Une jeune Américaine bloquée sur TikTok accuse l’application vidéo de «dissimuler» la vérité

Par Isabel van Brugen
3 décembre 2019 04:46 Mis à jour: 3 décembre 2019 12:42

Le compte TikTok d’une adolescente américaine a été suspendu après qu’elle y a posté des vidéos dénonçant le Parti communiste chinois (PCC) pour son oppression des Ouïghours et d’autres minorités ethniques du Xinjiang. La jeune femme a accusé la société basée à Pékin derrière l’application de partage de vidéos de « dissimuler » la vérité.

Dans une vidéo en trois parties maintenant virale, habilement déguisée en tutoriel sur la façon de courber les cils, Feroza Aziz, une lycéenne de 17 ans du New Jersey, explique aux internautes d' »alerter l’opinion publique » au sujet des violations des droits de l’homme dans le nord-ouest de la Chine, une région fort agitée, où on estime à au moins un million le nombre de Ouighours qui se trouvent dans le réseau de camps de détention de masse de la région.

Peu de temps après, la jeune musulmane américaine a déclaré avoir été bloquée de TikTok pendant un mois. Elle a partagé une capture d’écran sur Twitter du message qui disait que cela était dû à « de multiples violations de nos directives de la communauté [TikTok] ».

Alors que le réseau social, propriété de ByteDance à Pékin, a depuis publié un communiqué publique dans lequel il s’excuse d’avoir suspendu le compte TikTok de Feroza, il a continué à nier que la suspension avait quelque chose à voir avec le « contenu relié à la Chine ».

Au lieu de cela, l’application a expliqué dans un communiqué que le compte de l’adolescente avait été modéré parce qu’elle avait posté une vidéo satirique sur un compte séparé, précédemment supprimé, « qui comprenait l’image d’Oussama ben Laden ». Un porte-parole de TikTok a ajouté plus tard que la vidéo a été retirée pendant 50 minutes en raison d’une « erreur humaine de modération ».

Lors d’un entretien téléphonique avec Epoch Times, Feroza a expliqué qu’elle pense que la déclaration de TikTok est « suspecte » et « ne tient pas la route », en particulier, a-t-elle ajouté, parce qu’une vidéo qu’elle a publiée le mois dernier sur un compte séparé, soulignant la crise humanitaire au Xinjiang, a également été retirée de l’application.

Elle a ajouté que, bien que son compte ait été rétabli depuis lors, elle estime que cela ne s’est produit qu’en raison de la couverture médiatique qui a suivi son interdiction.

« J’ai pensé que les excuses étaient très suspectes et que c’était eux qui couvraient ce qui se passait », a indiqué Feroza. « Qu’ils disent que mon compte a été bloqué à cause d’une vidéo satirique que j’ai créée sur un compte précédent et qui ont tous deux été effacés – j’étais très sceptique. »

« Je pense qu’ils m’ont rendu mon compte parce qu’ils ont craqué sous la pression et qu’ils savaient que le monde découvrait la vérité et que celle-ci allait enfin éclater », dit-elle.

La jeune fille de 17 ans, qui se décrit elle-même comme une militante des droits de l’homme, a également déclaré à Epoch Times qu’elle trouvait extrêmement étrange que TikTok ne se soit pas excusé en privé auprès d’elle alors qu’elle lui avait envoyé un mail le matin du 26 novembre.

« Ils auraient dû me tendre la main parce que tout a commencé avec moi, alors je ne sais pas pourquoi ils ne l’ont pas fait », s’interroge-t-elle. « Je ne sais pas pourquoi ils font tant de déclarations publiques et ne m’ont toujours pas parlé. »

« Je pense que c’est très, très étrange. »

Les responsables du PCC affirment que les détentions massives au sein de la population ouïghoure, dont la majorité pratique l’islam, font partie des mesures visant à réprimer le terrorisme, l’extrémisme religieux et le séparatisme dans le pays. Le PCC a fait référence à des « menaces extrémistes » potentielles afin de justifier sa surveillance stricte et sa répression contre les Ouïghours et d’autres groupes ethniques minoritaires dans la région du Xinjiang.

Les Ouïghours de la région sont détenus pour des raisons telles que contacter des amis ou des parents à l’étranger, voyager à l’étranger, se laisser pousser la barbe et assister à des rassemblements religieux, ont déclaré à Epoch Times les Ouïghours qui ont des membres de leur famille dans ces camps.

Des récits de première main décrits à Epoch Times ont également révélé des tentatives des autorités de dépouiller les détenus ouïghours de leur culture et de leur langue – comme le parti l’a fait pour les Tibétains et les Chinois pendant la révolution culturelle – les forçant à dénoncer leur foi et à s’engager envers le PCC et son dirigeant. Si les détenus ne suivent pas les ordres, ils peuvent être soumis à plusieurs formes de torture à titre de punition.

