.

Pourquoi qualifiez-vous l’Union européenne comme étant un monstre ?

Eh bien, j’ai fait cette comparaison il y a 15 ans lorsque j’ai pris la parole devant le Parlement britannique, et ce discours est toujours sur YouTube.

Je ne corrigerais pas une virgule de ce que j’ai dit. Tout était correct et l’est toujours. J’avais prédit que si jamais la Grande-Bretagne se voyait offrir une chance de référendum, elle voterait pour quitter l’Union européenne. C’était il y a 15 ans, et le climat est devenu encore pire. Le contrôle de Bruxelles, les procédures bureaucratiques qui rendent la vie très difficile, sont toujours renforcés. C’est de plus en plus difficile.

Pensez-vous que Brexit sera finalement achevé ?

Non, je ne crois pas. Je pense que ça va être une sorte de sabotage. Ils feront semblant de signer le Brexit, mais ils ne feront rien. Mais en attendant, d’autres pays pourraient suivre l’exemple de la Grande-Bretagne. Il y a désormais l’Italie, qui envisage maintenant la possibilité de quitter l’Union européenne. Et ce sera un coup dur, surtout parce que l’Italie fait partie de la zone euro. Cela va continuer. Le processus de résistance à l’Union européenne en Europe va s’intensifier.

Il semble que de nouvelles idéologies – issues du socialisme et du communisme – se répandent à travers les médias, les nouvelles technologies.

Oui. N’oubliez pas non plus que les jeunes générations sont beaucoup plus passives sur le plan politique. Ils semblent complètement désintéressés.

Oui. Contrairement aux nazis, personne n’a peur d’être traité de communiste ou de socialiste. On dirait presque un compliment.

C’est vrai, c’est vrai.

Votre ouvrage Jugement à Moscou est aujourd’hui publié en anglais [et en français]. Comment s’est passée la traduction ?

C’est un peu trop tard. Il a été écrit il y a 25 ans. Politiquement, c’est un peu trop tard [pour la traduction].

Je ne suis pas d’accord, je pense que ce sera une bombe. C’est tout à fait opportun compte tenu de ce qui se passe dans le monde entier. Il y a déjà une énorme réaction, d’après ce que je comprends.

Je soupçonne que ce ne sera pris au sérieux que par les spécialistes. Parce que le livre est très spécial, très technique, il présente beaucoup de documents d’archives – ce n’est pas facile à lire. Cela intéressera surtout les spécialistes.

Selon vous, comment est née la controverse il y a 25 ans, au moment de sa publication, ce qui lui a valu une censure ?

La réaction ici (au Royaume Uni, ndt) a très forte en ce qui concerne certaines personnes concernées. On ne reprochait rien aux documents. Ce sont des documents du Politburo, je ne les ai pas inventés. Mais, certains noms étant associés à des campagnes et activités pro-soviétiques, cela est devenu un choc pour beaucoup de gens.

Des noms comme Francis Ford Coppola ?

Par exemple. Vous savez, cela ouvre soudainement les yeux de certaines personnes du monde de l’industrie ou de la politique et leur montre une autre réalité, celle d’un côté politique sordide. Beaucoup de gens ont été très bouleversés par cela.

L’histoire de la façon dont Jason Epstein, votre éditeur américain, a traité le manuscrit, cherchant à l’enjoliver – cela semble plutôt scandaleux. Que s’est-il passé ?

Mes éditeurs français ont offert l’ouvrage à la Random House (maison d’édition d’Epstein, ndt). Ils n’étaient pas préparés à ce genre d’opposition. J’étais déjà préparé. J’avais eu une expérience avec Random House avant, donc je savais qu’ils n’allaient pas être sympathiques, mais mon éditeur français n’avait aucune idée à quoi s’attendre. C’est très typique des maisons d’édition aux États-Unis. Ils ne traitent les livres que comme de la propagande : « C’est un livre utile, ce n’est pas un livre utile. »

Pour les démocrates américains, il est tenu pour acquis que Poutine contrôle Donald Trump, a piraté les e-mails du DNC (comité démocrate, ndt) et ainsi de suite, qu’est ce que cela vous évoque ?

Cela n’a aucun sens. (rires) Les gens ne se rendent pas compte que leur président américain est très limité dans son pouvoir. Les Pères fondateurs l’avaient bien expliqué. Le président est limité par la loi, par le Congrès, par beaucoup de choses. Il n’est pas en son pouvoir de changer le cours du pays comme ils ont l’air de le suggérer. Le président n’est guère plus qu’un cadre supérieur. L’idée qu’il était d’abord de mèche avec Moscou, c’est ridicule. Je peux dire qu’il mène sa barque comme il peut, avec les limites qui sont les siennes dans sa compréhension de la Russie. Mais le traiter d’agent vendu à Moscou est ridicule. Vous pouvez l’aimer ou le détester, il a un caractère fort, il n’est pas très critique envers lui-même, et ainsi de suite, mais il est absolument ridicule de prétendre qu’il soit l’agent de Moscou.

Vous avez triomphé de vos ennemis d’une manière extraordinaire. Comment avez-vous fait ? Comment avez-vous survécu, psychologiquement ?

Je pense que tout dépend de la force de votre caractère. S’il est assez fort, il deviendra plus fort. Si il est plus faible, il pourra vous lâcher. Je ne suis donc pas le seul à avoir bénéficié, pour ainsi dire, de cette expérience. J’ai connu beaucoup d’autres personnes qui sont devenues plus fortes.

La suite de l’interview est disponible ici (en anglais).

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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