TikTok fait face à de vives réactions

La nouvelle de la suspension de compte de Feroza arrive alors que TikTok – qui a une fréquentation mondiale de plus de 700 millions de personnes – fait l’objet d’un examen approfondi. L’application vidéo a déjà fait l’objet de critiques après que des directives de modération ont fait l’objet d’une fuite au début de l’année, selon lesquelles les vidéos faisant référence au massacre de la place Tiananmen en 1989, à l’indépendance du Tibet et au Falun Gong, entre autres critères, devaient être censurées.

Bien que les directives ne fassent aucune référence spécifique au Xinjiang lui-même, l’application a déclaré que les vidéos contenant « des sujets très controversés, tels que le séparatisme, les conflits entre sectes religieuses, les conflits entre groupes ethniques, par exemple en exagérant les conflits entre sectes islamiques » doivent être modérés, selon Guardian.

De plus, un rapport récemment publié par l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) intitulé « Mapping more of China’s tech geants : AI and surveillance » (Cartographier davantage de géants de la technologie en Chine : l’intelligence artificielle et la surveillance), il a été constaté que ByteDance « collabore activement avec les bureaux de la sécurité publique à travers la Chine, y compris dans le Xinjiang » pour diffuser la propagande du PCC dans la région.

L’entreprise de technologie a également signé un « accord de coopération stratégique » en avril avec le Bureau de la presse et de la publicité du ministère de la Sécurité publique, afin de « promouvoir l’influence et la crédibilité des services de police à l’échelle nationale » dans sa version chinoise de TikTok-Douyin.

« En vertu de cet accord, tous les niveaux et divisions des unités de police du ministère de la Sécurité publique à la police de la circulation au niveau des comtés auront leur propre compte Douyin pour diffuser la propagande », indique le rapport de l’ASPI.

« L’accord indique également que ByteDance augmentera sa coopération hors ligne avec le service de police, mais il n’est pas clair en quoi consiste cette coopération hors ligne. »

« Pékin a démontré sa propension à contrôler et à façonner les médias en chinois à l’étranger », ont écrit Fergus Ryan, Danielle Cave et Vicky Xiuzhong Xu dans le rapport.

« La croissance fulgurante de TikTok place maintenant le PCC dans une position où il peut tenter de faire de même sur une plate-forme largement non chinoise – à l’aide d’un algorithme avancé alimenté par l’intelligence artificielle (IA). »

L’adolescente bloquée par TikTok ne se laisse pas impressionner

Bien qu’elle ait reçu des tonnes de commentaires haineux de la part de comptes de médias sociaux qui semblent provenir de Chine continentale, Feroza a déclaré à Epoch Times qu’elle prévoyait de continuer à publier des vidéos sur ses plateformes de médias sociaux pour sensibiliser la population à divers enjeux.

« Je sais que ce que je prêche, c’est la vérité. Je sais que des millions de personnes dans le monde sont si heureuses que j’aie pu sensibiliser les gens à ce problème », a-t-elle dit. « Je vais continuer à aider les Ouïghours et toute crise humanitaire qui se produit dans le monde. Je parlerai de la Colombie, de l’Afghanistan, du Venezuela, de la Somalie, partout où il y a besoin d’aide. »

Parlant de plusieurs vidéos tournées sur TikTok dans un style similaire, qui sont apparues depuis qu’elle a publié sa série en trois parties, Feroza indique qu’elle croit que cela signifie que l’application pourrait être utilisée comme une plate-forme pour l’activisme.

« Nous l’avons vu sur Instagram, Twitter, Facebook, alors pourquoi les jeunes ne pourraient-ils pas utiliser TikTok comme une nouvelle forme pour l’activisme ? »

« Je crois que c’est incroyable que les gens suivent mes traces pour aider à parler de choses dont il faut parler, dont des gens ne parlent pas vraiment, qu’ils veulent cacher. Et je pense que c’est vraiment incroyable si j’ai créé cette tendance, ou si j’ai aidé à la créer. »

Feroza a également insisté pour que les gens soient attentifs aux sujets qui ne reçoivent peut-être pas l’attention qu’ils méritent dans les médias.

« Ce n’est pas parce que c’est difficile à croire que ce n’est pas vrai ou que ça n’arrive pas », a-t-elle ajouté.

Malgré l’émergence de documents confidentiels et l’intensification de la pression des communautés internationales condamnant Pékin, le PCC continue à nier tout mauvais traitement des Ouïghours et autres dans le Xinjiang.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.